Le monde? quel monde?

Hier, la Fondation Nationale des Indiens au Brésil a publié des photographies prises d'hélicoptère au-dessus de la forêt amazonienne, à la frontière du Pérou et du Brésil.

On y voit une tribu jusqu'alors inconnue, qui réagit à ce premier contact avec la modernité en envoyant des flèches sur l'hélicoptère.

Il est estimé qu'une centaine de tribus, au monde, n'ont encore jamais eu aucun contact avec le reste du monde. A l'heure de la globalisation, du "village internet"; à l'heure du voyage et de l'exploration spatiale, et du quadrillage de la planète par un dense réseau de satellites, il y a encore des hommes et des femmes qui mènent la même existence que nos ancêtres ont pu connaître il y a quelques milliers d'années.

Si l'on y pense quelque temps, on ne peut s'empêcher d'être pris d'un vertige angoissant. Quoi, des peuples ne connaissant ni Platon, St Augustin ou Kant? Qui ignorent l'existence de Descartes, Newton, Einstein? Qui ne savent pas que Dieu, mort sur la croix, est ressuscité, avant d'être déclaré à nouveau mort par Nietzsche? Qui ont vécu une existence champêtre pendant qu'Alexandre faisait sienne l'Asie, pendant que Rome soumettait la Méditerranée avant de succomber à son propre poids et à ses excès, pendant que les Vikings pillaient l'Europe, pendant que les Arabes faisaient tomber l'Afrique et l'Asie, pendant que le Moyen-Age étouffait l'Occident avant qu'il se libère par la Raison et la Révolution?

Des indiens, enfiin, qui ne connaissent ni d'Eve ni d'Adam: Jordy, Francis Lalanne, Lionel Jospin, Pascal Sevran, Jean Sarkozy; qui ne pourraient pas reconnaître le drapeau américain, la silhouette d'Indiana Jones, ni comprendre le principe du hamburger, de la mode tektonic; qui ne seraient même pas fichus de déchiffrer un SMS ou de prédire le cours du pétrole; qui n'ont jamais entendu les doux mots de "céleri remoulade", "cancoillotte", "StarAc", "bande d'arrêt d'urgence"?

Nus, le corps peint de rouge, un arc et des flèches à la main. Ont-il une âme? Christ est-il mort pour eux? Sont-ils contre les terroristes ou avec eux? Pensent-ils que le libéralisme est incompatible avec socialisme? Vont-ils boycotter les JO de Pékin? Avaient-ils voté pour la Russie à l'Eurovision? Sont-ils pour ou contre l'avortement ou la peine de mort? Pensent-ils que la surveillance étatique des citoyens est une nécessité pour la sécurité ou une érosion des libertés publiques?

On peut se demander si tenter un contact est réellement utile. Pourquoi les importuner de notre curiosité maladive, de nos vices, de nos maladies, de notre avidité, alors que de toute façon le monde sera prochainement détruit cet été, lorsque le Large Hadron Collider du CERN produira un trou noir qui dévorera la Terre?

La riposte graduée: comment restreindre les libertés au nom de ces pauvres artistes

