Lionel: chut. S'il te plaît.

Je m'étais pour la fin de cette campagne limité du point de vue de mes interventions politiques. Ou disons plutôt que j'avais la flemme d'écrire. Oui, on va dire ça.

Qui peut donc me sortir de ma torpeur? Quel mage me fera réagir et prendre l'initiative d'élever ma voix?
Allez Lionel, on t'a reconnu.


Voici revenu le loser le plus célèbre de la scène politique francaise, Jospin Lionel (frère du regretté Mowgli Jospin, musicien et, selon les besoins, alter ego trotskyste de Lionel) qui refuse obstinément de se laisser oublier dans le paisible repos des perdants de l'histoire. Non content d'avoir misérablement échoué à rassembler autour de lui pendant la campagne interne du PS (et ce malgré le fait que le PS était tellement porteur de renouveau il y a quelques mois, que leur présidentiable favori était le même type qui les avait menés à une défaite historique en 2002), notre Lionel repointe ses bouclettes blanches pour, grand sage, nous donner à tous des leçons de politique.
Je suis injuste. On apprend beaucoup de ses échecs. Lionel a donc beaucoup à nous apprendre.

Voici donc que ce jour je tombe sur l'article que voici. Que nous enseigne Lionel?

"Il faut convaincre les Français d'écarter Nicolas Sarkozy et de porter à la présidence Ségolène Royal (...) le choix ultime doit se faire entre Nicolas Sarkozy et Ségolène Royal", a insisté Lionel Jospin en appelant les socialistes à "ne pas se prêter à la mystification" de ceux "qui voudraient réduire le choix entre deux candidats de droite".

Voilà l'homme qui est rentré dans l'Histoire pour avoir échoué à qualifier la gauche pour le second tour de l'élection la plus importante du calendrier politique français, qui a été, contre toute attente, éliminé en faveur d'un candidat de droite et un d'extrême-droite, qui nous explique qu'un second tour sans la gauche est une mystification.

"En 2002, la gauche s'est privée d'une victoire par l'inconséquence et la légèreté d'une partie de ses membres", a-t-il lancé à Avignon devant une salle bondée.

Ouf. Ni le PS ni Lionel ne sont responsables. Les membres en question sont bien sûr les affreux du genre belfortins et autres plus à gauche, laisse-t-il entendre ensuite. Moi qui avais pris sa démission immédiate et son "retrait de la vie politique" comme acceptation et gestion de la responsabilité de l"échec, je m'étais fourvoyé.

Lionel Jospin l'a donc décidé: le choix doit se faire entre Sarkozy et Royal. C'est à se demander pourquoi ils organisent un premier tour. Ah oui, c'est vrai Lionel: parfois ils ne sont pas écrit d'avance.
Une telle amnésie politique, de la part du perdant qui plus est, semble aberrante.

Pourquoi une telle angoisse du côté du PS? C'est qu'une des théories fondamentales du paysage politique français actuel, déjà mise à mal en 2002, pourrait s'effriter un peu plus dans quelques jours: la loi de l'alternance.

Chaque camp, droite ou gauche, oublie tour à tour, suivant les élections, que l'alternance n'est pas un principe républicain, aux lois connues et mécaniques, mais une conséquence directe du vote des citoyens. En 2002? Pas d'alternance, mais c'était à cause d'une aberration électorale, se rassure-t-on, non représentative des lois gouvernant de manière générale les suffrages.
En 2007? Le Pen est occulté de l'esprit, parce qu'on ne veut pas le voir. Mais voilà qu'un autre se pointe: Bayrou.
L'hypothèse d'un Bayrou fort au centre a de quoi déstabiliser: s'il n'y a plus d'opposition forte droite-gauche, et que le pouvoir est au centre, comment alterner? Tous ces gens ayant misé leur carrière dans l'ascension dans un appareil de parti, ne seraient plus assurés du pouvoir une fois que le susdit parti tirerait le bon ticket dans la fille d'attente. Surrané, le systématisme qui fait que le parti arrive tôt ou tard aux rènes de l'Etat.
L'UMP, après 12 ans de pouvoir, s'en fiche un peu. Mais se faire avoir deux fois de suite, pour le PS, ça ferait un peu trop. Cela forcerait finalement à se remettre un peu en cause, idée inadmissible. Alors on se raccroche au bon souvenir de Mitterrand, l'ombre qui plane de façon constante au-dessus du parti, que ce soit sur Royal, DSK, ou Fabius.

La droite regarde vers sa droite, la gauche vers le passé et le centre aimerait bien qu'on le regarde. Pour reprendre les superbes mots de Michel Drucker: Vivement Dimanche prochain.