Nouvelles réjouissances génétiques

Un nouvel article dans Nature apporte une nouvelle pierre à mes articles sur la destruction par la science de l'idée de libre arbitre: en effet, un gène a été identifié comme étant la source de la répétition d'erreurs chez les gens. Ce gène développe des récepteurs dans le cerveau, qui permettent à tout un chacun d'apprendre par l'expérience. Lorsque quelqu'un possède une version mutée de ce gène, qui fabrique alors moins de récepteurs, la personne en question aura du mal - physiquement - à assimiler les leçons des erreurs passées.
Ainsi, un drogué qui retombe éternellement dans la drogue, même après s'être fait soigner, le fait peut-être non par faiblesse ou par vice, mais pas impossibilité physique de prendre en compte son passé.
Encore une occurence de plus d'un phénomène expliquant le comportement et qui serait totalement hors de portée de la simple volonté, mais uniquement lié à la génétique. La prédestination physique à la récidive.
A quand le test génétique pour les criminels? Quand l'avocat d'un meurtrier récidiviste va-t-il ressortir ces découvertes pour expliquer que les faits reprochés à son client ont été scientifiquement prouvées comme étant hors de son contrôle? Peut-être en plus ledit client est-il génétiquement incapable de ressentir de l'altruisme?
Que faire alors avec ces gens? Faudra-t-il créer une justice prenant en considération le code génétique de l'accusé, ou ignorer la science et ne considérer que tous découlent d'une même essence humaine absolue, à l'image de Dieu?
Il n'y a peut-être pas encore de voitures volantes, mais il est facile de voir que l'on vit déjà dans le futur: le monde ressemble de plus en plus à une nouvelle de Phillip K. Dick.

Florent Pagny est un assassin.

J'ai toujours redouté, alors que saison après saison la Star Academy revient toujours, sans honte, sans complexe, qu'ils ne s'attaquent à Jacques Brel. Et bien non! C'est Florent Pagny qui y a pensé le premier.
Sur France2 ce soir, il présente une émission "Florent Pagny raconte Jacques Brel", dont j'ai regardé les cinq premières minutes, par courage et sans doute un peu de folie. Bien sûr, ce soit-disant hommage, faisant mine de raconter la vie du Grand Jacques, est en réalité une opération commerciale visant à faire vendre le nouvel album de reprises de Brel qu'a vomi Pagny dans les bacs.
Des images de la vie de Brel, une voix off qui parle d'un épisode de sa vie, et à quel point cela ressemble au type formidable qu'est Pagny: on coupe alors sur l'affreux, qui, ayant du mal à faire des phrases cohérentes, réussit quand même l'exploit de se comparer sans ciller à Brel. Dans son délire mégalomaniaque, et dépourvu de toute humilité, Pagny, le regard vide, la diction lente et difficile, tente de faire ricocher un peu de la grandeur de Brel sur sa personne.
Le ton était donné dès les premières images, avec des allers et retours entre des images d'archives montrant des devantures de salles de spectacles complètes arborant le nom de Jacques Brel, et Florent Pagny, descendant au ralenti les rangées vides d'une grande salle, comme un messie de la musique daignant descendre de son piédestal pour nous parler à nous, son public aimant, de la relation très intime qui le lie au défunt chanteur.
"Des grandes chansons, celui-là, il en a quand même alignées quelques-unes", commence-t-il sans rire.
Et puis, comme c'est avant tout de la promo, l'émission oublie complètement Brel pour montrer une reprise de Pagny: une reprise insipide, une voix sans âme, sans émotion; Pagny, raide comme un piquet, détruit la chanson, en prenant bien soin, toutes les 10 secondes, de lever bien haut les sourcils (pour montrer qu'il vit vraiment la chanson).
Il y a de ces artistes qui inspirent trop le respect pour qu'ils soient sortis de leur tombe et agités devant les caméras au nom de sa propre promotion. Brel en tête. Apparemment, Pagny pense différemment. Il considère qu'il est juste de se faire de l'argent en ternissant l'oeuvre de plus grand que lui. Et s'il pense sincèrement qu'il arrive ne serait-ce qu'à la cheville de Jacques Brel, il faudrait sérieusement qu'il réécoute Jacques Brel.
Mon indifférence envers Pagny s'étant muée en mépris, je peux maintenant remettre mon casque et redécouvrir avec plaisir Comment tuer l'amant de sa femme, quand on a été comme moi élevé dans la tradition.

300.

Hier, j'ai regardé 300.
Tout d'abord: certaines images sont magnifiques, l'esthétique est travaillée.

Passons aux choses sérieuses. Le film s'ouvre sur l'arrivée d'un émissaire perse à Sparte; ce dernier étant noir, on apprend que l'empire perse s'étendait apparemment jusqu'en Afrique équatoriale. Il demande au roi de Sparte sa soumission à Xerxès. Le roi, qui aura dans tout le film du mal à s'exprimer sans crier à gorge déployée, le pousse alors, avec toute sa suite, dans un immense puits sans fond et sans rebord, de 20m de diamètre, judicieusement placé au bout de la route, à la sortie de la ville.
Le roi prend alors 299 de ses copains et va bloquer l'armée perse, forte de dizaines, de centaines de milliers de guerriers. Oui, parce que le roi perse, qui arrive par la mer, décide de débarquer avec son immense armée précisément au seul endroit en Grèce où il devra passer par une gorge étroite de 15m entourée par des falaises abruptes. Il a même amené des éléphants gigantesques, deux fois plus gros que les bateaux sur lesquels ils sont venus, et trois fois trop larges pour passer par ladite gorge. Ce n'est pas grave, parce que de toute façon, ces énormes bêtes qui font manifestement au moins 15m de haut prennent peur devant les quelques Spartiates avec des lances, et tombent dans la mer.
Revenons à nos 300 amis, et à un des aspects les plus pénibles de ce film: en effet, le spectateur se voit infliger constamment la vision d'une demi-douzaine au moins de pectoraux gonflés au dessus d'une double rangée saillante d'abdominaux rebondis et huilés. Parce que le guerrier spartiate part à la guerre en slip, avec une cape rouge, ce n'est pas moins de 2h de spectacle des torses rutilants de ces bibendums boursoufflés qui sont proposées.
Le torse bombé est de rigueur, mais il reste toujours immaculé. Là où l'ennemi a le mauvais goût d'exploser en une gerbe de sang à chaque fois qu'un Spartiate le touche, il a quand même assez de dignité pour diriger ce flux sanguin dans à peu près toutes les directions (d'où que vienne le coup fatal) sauf dans celle de son assaillant. Les Spartiates n'ont aucune goutte de sang sur eux, même criblés de flèches et mourant. Ca, c'est la classe.
Et oui: forcément, l'ennemi est laid, difforme, il est dépravé et a des divagations mégalomaniaques. Heureusement, il meurt très facilement. Son corps est plus mou qu'un corps normal: ainsi la pointe d'une lance spartiate en forme de harpon, n'a pas plus de mal à le traverser de part en part dans un sens que dans l'autre. C'est pratique, car le Spartiate n'est pas ralenti, et peut se consacrer à tuer d'autres ennemis.
Enfin, évidemment, comme dans tous les films d'Hollywood, il y a le parallèle moralisateur de propagande sur la grandeur de l'Amérique. Les Spartiates, ces braves guerriers, ces hommes virils et musclés, étaient des Américains préventifs. Tout y passe: pourquoi il faut se battre contre l'ennemi qui vient sur leurs terres, se battre pour leur liberté (concept très très en vue dans la Sparte antique); pourquoi il est honorable de mourir pour défendre ces idées; pourquoi il ne faut jamais battre en retraite même si leurs alliés, ces couards, abandonnent la partie; etc. Un des guerriers, qui perd son fils dans la bataille, explique dans un lapsus anachronique de choix que celui-ci est mort pour son pays, alors que le concept même de pays n'existait pas.
Mais bon, quand on n'a pas de scénario, il faut bien occuper les 2h du film avec quelque chose pendant que des membres perses ne volent pas en l'air.