Le gouvernement, après avoir demandé à un marchand comment il pourrait gagner plus de gros sous, veut absolument faire voter une loi sur la ripose graduée. J'en ai déjà parlé, il s'agit de surveiller les internautes, et, en cas d'infraction supposément constatée, les ayant-droits pourraient, sans aucun juge, remonter jusqu'à la personne propriétaire de la machine, pour le bannir d'internet. Le gouvernement, qui d'un côté veut bannir des gens, parle d'un autre d'un droit d'accès à internet pour les européens, faisant là encore preuve d'une cohérence sans faille.
Le parlement européen a, je le rappelle, voté contre ces dispositions.
Mais la bataille s'annonce acharnée. Ainsi, d'après Pascal Rogard, patron de la SACD, « la protection de la vie privée porte atteinte à d'autres libertés ». Les propositions de ces organismes reviennent à ceci: installer sur les ordinateurs des internautes des programmes ("spyware") qui les avertirait en cas d'infraction supposée.
Un autre article fait sourire, tristement; il s'agit d'un entretien avec Marc Guez, patron de la SCPP (Société civile des producteurs de phonogrammes).
Marc Guez. Ce ne sont pas les gens qui sont surveillés, ce sont leurs machines à partir du moment où elles sont connectées à un réseau peer-to-peer. Par exemple, quelqu'un qui allume son micro, qui met des fichiers en partage et qui part de chez lui pendant trois mois. Et bien, il sera susceptible d'être détecté parce qu'il est connecté au réseau. Par contre, qu'il soit là ou pas, qu'il surfe ou qu'il ne surfe pas, on ne le sait pas. On ne surveille pas du tout l'activité de flux, c'est-à-dire où les citoyens se connectent. Le fait déclencheur c'est qu'une machine, quelle qu'elle soit, mette des contenus à disposition. Et bien c'est comme si des gens sortent des meubles de jardin devant leur maison. Et bien tous les gens qui passent devant leur maison peuvent les voir. A contrario, si vous les laissez à l'intérieur, personne ne va les voir. Et on ne rentre pas chez vous.
Si j'ai bien compris, le raisonnement est que mettre passivement à disposition des contenus supposément protégés par des droits d'auteur est aussi répréhensible -- et punissable pénalement -- que de laisser ses meubles de jardin dehors.
D'autre part, s'ils ne surveillent pas les flux, donc les échanges de données, il n'y a même pas de preuve de piratage, sauf si mes lacunes en droit me font défaut. La détention de musique serait-elle proscrite? Mettre sa musique dûment payée sur son ordinateur est-il interdit? Que veut dire mettre en partage? Est-ce mettre les fichiers en question sur un réseau du type Emule? Bittorent? Est-ce les mettre sur un ftp privé pour pouvoir se transférer personnellement de la musique d'un endroit à un autre? Est-ce les mettre sur son disque dur, accessibles par ce programme pirate par excellence, ssh?
Pour reprendre l'image jardinière du monsieur, si je copie un album légalement acheté, selon mon droit théorique à la copie privée, et que je laisse cette même copie sur ma table de jardin, suis-je coupable de mise à disposition de musique, pour le quidam qui regarderait chez moi et qui pourrait me prendre ma copie?
En fait on interroge les réseaux de peer-to-peer pour savoir quels sont les fichiers mis en partage. Et ce sont eux qui vont nous dire quels sont les internautes connectés qui les mettent à disposition. C'est un échantillon qui est relevé à un instant donné. Nous collectons les informations de base : à partir de quelle connexion Internet ont été mis à disposition des fichiers sans autorisation.
Cela ouvre un autre volet fascinant: comment reconnaître un fichier mis à disposition sans autorisation. Bien sûr, seuls les artistes à gros volume seront recherchés: plutôt Johnny Halliday que Anna Terhneim. Comment alors trier les fichiers à disposition, comment retrouver un titre illicitement partagé? Peut-être le nom du fichier. Si je m'enregistre en train de chanter la marseillaise, et que je mets à disposition le fichier sous le nom de "Johnny Halliday - Elle est terrible.mp3", suis-je un pirate? Est-ce que, sans décision d'aucun juge, cela suffit-il à me faire condamner d'internet?
Faut-il que les ayant-droit téléchargent le fichier incriminé, pour s'assurer qu'ils en détiennent les droits? Mais alors, en téléchargeant illégalement un fichier protégé par le droit d'auteur, ne seraient-ils pas alors tout aussi coupables?

On s'étonnera que parmi toutes ces propositions faites par ces puissants lobbys, au nom des artistes, pas une ne concerne la hausse de la part de la rémunération de ceux-ci sur le prix d'un CD. On pourrait penser que, si moins de CDs se vendent, on pourrait ainsi mécaniquement compenser le manque à gagner des artistes, dont ils ont tant à coeur le bien-être.

