Pensez donc aux artistes!

Nouvel épisode dans ma longue série des coups de gueule contre les convulsions malsaines de l'industrie musicale qui préfère se condamner plutôt que d'évoluer. Avec, cette fois, un peu d'ironie dans les coins.
D'abord en France: il y a quelques semaines, un rapport a été remis à notre cher Président concernant la lutte contre le piratage musical sur internet. Rapport rédigé par le charmant M. Olivennes, patron de la FNAC de son état. Un observateur innocent pourrait se demander pourquoi M. Sarkozy a demandé précisément à cet homme de s'accomplir de cette tâche, sans doute le moins bien placé pour rendre compte impartialement des choses, et qui aurait probablement aimé intituler ce rapport "Les mesures que la France doit prendre pour que je continue à m'en mettre plein les fouilles".
L'idée maîtresse est ceci: des intérêts particuliers vont avoir le droit d'espionner les téléchargements de monsieur tout le monde, avoir accès à leurs coordonnées personnelles, et porter tout cela chez monsieur le juge en cas d'infraction constatée. Le tout forcément, sans supervision ni même implication de la police, ou d'un juge. Ce sont là des pouvoirs qui ne sont pour l'instant apparemment réservés qu'aux brigades anti-terroristes. Mais passons. Une fois le malfrat identifié, lui seront envoyées des lettres d'avertissement, avant une coupure de l'accès internet d'un an. Avec inscription sur une liste noire de l'intéressé.
Le plus beau est qu'Olivennes insiste sur le fait que cette surveillance et les poursuites soient initiées par les ayant-droit. Ce qui veut dire dans les faits que pour les artistes indépendants, les petits labels, qui n'auront pas les moyens de procéder à ces atteintes à la vie privée, rien ne changera. Mais par contre, quand une gamine de 11 ans voudra télécharger le dernier tube de la Star Ac, elle se fera bannir d'internet pendant 1 an, et les énormes labels et leurs revendeurs (par exemple, la FNAC) conserveront leur précieux flux d'argent.
Dans une interview (qu'évidemment je ne retrouve pas), Olivennes dit trouver normal de vouloir partager avec d'autres, entre autres, des chansons introuvables dans le marché actuellement (comme des albums des années 70 non réédités, par exemple). Il y a donc apparement, un bon piratage (celui qui touche seulement l'artiste) et un mauvais (qui touche aussi l'industrie et le distributeur comme, par exemple, au hasard, la FNAC).
Heureusement que l'on a en France, des gens comme M. Olivennes, droits, fervents défenseurs des artistes, pourfendant les hordes de pirates qui voudraient déruire la musique! Face à tout cela, cette semaine est sortie par le Canard la délicieuse information selon laquelle la FNAC vendrait dans ses rayons de magasin des DVDs pirates. Douce, douce ironie. Leur défense est l'incompétence: comment en effet vérifier tout ce qu'ils vendent? Ah, l'incompétence: si elle n'existait pas, il faudrait inventer la malhonnêteté.
Parallèlement, aux USA, la RIAA, puissant lobby regroupant les plus important labels de musique, continue sa politique de procès plus ou moins ciblés, attaquant systèmatiquement sans forcément avoir de preuves. C'est efficace: ils gagnent des millions. Ils gagnent tellement, que les artistes qu'ils sont censés représenter commencent à se demander comment il se fait qu'eux ne voient aucune entrée d'argent. Une action en justice d'artistes contre la RIAA serait en préparation. Cela serait d'autant plus mérité que la RIAA milite en ce moment pour abaisser le pourcentage de royalties que les artistes touchent sur les ventes numériques. Apparemment, payer 3 ou 4 cents sur une chanson vendue $1 à l'artiste qui l'a créée étouffe l'industrie du disque.
De nombreux labels indépendants se tournent au contraire vers les réseaux P2P pour assurer leur promotion et leur distribution. Par exemple The Flashbulb, qui a abandonné les réseaux traditionnels. En effet, il est en procès contre iTunes, le géant d'Apple de la vente de musique en ligne, qui non seulement propose son travail sans autorisation, mais en plus ne lui reverse rien. Du coup, il a lui-même proposé sa musique sur des sites dit pirates, accompagnée d'un lien où ceux qui le désireraient pourraient faire une donation pour son travail.
C'est exactement ce genre de comportement qui fait le plus peur à M. Olivennes: la distribution est alors totalement contrôlée par l'artiste, et sa rétribution également. Plus d'intermédiaire. L'industrie du disque, inutile. Les artistes, plus proches de leur public que jamais.
Il y a fort à parier que l'on va devoir se taper un bon paquet de lois liberticides avant que tout cela se mette en place.