Juste avant, j'avais vu Equilibrium, film d'anticipation avec ses bons moments, entièrement porté par cet excellent acteur qu'est Christian Bale.
Christian Bale est dérangeant; on sent, on lit sur son visage quelque chose de malsain et de caché. Ceux qui veulent vraiment en avoir peur peuvent regarder le Machiniste.
La plupart du film est composée de gros plans sur son visage fermé et inexpressif, et pourtant, dans ces images fixes, sans musique, d'un personnage qui subit une lutte intérieure sans pouvoir la montrer, il se passe plus de choses que dans tout le film 300 et ses ininterrompues scènes d'action.

Grève et guigne musicale.

Fièvre constestatrice, quand tu nous tiens! Le pays entier est secoué par les grèves. La SNCF et la RATP en sont à leur seconde vague: plus précisément, ces manifestations et les gares vides qui en découlent se produisent exactement les soirs où, mélomane, je dois assister à des concerts. Le mois dernier, c'est mon ticket d'Electric Soft Parade qui m'est resté dans les mains, et demain, ce sera celui pour Interpol et Blonde Redhead.
Les grévistes seraient-ils partisans d'une conspiration anti-culturelle, et pire, anti-moi? Bien sûr, officiellement ils refusent de travailler parce qu'ils trouvent totalement injuste de travailler autant et aussi longtemps que les autres, mais il y a certainement des motifs cachés. On ne nous dit pas tout.
Et puis c'est la mode, tout le monde s'y met cette semaine. L'éducation nationale, qui demande qu'on lui laisse des moyens; les étudiants, qui ont envie de bloquer leur fac parce que ça faisait un peu trop longtemps depuis le dernier blocage; et les buralistes, qui n'ont même plus le droit de laisser les gens se tuer en fumant chez eux.
C'est toujours étrange de voir ces petits monsieurs à la télévision, présidents de l'union de machin, porte-parole de la fédération de bidule, qui au nom de leur propre bien-être économique, viennent demander aux français de venir acheter et consommer leurs cigarettes, qui tuent 65000 personnes par an. Vous pensez bien, sinon ils vont acheter leurs cigarettes en Espagne! Gouvernement, fais quelque chose, il faut qu'ils viennent noircir leurs poumons chez nous, entre bons Français!
Les pauvres n'ont pas l'air convaincu par leur propres discours.
Une brève recherche sur Google indique qu'il y a en France 31 057 buralistes. Deux morts par point de vente par an, continuez les gars! La bonne nouvelle? Beaucoup de buralistes ferment: cela veut dire que statistiquement le rendement en cancéreux de chacun de ces sympathiques marchands va exploser!

En conclusion, je m'en remets à mes conclusions.


Arachnochèvre


Gimp, Google Images et du temps à perdre peuvent être des choses dangereuses.

Taxes, culture, et gredins.

Ca y est, le texte a été voté: dans quelques semaines, les joyeux consommateurs devront débourser 23€ de taxe supplémentaire sur les disques durs multimédia de plus de 400Go. Considérant qu'un tel composant coûte un peu plus de 100€, que nous vaut cette jolie augmentation de 25%? La copie privée, bien évidemment.
Quelle est donc ce merveilleux concept? Le voici: le consommateur, a priori, est un gros coupable. S'il achète un disque dur multimédia, des DVD vierges, ou une clé USB, c'est forcément pour y stocker illégalement des contenus dont il n'a pas acquitté les droits d'auteur. Forcément. C'est tellement une évidence qu'il faut prélever à la source une forte taxe, ce qui permettra de compenser les pertes assurées de l'industrie du disque et du cinéma.
Oui, toi, le quidam, qui stocke les photos de tes gamins sur des DVDs, tu donnes de l'argent gratuit à ces entreprises, pour ne pas qu'elles aient la douloureuse et pénible tâche de se remettre en question.
Car la loi est claire: tout consommateur a droit à la copie privée. Sauf si, évidemment, le support est protégé, ce qui représente virtuellement la totalité des DVDs vendus, et un grand nombre de CDs. Dans ce cas-là, le consommateur rejoint le milieu délictuel en faisant de la contrefaçon.
Passons. Le consommateur, disions-nous, a droit à la copie privée. Mais pour pouvoir jouir de ce droit collectivement, nous devons payer. Curieux concept de ce droit accessible contre monnaie sonnante et trébuchante, joli recyclage du concept de privilège. Aux riches la possibilité de copier les contenus multimédias qu'ils ont achetés à prix d'or! Cela s'appelle la spécificité culturelle, qui fait que nous la France, sommes si spéciaux.
Cette taxe est de plus préventive: qu'importe l'utilisation réelle, elle est prélevée. A quand la taxe sur les ciseaux? En effet, de nombreuses personnes sont vouées à courir en tenant des ciseaux, à trébucher, à se blesser, puis à aller se faire soigner à l'hôpital, creusant ainsi le trou de la Sécu.
Que cachent donc ces nouvelles taxes prélevées soi-disant pour nous permettre de copier pour un usage personnel ou familial un bien culturel dûment acquis? Ce droit, lui, n'est pas nouveau. C'est que depuis, les gens sont des pirates, des genres de monstres sanguinaires qui viennent égorger les petits musiciens dans leurs garages, sous les pleurs impuissants de leurs producteurs.