Pendant qu'une industrie cherche à conserver ses marges honteuses, préférant sacrifier les libertés individuelles plutôt que leurs profits, tout cela avec l'approbation bienveillante et active du gouvernement, il reste quand même quelques personnes à aimer la musique, et à se souvenir que ce sont les artistes qu'il faut soutenir, et non tous ceux qui prétendent parler en leur nom. Personnellement, voilà mon programme des deux semaines qui viennent. Petit test: tu reconnaîtra certains artistes, mais tous? Non? Comment est-ce possible? Ne passeraient-ils pas à la radio? Comment alors découvrir ces talentueux groupes dont les maisons de disques ne jugent pas bon de faire la promotion?

Monsieur Tourè

J'aime, j'adore avoir ma boîte aux lettres pleines de prospectus, malgré le signe les refusant adorablement scotché par ma moitié. Mes préférées sont les grandes surfaces, surfant sur la vague bien-pensante écologique, qui réagissent en faisant la promotion de produits respecteux de l'environnement, à grand coup de catalogues de 50 pages de papier plastifié distribués massivement.

Mais qui n'a jamais eu ces formidables petits cartons qui, sous une confortable couverture de fautes d'orthographe, nous vantent les mérites de puissants sorciers? Ils sont formidables, ces marabouts: il n'existe aucun problème humain qu'ils ne peuvent résoudre en un claquement de doigt, résultat garanti, paiement après succès.

J'en ai reçu un cette semaine qui me proposait des choses pourtant inédites. Je te laisse, visiteur, apprécier.

Le racket de l'ignorance

Parfois, confortablement installé devant mon ordinateur tournant sous Linux, je regarde, pour me distraire, les prix des logiciels propriétaires qui offrent des fonctionnalités similaires -- ou inférieures, pour voir à quel point ces éditeurs de logiciels profitent honteusement de l'ignorance du public d'alternatives gratuites.
Bien sûr, le champion toutes catégories est Microsoft, qui propose son dernier système d'exploitation, Vista, en version "familiale premium" à 340€, et son pack bureautique Office 2007 Standard à 350€. Chacun de ces produits est plus cher que mon portable Asus EEE complet, avec sa distribution Linux. Par distribution on entend système d'exploitation et de nombreux logiciels, dont une suite bureautique comparable à Office. Pour rappel, toute distribution Linux est téléchargeable gratuitement sur internet.
Mais contrairement à Linux, qui vient avec de nombreux utilitaires, Windows, en plus d'être cher, est incomplet. Pour simplement pouvoir utiliser Windows sur internet, il est nécessaire d'avoir un antivirus, car la sécurité est tellement mauvaise que la machine est susceptible d'être infectée de programmes potentiellement destructeurs, ou, pire, de servir sans le savoir de base arrière à des activités illégales. Un antivirus? L'ami Norton rajoute 42€ à la facture (à noter que ces 42€ sont valables pour une durée limitée, au bout d'un an il faudra racheter le droit d'être protégé des derniers virus). Tu veux graver un CD? Il fait acheter Nero, pour quelque 60€. Compresser des fichiers ou lire un fichier zip? Seulement 35€ pour WinZip!
Il serait facile de continuer, mais je suis un être raisonnable, et je pointerai que Linux n'a pas besoin d'antivirus, qu'il sait graver CD et DVDs, lire et écrire les fichiers compressés, dès le départ.
Pourquoi alors ces logiciels susmentionnés coûtent-ils si cher, s'il existe des alternatives gratuites? L'esprit méfiant se dira que gratuit, c'est trop beau pour être vrai, qu'il doit s'agir de produits inférieurs, difficilement utilisables. L'esprit méfiant a tort. Ces logiciels coûtent cher parce qu'ils profitent du fait que leur public ne connait pas les alternatives gratuites, qui sont souvent très supérieures aux versions payantes.
Il est d'ailleurs plaisant de voir que notre administration commence à s'en rendre compte: petit à petit les logiciels libres, gratuits, sont intégrés. Pourquoi l'Etat, donc le contribuable, paierait-il des licences Word alors qu'OpenOffice est gratuit?
Connais-tu à ce propos, profane visiteur, le monde merveilleux des licences?
Quand tu débourses 350€ pour acheter Vista, tu n'achètes pas Vista. Tu achètes le droit d'installer Vista sur une seule machine. Il est strictement illégal, d'après les termes d'exploitation de Windows (le jargon juridique où tout le monde clique OK sans lire), d'installer Windows sur autant d'ordinateurs que l'on veut. Parfois, comme pour Norton, les licences doivent être renouvelées (ie payées à nouveau) après un certain laps de temps.
Par opposition, si l'on prend l'exemple d'Ubuntu, une distribution Linux, il est possible de télécharger gratuitement le CD, ou, si l'on est paresseux, de se faire gratuitement envoyer par la poste autant de CDs d'installation que l'on veut. Une fois le CD en main, il est possible, et fortement recommandé, de l'installer partout, et de donner les CDs à d'autres, sans aucune restriction d'emploi.
Pour un particulier, de nos jours, acheter un logiciel, en plus d'être une aberration, est un tort. Mais tant qu'il ne s'en rend pas compte, Microsoft & co ne sont pas prêts de changer de politique, même si elle est, à long terme, intenable.

