Benoît et John

Par curiosité, j'ai tenté de regarder le flux de CNN qui retransmettait la convention républicaine qui va adouber John McCain comme candidat à la présidence des Etats-Unis. Bien mal m'en a pris, car maintenant je suis en rogne.

En fait, une convention républicaine, c'est à la base rudement soporifique, ce qui, vu l'heure tardive, m'arrangeait. Plusieurs personnes font des discours pré-mâchés abordant chacun un aspect précis de la politique. On fait bien attention à inclure toutes les catégories qui ont du poids: de l'ancienne PDG de HP à la gérante d'une petite boutique (qui avait surtout l'avantage d'être "philipino-asiatique", dixit CNN, ce qui est chouette pour raccoler tous ces hispaniques que McCain veut jeter hors des frontières mais dont le vote peut, après tout, se révéler utile). John McCain est formidable, c'est un patriote, il comprend tout, c'est vraiment trop bien. On pique du nez et un premier ronflement pointe. L'intervenant regarde la caméra une minute, pivote de 45° pour regarder le prompteur à droite, pivote de 90° pour faire faire au prompteur de gauche, et revient au centre, en boucle, pendant 5min. Les yeux piquent.

Et puis on annonce en voix off le prochain intervenant: Msg Wenski, l'évêque d'Orlando, en Floride. Ca réveille. Pendant un moment, j'ai l'impression d'avoir mal compris. Un évêque catholique qui apporte publiquement son soutien pour un parti politique? Je flotte pendant un moment dans une consternation confuse. Un représentant de l'Eglise Catholique, qui vient faire un discours politique en soutane? Je suis bien placé pour connaître les gouffres culturels qui nous séparent parfois de nos amis outre-atlantiques, mais le républicain (à notre sens à nous, franchouillards) qui est en moi s'étrangle. Pendant que l'évêque se dirige vers l'estrade sous les applaudissements, je me demande brièvement à quand date le dernier soutien public pour un parti politique de l'Eglise en France, 100, 150 ans?

Et quand il commence à parler, je me rends compte que c'est encore pire: il n'est pas venu pour parler politique, il est venu pour dire une prière. Une prière aux accents politiques, évidemment: il glisse bien que l'avortement doit être interdit, mais, dans un oubli caractéristique des américains dans leur attachement à l'absolue sacralité de la Vie, ne mentionne évidemment pas la peine de mort, qui n'a aucun détracteur dans l'assemblée. Une prière donc, ce qui, ajouté à sa soutane, ne laisse plus de doute qu'il n'est pas là à caractère privé, mais bel et bien en tant que représentant de l'Eglise. Je n'essaie même plus de chercher à quand daterait la dernière intervention similaire de l'Eglise en France.

Bouquet final, l'évêque conclut sur un vibrant discours sur la grandeur de l'Amérique, nation tout spécialement bichonnée par Dieu, apparemment, finissant, la larme à l'oeil, par un "Amérique, Amérique, Dieu te bénisse!" qui consacre la fusion entre théologie chrétienne et mythologie de propagande sur la sacralité des USA. Bref, la séparation de l'Eglise et de l'Etat, officielle aux Etats-Unis et en France, n'est pas forcément interprétée de la même façon.

Heureusement, parfois, les républicains américains nous font rire: un peu comme Dick Cheney, opposé au mariage homosexuel, dont la fille est lesbienne, ou Bush qui explique aux Russes qu'envahir un pays souverain, ça ne se fait pas au XXIe siècle, ou encore ce sénateur républicain dans le nom m'échappe, qui a fait voter des lois très dures sur les attentats à la pudeur homosexuels, arrêté après avoir proposé certains services à un policier en civil dans des toilettes publiques... Là, le nouveau truc, c'est la niaise à lunettes Palin, que McCain est allé traquer en Alaska. Bien que totalement inexpérimentée, Mme McCain lui trouve une grande expérience en matière de politique étrangère, parce que l'Alaska est proche de la Russie. Fervente conservatrice, elle prône l'abstinence avant le mariage, et en tant que gouverneur de son Etat, elle a divisé par deux les fonds d'un programme de maisons d'accueil de mineures enceintes, pour que la peur de la rue leur fasse assez peur pour garder leur vertu. Espérons donc qu'elle ne chassera pas de son toit sa propre fille mineure enceinte Bristol, qui ne trouverait donc pas refuge dans ces maisons d'accueil.

C'est vrai qu'ils nous font rire parfois, mais bon après huit ans de Bush on a assez ri pour un bon moment, faut pas déconner non plus.