J'ai cherché comme je le fais régulièrement des magasins en ligne ayant une offre acceptable. Force est de constater que les sites douteux sont des distributeurs éminament plus doués, tant du point de vue de la diversité que de la qualité.
Je parle de la qualité du fichier numérique. La quasi-totalité des sites proposent de la musique en mp3, encodé à un bitrate lamentable, au même prix que le CD en boutique. Un peu comme si tu payais autant que pour un DVD, et qu'on te refilait une VHS. Ne parlons pas des nombreux sites qui ont encore des protections greffées inutilement aux fichiers musicaux: ayant Linux, je ne peux même pas les lire.
Le seul équivalent numérique du CD est le choix d'un format dit lossless, sans pertes, comme mon bien-aimé FLAC. C'est une copie 1:1 du contenu trouvé sur un CD. Alors forcément, les magasins qui les proposent se comptent sur les doigts d'une main: le but est que le consommateur achète plusieurs fois la même chose, en CD, et en mp3s.
Quant à la diversité de l'offre, c'est assez étonnant. De nombreux artistes sont tout simplement introuvables sur ces magasins.
Je ne parle même pas du prix, scandaleux vu les coûts réels pour les distributeurs.
En résumé, il est possible maintenant (comparé à il y a un an ou deux) d'acheter sa musique numérique en ligne, légalement. C'est juste très cher, de mauvaise qualité, et avec moins de choix. Un paradis pour les mélomanes.
Bien sûr, j'achète encore quelques CDs physiques des artistes que je veux encourager. Mais c'est un pur acte de mécénat. Un mécénat cruellement inefficace, vu qu'une infime partie de cet argent va aux susmentionnés artistes. Une fois acheté et sorti de son plastique, le CD est transformé en FLAC; l'objet est alors définitivement inutile, et est abandonné dans un coin d'où il ne ressortira jamais.

Incidemment, et sans aucun lien, Mininova est maintenant le 46e site mondial en terme de fréquentation.

Des groupes dont tu n'as jamais entendu parler II

Il est temps, après avoir critiqué les médias et les maisons de disques pour le hold-up qu'ils réalisent sur la création musicale, de faire la promotion de quelques personnes dont tu n'as jamais entendu parler.

Commençons par Dirty Projectors, le groupe d'un monsieur très brièvement vu en première partie de concert de Beirut (j'y reviendrai). En effet, n'ayant pas donné de signe de vie, les programmateurs du concert avaient fait appel à un autre chanteur, quand, in extremis, il arrive avec deux chanteuses, juste avant que Beirut lui-même n'entre en scène. La guitare à gauche, remontée sous les aisselles, le regard perdu, criant sur son micro, il n'a pu jouer qu'une seule chanson, d'une intensité étonnante. Après vérification en écoutant ses albums, Dirty Projectors est en effet un groupe à part. Mêlant à la fois des arrangements de violons et une sonorité très low-fi pour sa guitare et son chant, Dave Longstreth paraît être toujours un peu à côté de sa mélodie, se prenant lui-même en contrepied; et pourtant le résultat final est saisissant, à la fois brut, pathétique et superbe.
Beirut ensuite, est plus connu, et mérite son succès naissant. Sous ce nom se cache Zach Condon, que j'aurais pris pour lycéen usurpant la scène, s'il n'avait été entouré de tous ces cuivres, accordéon, violons; s'il ne composait et chantait de vibrantes chansons teintées d'influences de l'Est; et s'il ne se payait pas le luxe de reprendre Brel en concert sans faire se retourner le grand homme dans sa tombe. C'est déplacé de faire se retourner les grands hommes dans leur tombe, car, comme le faisait remarquer à un concert l'excellent Bertrand Belin, ce n'est pas pratique pour eux, avec leurs genoux et coudes qui sont tombés en poussière.
Un peu plus vieux mais toujours aussi élégant et raffiné, il faut écouter l'album solo de Beth Gibbons, la chanteuse remarquable de Portishead (qui par ailleurs s'apprête à sortir, enfin, un troisième album). Sa voix réussit à être à la fois légère et sautillante, et langoureuse, comme une plainte douce sur une chanson épaisse.
Enfin, pour revenir à des gens vus en concert, il faut découvrir The Blow, nom de scène d'une jeune femme qui passe son temps à raconter sa vie, ses attentes, ses rencontres, continuant parfois son récit par une chanson, sautillant sur place; si l'album Paper Television est plus électronique et plus pop que les groupes précédents, il n'en reste pas moins terriblement efficace et même touchant.
The Blow avait ce soir-là fait place à Deerhoof, trio étrange composé d'une chanteuse asiatique très petite, d'un guitariste perdu dans ses pédales, et d'un batteur exceptionnel qui a faillit détruire tout son matériel dès la première chanson. Il a quand même réussi, à force de taper comme un malade sur son instrument, à faire se retourner et plier en arrière à plusieurs reprises son charleston. Je lui ai serré la main à la fin; il était ruisselant de sueur et son énorme paluche glissait, et il m'a assuré ne pas être un psychopathe. A noter que de tous les groupes que j'ai eu le plaisir de voir en concert, Deerhoof est le seul qui se soit livré à une distribution de bonbons en guise d'entracte. Quoiqu'il en soit, leur musique est très originale; dissonnante, décousue, entraînante ou déconcertante.

Oui, forcément, si tu veux de la musique conventionnelle, bien lisse et creuse, c'est raté. Tu peux essayer ici, par contre. Ou . Ce n'est pas conseillé, cependant. L'abus de médiocrité nuit à la santé.

Automne.

C'est l'automne. La lumière s'affaiblit, la brume monte, et les arbres, dans un soubresaut de souffrance orangée, perdent leurs feuilles par centaines. Spectacle apaisant de ces allées rougies par les feuilles mortes volant au vent; en fermant son manteau, préservant ainsi autour de soi un peu de la chaleur estivale, l'on peut regarder sereinement la nature s'endormir encore une fois, en l'attente d'une nouvelle renaissance.
Et pourtant, ces grandes avenues recouvertes de toutes sortes de teintes, du rouge vif au vert à peine roussi, sont le lieu privilégié d'une terreur saisonnière: celle de la déjection canine furtive. Délaissant les tactiques millénaires des déjections rurales, l'excrément urbain a su s'adapter à la vie moderne; quittant les champs et les chemins de terre, il s'est réfugié dans les villes, où il a su appliquer les règles de la guérilla urbaine. Tel un ninja malodorant, la fiente canine se camoufle, se terre, se dissimule. Sous les feuilles mortes qui rappellent au passant le cycle de la vie, le caractère éphémère de l'existence et la valeur de chaque instant, se cache ainsi une menace glissante d'une nature des plus douteuses.
Malheur à qui sous-estime le pouvoir de dissimulation de ces nuisibles créatures! Dans un excès de confiance, l'insouciant courra sur le trottoir, dans les parcs, dans les rues piétonnes; lorsque la déjection canine frappera, il n'aura comme récompense qu'une demi-seconde de panique, la surprise du choc de la chute, et l'amertume de longues soirées d'hiver solitaires passées à dessiner rageusement sur son nouveau plâtre. Le pied à peine posé sur une large feuille mouvante, le flâneur avisé, lui, saura reconnaître le flottement caractéristique, et pourra esquiver l'irréparable, avant d'avoir appuyé tout son poids sur la feuille susmentionnée.
Méfie-toi, innocent quidam de la rue: sous la splendeur de la nature qui s'embrase avant de mourir, se dissimule un vieil ennemi, toujours aux aguets, toujours décidé à frapper. Sois averti. Sois prêt.