Le sens du sacrifice.

En France, nos siècles de Gloire passés, nous n'avons plus le sens de la Grandeur et de l'Abnégation. Heureusement, il existe dans le monde des gens, oserai-je dire des Héros, qui, méprisant leur propre confort et sécurité, se sacrifient pour une idée, un concept, des camarades, un pays.

Il suffit de prendre comme exemple le champion de la Liberté, le dirigeant du Monde Libre, le fer-de-lance de l'Axe du Bien: George. Ces dernières années, pour le compte de profits privés, de délires personnels, et de fantasmes messianiques, il a envoyé les jeunes de son pays mourir sous les bombes, se faire estropier dans des explosions, et finir leur existence hantés par les innombrables massacres auquels ils ont activement pris part, le tout financé par le travail de leurs petits-enfants. Aussi, lui, Monsieur le Président, a décidé de faire un geste grand, un geste beau, un geste fort, pour montrer à tous ces morts, ces handicapés, ces détruits qu'il fabrique à tour de bras que leur effort est partagé, que tous les américains, y compris le premier d'entre eux, participent à l'effort collectif de guerre.
C'est pourquoi, depuis ce fatal jour du 19 Aout 2003, qui restera dans l'Histoire, George W. Bush, par égard aux victimes de sa guerre et à leurs familles, ne joue plus au golf.
On mesure l'importance du sacrifice lorsque l'on sait que George avait passé en ses sept ans de présidence 879 jours de vacances en mai 2008, ce qui représente 30% de son temps de travail. Un jour sur trois, George décide de ne pas travailler, finalement; son sacrifice sportif doit lui peser d'autant plus lourd lors de ces longues journées d'oisiveté.
Malheureusement, ce bienveillant leader du monde s'apprête à prendre sa retraite. Enfin, il pourra prendre du repos.

Primaires démocrates et symbolisme équestre.

La bataille pour la candidature chez les démocrates américains fait rage entre Hillary Clinton et Barak Obama. Ce dernier, depuis de longs mois, fait course en tête, et Hillary Clinton a énormément de mal, et dépense une énergie considérable rien que pour s'accrocher.
Si Obama rechigne, malgré l'insistance maladive des médias américains, à se présenter comme le candidat des noirs, Clinton n'a aucun état d'âme à s'afficher comme la candidate des femmes.
A ce titre, pour montrer sa différence, et qu'être femme est sa force, Hillary Clinton a exorté ses supporters de parier pour la seule jument d'une prestigieuse course de chevaux, le Kentucky Derby. On verrait bien, d'après elle, que pour gagner une course, il n'est pas nécessaire d'être mâle. Elle a même envoyé sa fille pour la représenter.

Malheureusement, sa jument est arrivée deuxième, s'est fracturé ses deux jambes antérieures, et a du être euthanasiée sur la piste.