Résistance musicale.

Comme mentionné plus tôt, Radiohead a sorti un nouvel album la semaine dernière. Comment décrire ce groupe à ceux qui ne l'auraient jamais écouté? Si ils étaient une chanson énervante que l'on ne peut sortir de sa tête, ils seraient Le Petit Bonhomme en Mousse. S'ils étaient un cuisinier seul dans un bateau envahi par des terroristes, ils seraient Steven Segall. S'ils étaient gros et consensuellement gentils, ils seraient David Douillet.
Les voilà donc revenus avec cet album, qui d'après certaines sources, aurait été téléchargé 1,2 millions de fois le premier jour, secouant l'industrie de la musique de façon sensiblement plus notable que le retour de Francis Lalanne dans la chanson.
Cet après-midi, j'ai dû casser ma compulsive écoute en boucle de cet album pour mener diverses opérations dans les entrailles de mon ordinateur. Ne pouvant plus ainsi profiter de la musique choisie et aimée, résidant exclusivement, n'en déplaise à M. Nègre, sur mon PC, je me suis résolu à prêter l'oreille à la musique subie et qui pique les yeux, en zappant sur les différentes chaînes de musique proposées par Free.
Un flux constant de musique consensuelle ou consensuellement rebelle a alors déferlé sur mes oreilles. Je suppose que la musique, disons plutôt les produits commerciaux diffusés dans les média de masse sont un peu comme la grippe: quand on y est exposé de façon répétée, on se construit une sorte d'armure, d'immunité, et alors ils nous glissent dessus dans l'indifférence. Ayant passé les 15 dernières années à me protéger d'une telle affliction, le choc a été rude pour mes oreilles innocentes et non préparées à un tel assaut.
Toujours les mêmes clips, les mêmes femmes peu vêtues et dont le fessier protube devant la caméra, les mêmes interprètes, les mêmes mimiques, la même langage, le même style visuel, et très souvent, les mêmes samples misérables en fond. Mention spéciale pour le clip de Tony Parker, qui devrait se contenter de faire perdre l'équipe de France de basket, car il faut avoir que cet homme est aussi doué pour faire du rap que moi pour le breakdancing. Et j'aimerais préciser que je suis tellement peu souple que même mon coude ne plie pas. Attention, je ne blâme pas le genre musical, juste les médiocres qui s'y adonnent. Quiconque visite ma page last.fm verra le génial MF DOOM en bonne position dans mes écoutes.
Et ce n'est rien comparé à ce qui nous attend. D'après Voici, Garou et Lorie vont se marier. Combinant le pire des inintéressantes, lourdes, et commerciales comédies musicales, et le pire des produits préfabriqués pour adolescentes prépubères, ce mariage, d'où sortira peut-être des enfants, lesquels se sentiront obligés de faire de la musique, porte en lui les germes d'une chanson de variétés française toujours plus misérable, toujours plus plate, toujours plus lisse.
A côté de ces gens creux, qui, s'ils avaient été des légumes, auraient été des endives, loin des chaînes de télévision qui s'auto-proclament "de musique", loin des radios qui ne passent que ce que les maisons de disques leur disent de passer, il y a encore des gens qui se battent. Vendredi soir, accompagné d'un gros monsieur qui ne fait que des petits dessins et d'un autre, qui, si j'ai bien compris, est payé pour se faire offrir des saucissons par des corses, j'ai eu ainsi le plaisir d'assister au concert d'Ani DiFranco dans notre belle capitale. Hamail on Trial, en première partie, est un gros monsieur suant et racontant avec force et véhémence au-dessus de sa guitare acoustique comment, jeune, il a tout fait pour rencontrer son idole John Lennon, et qu'à cette occasion il a été poussé contre lui, et que les seuls mots que l'homme qu'il admirait par-dessus tout lui a adressés ont été "Fuck off", que l'on pourrait traduire par "passe ton chemin, laisse-moi en paix"; ou encore comment un ami, pêchant en plein mer une caisse remplie de sacs de poudre blanche, en avait sniffé une ou deux lignes avant de se rendre compte qu'il s'agissait d'une urne funéraire; ou encore sa relative dissatisfaction envers les dirigeants de son pays et de sa proposition de placer la tête de son Président sur un pique. Ani DiFranco, un peu plus calme, le sourire aux lèvres, chante ensuite les espoirs d'une classe populaire désespérée par une démocratie américaine qui ne fonctionne pas, les souffrances silencieuses de ceux dont on ne parle pas.
Autant dire que ces gens, aussi doués soient-ils, ne passent pas à la radio. Ni à la télé. De voir un tel décalage entre ces gens qui ont du talent, et des choses à dire, et le flot continu de niaiseries toutes similaires déversé dans les média me fait inévitablement penser, dans ma paranoïa orwellienne, au Ministère de l'Information de 1984, dont l'un des rôles est de maintenir les machines qui écrivent automatiquement les romans, composent automatiquement la musique, à destination de la plèbe. Le but étant de l'étouffer sous des produits culturels de qualité misérable, mais sans contenu, sans clé de réflexion. De l'art sans âme, sans artiste, dans le seul but de noyer les miséreux dans des préoccupations futiles.
Bon, j'arrête, c'est l'heure de Plus Belle la Vie. Il faut bien s'occuper entre les saisons de la Star Academy.


Les neurologues et leurs casques du démon

Cela faisait longtemps que je n'avais pas parlé de découvertes désagréables, et longtemps, c'est trop longtemps. Certains messieurs, dirigés par un M. Persinger, ont passé nonnes, moines boudistes et autres religieux sous le regard cru d'instruments de mesures perfectionnés. De ces investigations est ressortie la conclusion que le sentiment religieux est parfaitement identifiable lorsque l'on scrute l'activité du cerveau. Certains endroits de notre admirable organe gris et gélatineux, une fois stimulés, inspirent ainsi au type qui leur est relié une proximité avec le divin. Il ne restait plus qu'un pas à faire: construire à casque à Dieu.
Cet appareil, une fois attaché à la tête, stimule précisément les zones du cerveau susmentionnées. Les gens qui y sont soumis parlent d'une présence invisible, d'une union avec l'univers, de félicité; choses traduites ensuite selon la culture des cobayes -- Dieu, Bouddah, et tout ces autres types. Conclusion de Persinger: le sentiment religieux provient d'une anomalie électrique du cerveau; et Moïse, Saint Paul, Mahommet, tous ces gens avaient juste des neurones reliés un peu bizarrement.
Bon, au moins cette fois-ci, aucun parasite n'est impliqué. C'est déjà ça.

Radiohead, sauveurs de la musique

Tous ceux qui suivent l'actualité de Radiohead savaient que leur prochain album était enregistré. Ils savaient aussi que le groupe n'avait pas de contrat avec une maison de disque, et que l'album ne sortirait pas avant courant 2008.
Ce matin, royalement, Radiohead annonce sur son blog qu'il a fait un album, et qu'il sera disponible dans 10 jours.
En soi, ce billet sur leur blog est incroyable. Pour rappel, voilà le schéma habituel:
  • Un groupe signe chez un label
  • Il enregistre un album, le label a très souvent son mot à dire dans la production, et ce qui figurera sur l'album ou non.
  • L'album terminé, il est annoncé. La date de sortie est fixée par la maison de disque de façon à permettre la publicité, la distribution, et encore de la publicité. Et aussi de façon à ne pas entraver d'autres sorties simultanées, pour occuper le calendrier de façon à rentabiliser au maximum l'exposition/les profits.
  • Trois mois avant la sortie, l'album se retrouve sur internet.
Cette fois-ci, on a:

  • Un groupe sans label enregistre, produit et distribue quand il le souhaite, comme il le souhaite, et pour combien il le souhaite, le fruit de son travail.
Cela s'appelle, pour l'artiste, maîtriser son travail; pour le mélomane, pouvoir écouter l'artiste en toute simplicité et en étant sûr qu'il est dûment rémunéré pour son effort; et pour l'industrie du disque, un cauchemar.

Ce n'est pas fini: montrant bien qu'ils ont tout compris aux attentes de ses fans, Radiohead décline son offre ainsi:
  • Soit un téléchargement légal, sans DRM, le 10 octobre, pour un montant que FIXE A SA GUISE,
  • Soit un pack contenant le CD, un second CD, les deux vinyl correspondants, et des livrets, ainsi que le droit au téléchargement.
Nous avons donc une première offre qui permet à chacun d'avoir accès à l'album, en donnant à l'artiste ce qu'il lui semble juste; et une seconde, plus complète, destinée aux fans. Tout le monde est content. Sauf la maison de disque, qui est complètement coupée du circuit. C'est précisément cela qui terrorise cette industrie depuis quelques années: ils sont devenus un intermédiaire de plus en plus inutile; et les labels savent que la tendance ne va pas s'inverser. Alors dans ces cas, mieux vaut culpabiliser ses propres clients et crier au vol plutôt que se remettre en cause.

En tous cas, je salue bien bas Radiohead, qui tout en faisant un geste envers ses fans, fait un bras d'honneur à l'industrie parasite de la musique.

It's alive!

Malgré ce long silence, je suis encore vivant. Beaucoup de choses ont changé depuis mon dernier billet. Rien d'aussi révolutionnaire que d'être remboursé par Free, non, tout de même pas; mais j'ai obtenu et commencé un emploi, déménagé en deux fois, clos ma vie d'étudiant, fait de la plomberie dans mon nouvel ordinateur, et mangé d'une seule fois et seul une quiche lorraine complète, avec 5 oeufs. J'ai même de la lumière qui rentre dans mon appartement maintenant. Oui oui, directement, par plusieurs fenêtres qui s'ouvrent même. Que de changements. Pour couronner le tout, j'ai même un pot de 1kg de nutella, et un grille-pain flambant neuf, offert par ma moitié, qui est décidément précieuse. On voit là que les choses prennent forme.

Free: libre de payer

Voici une petite histoire divertissante.

Juin 2006: je déménage de Bordeaux à Versailles pour un stage de 4 mois. Ma santé mentale et mon bien-être étant directement liés à l'accès à Internet, et étant très satisfait de mon abonnement bordelais à Free, je décide de tirer profit de deux propositions trouvées sur leur site internet: le déménagement de la ligne, et l'ouverture d'une connexion ADSL sans ouverture de ligne par France Télécom au préalable. Ce type d'ouverture peut impliquer cependant, d'après le site, des "délais supplémentaires". Ayant eu accès à internet en 3 ou 4 semaines à Bordeaux, je tente l'aventure. Je me dis que quatre mois plus tard, quand je devrai revenir à Bordeaux, j'effectuerai un second déménagement de ligne; et que donc même si je n'ai internet que pour les deux derniers mois par exemple, c'est toujours ça de pris.
Le temps de trouver un logement, de déménager, etc, je m'inscris le 19 juin 2006. Je reçois aussitôt un mail de confirmation de réception de mon dossier. J'envoie par la poste mon RIB et le formulaire de déménagement de ligne de Free. J'ai alors avec moi à Versailles mon ancienne Freebox.

Quelques semaines plus tard: aucune nouvelle de Free. J'appelle plusieurs fois la ligne surtaxée de Free pour avoir des renseignements, en vain. Aucun moyen de connaître l'avancement de ma
commande, et je n'ai reçu aucun mail de Free m'indiquant des identifiants de compte, ou une quelconque page me présentant un suivi.

Aout: Au cours d'un de mes nombreux coups de fils à la hotline, j'apprends des choses:

Moi: Comment je fais pour connaître mon suivi? J'ai fait un déménagement de ligne, mais je n'ai accès qu'à mon ancien compte, à Bordeaux.
Lui: Quand vous recevrez un mail avec vos identifiants, vous aurez un nouveau compte. Et puis de toute façon, le déménagement de ligne n'est pas possible quand on passe d'une connexion ADSL sur ligne France Telecom [comme à Bordeaux] à une connexion directe [comme demandé à Versailles].
Moi: Quoi??? C'est nouveau?
Lui: Non.
Moi: Ce n'est marqué nulle part sur votre site internet!
Lui: ...

J'annule mon compte à Bordeaux, mais attends un peu pour renvoyer la Freebox (les conditions générales de vente de Free indiquent que l'on dispose de 15 jours pour la renvoyer), dans l'espoir fou que ma connexion sera disponible d'ici là et que je pourrai utilise la vieille Freebox en attendant la nouvelle. Quelques jours après la résiliation, sur mon interface Free de Bordeaux, apparaît un gros message en rouge m'indiquant que si je ne renvoie pas la Freebox, je devrai payer 400€. Alors que les CGV parlent de 150€. J'appelle la hotline, on me dit que c'est "une erreur". Une erreur qui sert sans doute de façon généralisée à terrifier le quidam. Une pratique à coup sûr légale. Je renvoie ma Freebox.

5 septembre: Coup de fil de France Télécom, qui veut rendez-vous pour connecter la ligne téléphonique pour le compte de Free.

Moi: C'est pas trop tôt.
Elle: Mais vous ne comprenez pas, c'est de la faute de Free. Nous n'avons eu votre dossier que très récemment.
Moi: Bien sûr.
Elle: Oui, regardez, nous avons reçu votre dossier le 1 Aout.
Moi: Et vous avez mis 5 semaines pour composer mon numéro?
Elle: ...
Elle encore: Donc nous allons prendre rendez-vous, le 21 septembre.
Moi: dans 2 semaines??
Elle: Entre 9h et 11h ça vous va?
Moi: Non, je travaille.
Elle: et 15h-17h? C'est le plus tard possible.
Moi: Oui, je travaille aussi. Je travaille comme qui dirait toute la journée. Vous ne pouvez pas plus tard? Ou le samedi?
Elle: Non.

Finalement ma moitié a heureusement pu être là le 21 septembre au matin et recevoir le type. Au passage, bravo à Free pour avoir mis aussi 5 semaines à faire une demande à France Télécom.

Le 29 septembre, je redéménageais à Bordeaux.

Bien sûr, durant tout l'été j'ai essayé d'annuler de nombreuses fois ma demande auprès de la hotline de Free, où l'on me disait que c'était impossible étant donné que la demande était en cours, et que je n'avais même pas encore de compte à annuler (je n'avais toujours pas reçu le moindre mail de Free depuis le mail automatique à l'inscription). Des dizaines d'euros passent dans les appels à la hotline (0,34c/min, avec au minimum 10min d'attente à chaque appel).

Courant Octobre: je reçois un mail de Free me demandant de tester la tonalité de ma ligne, et qu'en cas de non-réponse de ma part, Free me contacterait. Bien sûr, à l'époque je suis à Bordeaux, et j'ai même déjà repris un autre abonnement chez Free à cette adresse (qui m'a valu d'autres péripéties). Je n'ai jamais reçu aucun coup de téléphone de Free ou mail faisant suite à ce message.

On en arrive à ce 26 juin 2007. Exactement UN AN ET UNE SEMAINE après mon inscription, je reçois un mail de Free m'indiquant que mon compte est ouvert et ma ligne connectée. J'ai entre-temps eu le temps de déménager deux fois. N'habitant plus à l'adresse indiquée depuis 8 mois, UPS qui est chargé de la livraison du colis me cherche désespérément à mon ancienne adresse.

Quelle est donc la situation pour moi? Une ligne est connectée à Internet dans un logement où je ne réside pas. Si le locataire actuel a un modem, il pourra se connecter à mon nom, gratuitement, et je suppose que tout délit qu'il pourrait commettre serait également pour ma pomme.
Je vais devoir résilier cet abonnement qui a mis 53 semaines à venir, dès le premier mois, ce qui va me coûter le premier mois (30€) et les frais de résiliation (90€). Mon plan originel misait sur un déménagement de ligne en octobre 2006 pour éviter cette résiliation. J'avoue ne pas avoir pensé que les "délais supplémentaires" signifaient en fait environ 380 jours.

Aujourd'hui, l'incompétence misérable de Free me coûte, à moi, leur client, 120€. 120€ qui ne correspondent à rien, à aucun service rendu, à rien de ce à quoi je m'étais engagé en acceptant l'inscription. Je vais devoir payer maintenant pour ne pas payer 30€ par mois pour une connexion ouverte dans un appartement où je n'habite plus depuis 9 mois. Une taxe incompétence Free, qui ne compte pas les coûts outrageux de hotline.

Un peu de divertissement que diable! mais qui fait quand même peur.

Le célèbre Dr. Boyon a porté à mon attention le règlement intérieur de l'Université Bob Jones, aux USA. N'ayant pas de critère d'éducation ni de diplôme commun au niveau fédéral, s'appelle outre-atlantique "Université" un peu tout ceux qui le veulent. Bob Jones, fondée par un certain Bob Jones, dirigée de nos jours par Bob Jones III, est par excellence l'école de la droite chrétienne ultra-conservatrice, où la Bible et son interprétation très stricte remplacent à peu près tous les manuels scolaires. Cela en fait une excellente source de recrutement pour l'administration Bush, incidemment.
Penchons-nous, pour rigoler un peu, sur ce règlement intérieur. En voici quelques extraits, généreusement traduits par ma pomme, ainsi que d'autres anecdotes réjouissantes:

  • Du guide remis aux étudiants à l'entrée:

La loyauté envers Christ implique de vivre séparément. La malhonnêteté, les comportements obscènes, les comportements sensuels, l'adultère, l'homosexualité, tout forme de perversion sexuelle, la pornographie, l'usage de drogue, l'état d'ébriété -- tout cela est clairement condamné par la parole de Dieu et donc interdit ici.

  • Sont causes d'expulsion immédiate: relations sexuelles entre étudiants non mariés, participation à une manifestation pour une cause désapprouvée par l'université, etc.
  • Sont interdits: les lecteurs DVDs, les posters de films, aller au cinéma, voir un film non noté "tous publics" (ce qui aux USA est très difficile, par exemple Shrek n'est pas recommandé aux enfants), écouter de la country, du jazz, du rock, du rap ou même du "rock chrétien", danser, avoir des habits Abercrombie, avoir les cheveux teints, rasés, en épis, avoir une moustache ou de la barbe, avoir (pour les hommes) des colliers ou des bracelets, avoir (pour les femmes) une coupe de cheveux masculine ou une jupe montant plus haut que le bas du genou
  • Sont obligatoires: les messes, les cours, les célébrations du dimanche, les vêpres, les conférences sur la Bible, la messe du soir.
  • En 2000 a été levée l'interdiction pour des étudiants de races différentes d'avoir un rendez-vous galant, instaurée dans les années 50. Cette interdiction était justifiée ainsi: si Dieu nous a créé différents, c'est qu'il y a une raison.
  • Les noirs peuvent intégrer Bob Jones depuis 1971, pour des raisons d'évasion fiscale. Avant, dans les années 60, Bob Jones Sr. soutenait que Dieu avait créé la ségrégation raciale et qu'aller contre le ségrégation était aller contre Dieu.
  • Le fondateur de Bob Jones, Bob Jones Sr, disait du catholicisme que c'est "une contrefaçon satanique, une tyrannie ecclésiastique sur les âmes des hommes... c'est la vieille prostituée du livre des Révélations - 'la Mère des Prostituées'." Tous les papes seraient "possédés par le diable".
  • Bob Jones a une résidence étudiante nommée en l'honneur de Bibb Graves, un copain de Bob Jones Sr., gouverneur de l'Alabama, aide financière et politique de l'université, et accessoirement président d'un chapitre du Ku Klux Klan
  • George W. Bush va régulièrement y faire des discours, surtout en période de campagne présidentielle.
Tout ce bonheur pour à peine $15 000 par an!

Pour continuer à faire peur.

On ne sort jamais indemne d'une lecture ou relecture de l'excellent et terrifiant 1984 de George Orwell. Ecrit en 1949, 1984 a des allures de gigantesque avertissement semi-prophétique par lequel, si l'on est courageux, on peut interpréter grand nombre de phénomènes et évènements se déroulant de nos jours dans le monde. La société qui y est décrite semble être celle vers laquelle tend tout régime ou pays assuré d'un grand pouvoir. Des mécaniques qui paraissent inexorables, vers lesquelles on se sent poussé malgré soi.
Certes, le roman avait été pensé dans un cadre où l'on avait le régime communiste encore en vigueur en URSS, et aussi comme récent modèle la dictature fasciste. En lisant 1984, on essaie désespérément de repousser le Parti d'Oceania à ces monstruosités du passé, d'interpréter le livre comme un présent alternatif terrifiant, s'appuyant sur l'hypothèse que l'une d'elles aurait survécu. Et pourtant, inexorablement, au fil des pages, les idées, les thèmes, les concepts, font écho à nos sociétés actuelles dans ce qu'elles ont de plus dangereux et de plus insidueux.

Est-ce faire preuve d'un esprit mal placé ou grotesque que de voir surgir entre les lignes l'Amérique de Bush?
Qui contrôle le présent contrôle le passé. Qui contrôle le passé contrôle l'avenir. La société de 1984 possède son grand ministère de propagande et de mensonges, le Ministère de la Vérité. Le mensonge comme raison d'Etat, comme source même de la pérénnité du système, de pair avec la guerre perpétuelle.
Eisenhower, en quittant le bureau ovale au lendemain de la seconde Guerre Mondiale, avait mis en garde ses compatriotes: les USA s'étaient doté d'une machine de guerre surpuissante, un complexe militaro-industriel qui devait être démantelé sous peine de devenir incontrôlable. Il n'a pas été écouté. Depuis, les USA ont été en conflit quasi permanent (cet article de Wikipedia pour te convaincre); comme la guerre perpétuelle dans 1984, le conflit est un moyen de continuer à faire tourner son industrie des armes, qui emploie une proportion démesurée de la population. Ces guerres sont toujours au loin; on détruit des pays à l'autre bout du globe, et à l'intérieur la seule conséquence est une embellie des industries de l'armement qui ont planifié toute la chose.
Pour la faire passer, il faut donner une bonne raison au peuple: les soldats de Saddam Hussein, en 1990, jetaient les bébés des couveuses au Koweit, pleura une jeune fille à l'ONU. Le monde s'indigne, on prépare la guerre. La jeune fille en question était la fille de l'ambassadeur du Koweit, et son témoignage était entièrement faux; qu'importe, personne ne le sait, et les américains, toujours soucieux de réécrire leur histoire sous le meilleur jour, utilisent toujours l'anecdote comme étant véridique dans leur transcription des faits. Qui contrôle le présent contrôle le passé. Qui contrôle le passé contrôle l'avenir.
Pour la dernière guerre en Irak, Bush fils raconte comment Saddam Hussein décapite tout le monde; comment il possède des armes de destruction massive qu'il s'apprête, d'une façon mystérieuse, à déchaîner sur le territoire américain; et que Saddam Hussein et Bin Laden travaillent main dans la main, comme pour le 11 septembre. Le monde entier savait pertinemment à l'époque que tout était faux; et pourtant encore maintenant la majorité des américains y croit encore.
Qui contrôle le présent contrôle le passé. Qui contrôle le passé contrôle l'avenir. Saddam Hussein est notre ennemi; il a donc toujours été notre ennemi. Ceux qui ont asséné jour et nuit pendant des mois et des mois ces déclarations étaient les mêmes qui étaient tout contents de vendre des armes à Hussein dans les années 80 pendant la guerre Iran-Irak. Voir la photo ci-contre de Donald Rumsfeld, architecte de la guerre en Irak, qui n'avait pas l'air aussi indigné à l'époque.
Il y a une scène formidable dans 1984 qui se déroule pendant la Semaine de la Haine, dans laquelle au cours d'une grand-messe destinée à exciter les foules contre l'ennemi de toujours, l'Eurasie, l'adversaire change brusquement sans que le peuple ne s'en rende compte. Un peu comme les américains ont basculé de l'arch-ennemi Bin Laden à Saddam Hussein avec une facilité extrème, sans qu'on leur apporte de preuve de lien entre les deux, autre que les mensonges officiels.

Dans le livre, le terrible O'Brien assure que l'on ne peut être que libre ou heureux; et que pour le Bien commun c'est le bonheur qui a été choisi; un bonheur très contrôlé et bien délimité. Combien de libertés sont de nos jours confisquées au nom de la sécurité, de la protection du peuple?
D'après Bush, les écoutes téléphoniques sans mandat sont légales, puisqu'elles participent au bonheur de la Nation en tentant de détecter les terroristes. On se rappelle de l'histoire du français (pas finaud, certes) qui avait été emprisonné et avait dû plaider coupable pour avoir dit le mot "bombe" à bord d'un avion américain. Il faut se tenir à carreau pour ne pas être pris pour un terroriste.
Un professeur d'art nommé Hasan Elahi s'était fait prendre pour un terroriste par le FBI il y a 5 ans; maintenant, il doit appeler le FBI avant de prendre l'avion pour être sûr de ne pas se faire arrêter à l'aéroport, et il poste sur son site ses moindres faits et gestes, ainsi que sa position exacte à tout instant.

Mais l'Amérique n'a pas le monopole en ce qui concerne l'application de 1984. Le Royaume-Uni a récemment mis au point une caméra qui scrute la rue, et rappelle verbalement les citoyens à l'ordre quand ils jettent un papier par terre ou qu'ils n'écrasent pas correctement leur cigarette. A la surveillance totale et constante à laquelle sont habitués nos amis outre-Manche s'ajoute le plaisir de l'humiliation publique et gratuite par un fonctionnaire de police tout-puissant qui a le droit de distribuer les bons et mauvais points du confort de sa chaise, devant son micro et son écran télé.
En 1949, Orwell avait imaginé le telécran, sorte de télévision, impossible à éteindre, dont le son ne peut être coupé, et qui sert en même temps de caméra de surveillance, parfois invectivant de vive voix les contrevenants. On y arrive gentiment.

Je vais arrêter là dans mes divagations folles basées sur 1984. Toujours reste-t-il que ce livre recelle un pouvoir, une force extraordinaire, qui attrapent le lecteur dès la première ligne, et le recrachent désemparé à la dernière.

Et pour la petite histoire, l'image de ce post n'est pas une couverture de 1984, c'est un poster datant de 2002, affiché à Londres, censé rassurer les habitants qu'un nouveau système de surveillance allait leur apporter la sécurité.

Procès.

On connaissait les fameux procès intentés outratlantiques par les majors de la musique et les lobbys d'Hollywood contre la personne lambda qui a eu le malheur de télécharger un jour un mp3 ou un film (et même parfois pas, ainsi des actions ont été menées contre des morts, des handicapés n'ayant pas d'ordinateurs, des enfants de 7ans, etc). Jaloux, qu'ils étaient, nos petits lobbys franchouillards. Il a fallu alors se doter de l'absurde et inapplicable loi DADVSI sur les droits d'auteurs qui a mené hier la Société civile des producteurs de phonogramme en France (SPPF) à attaquer en justice, parmi d'autres, Azureus.
Azureus est un logiciel permettant d'échanger des fichiers entre ordinateurs en utilisant le protocole Bittorrent, qui a par ailleurs fait des accords avec des studios pour proposer des vidéos à la demande par ce biais. Or, la SPPF demande 16,6 millions d'euros à Azureus, car ce logiciel servirait à faire véhiculer des contenus protégés par la loi sur les droits d'auteur. Qu'importe qu'il serve à piloter le système VOD susmentionné! Peu importe qu'il soit utilisé pour échanger des données parfaitement légalement, comme par exemple les distributions Linux, qui sont obligées d'utiliser le réseau Bittorrent pour éviter de saturer ses serveurs! Peu importe que l'on puisse échanger ses propres fichiers personnels! L'outil d'échange est apparemment responsable.
Pourquoi ne pas attaquer Microsoft? Quand une image est reproduite sur un site, alors que ce site n'a pas l'autorisation nécessaire, Internet Explorer participe au même titre à l'échange de fichiers protégés par les droits d'auteur. Pourquoi ne pas attaquer les fabricants de CD vierges? D'après une étude lue récemment, l'échange entre personnes physiques de CDs gravés représenterait 37% du piratage de la musique dans le monde. Pourquoi ne pas attaquer ceux qui vendent des couteaux, sous prétexte qu'ils peuvent être utilisé à des fins criminelles?
La loi DADVSI estime en effet qu'est attaquable tout logiciel "manifestement" destiné à l'échange de fichiers illégaux. A l'appréciation, évidemment d'un juge, qui, droit sorti de l'ENM, y a reçu bien évidemment une formation poussée sur les différents protocoles d'échanges de fichiers à travers un réseau, et qui est très informé des problématiques de gestion de serveurs centraux face à une distribution distribuée et décentralisée telle que proposée par Bittorrent. Ce juge saura alors mieux que les créateurs du logiciel eux-mêmes pourquoi ils ont développé le susnommé.
En tous cas ce procès va faire une belle jambe à Azureus, qui n'a aucune activité en France, ni aucune prétention à une activité en France.

A l'assaut de la Raison

Al Gore était récemment invité chez l'excellent Jon Stewart pour présenter son nouveau livre, dénonçant aux USA les assauts perpétrés à l'encontre de la Raison. Les exemples sont innombrables, aux mensonges ayant mené à la guerre en Irak à ceux niant le réchauffement climatique à des fins économiques (à ce propos il est intéressant de noter que Bush, qui avait la semaine dernière annoncé à grand fracas la réduction d'émission de CO2 aux USA, s'est farouchement opposé à tout chiffrage et calendrier au G8 à ce sujet).

Il est un autre exemple, pour moi le symbole d'une imposture intellectuelle, dont j'ai déjà parlé: la croyance ferme d'une proportion énorme d'américains en la création du monde selon des termes bibliques. Le symbole va bien, merci. Le musée du Créationisme a ouvert ses portes cette semaine.
Apparemment, avant le péché originel, les vélociraptors aimaient brouter à côté d'Eve. Eve qui est toute habillée, malgré le fait que selon la Genèse une fois la pomme croquée, elle se rend compte qu'avec son homme, ils sont nus; c'est sans doute la première fois que je vois censurer la Bible.

Tout cela fait peur, mais pas assez. Il y a mieux: les candidats républicains à la candidature pour la course à la Maison Blanche. Des débats sont organisés régulièrement à la télévision, et lorsqu'on leur demande qui ne croit pas en l'évolution, plusieurs lèvent la main. Bienvenue au XXIe siècle.

Par exemple, prenons Sam Brownback, sénateur du Kansas. Sentant probablement le désavantage d'être républicain et de s'appeler dos marron, Brownback se rachète en était l'un des opposants à l'évolution. Voici ce qu'il a à dire sur le sujet:

Bien qu'il ne faille négliger aucune piste pour déterminer la nature des origines de l'homme, nous pouvons dire avec conviction que nous en connaissons avec certitude au moins en partie la réponse. L'homme n'était pas un accident et reflète une image unique dans l'ordre qui a été créé. Les aspects de la théorie de l'évolution qui sont compatibles avec cette vérité sont une addition bienvenue au savoir humain. Ceux qui contredisent cette vérité doivent cependant être fermement rejetés, n'était qu'une théologie athéiste se faisant passer pour science.


Jolie démonstration logique. Si tu es d'accord avec moi, c'est vraiment que j'ai raison. Si tu n'es pas d'accord, tu as tort. Vite, Brownback président!
Chez ses supporters, même chose:

C'est plus qu'une coïncidence qu'une vaste majorité des citoyens de ce grand pays croit en Dieu et que nous sommes, de quasiment toutes les manières possibles, la plus grande nation sur Terre. Dieu a béni cette nation et continuera à bénir cette nation tant que l'on placera ce grand pays sous le contrôle de représentants craignant Dieu.


Le même homme, dans un autre article, affirme que Dieu est le seul à comprendre la force gravitationnelle, et que cette force ne peut évoluer, et que la gravité est par conséquent preuve de l'existence de Dieu. Il conclut son billet ainsi:

La croyance en Dieu enseignée dans les écoles va améliorer la discipline de nos enfants à l'école, et par conséquent encourager notre économie. La croyance raisonnable que la gravité doit venir d'un "Concepteur Intelligent" est tout à fait le type de miracle dont l'Amérique a besoin.


Alléluhia.

Je te laisse méditer sur cette pensée: le plus effrayant n'est pas que certaines personnes pensent tout cela. C'est leur droit. Le pire, c'est que ces positions sont revendiquées comme un argument de campagne, pour s'attirer des votes.
C'est que ces positions trouvent un écho dans la population américaine.

Dieu nous garde.


La Science à l'assaut de la Morale

Pour continuer dans l'optique du précédent article, je suis tombé ce matin sur un article proposé par l'excellent Slashdot, qui indiquerait que les neurologues pourraient bientôt détruire des siècles de philosophie en prouvant que la morale et l'altruisme ne sont pas le fait d'une décision prise dans le cadre de son libre arbitre.
Ces scientifiques ont en effet identifié la partie du cerveau qui est activée lorsqu'un sujet commet un acte charitable, de pure bonté envers son prochain: il s'agit de la même région qui contrôle le plaisir évoqué par la nourriture et les relations sexuelles. Ce qui évoque les réflexions suivantes:
  • L'altruisme semble alors "gravé" dans le cerveau, dans le même mécanisme qui incite à la survie et à la reproduction. L'empathie devient alors un des facteurs de l'évolution humaine, sans doute conditionnant le succès de la vie en société.
  • Un être bon le serait malgré lui; pire, il le serait par pulsion, par besoin purement égoïste, celui de recevoir la récompense du plaisir apporté par l'action. Adieu le libre arbitre, la bonté quitte le domaine de l'âme pour celui du physique.
  • La méchanceté, la cruauté, l'absence d'empathie seraient alors a contrario explicables physiologiquement, ce qui ferait un joli bordel philosophico-éthico-judiciaire. A quand le test d'empathie, qui dès le plus jeune âge vous indiquera que votre charmant bambin va mépriser son prochain et sera donc plus apte à entamer une belle carrière de criminel?
Pour détruire encore plus l'unicité humaine et son beau piédestale, il s'avère que l'empathie ne lui est pas spécifique: l'article indique qu'un rat, à qui l'on électrocute le copain à chaque fois qu'il mange, finira par jeûner pour épargner son collègue.
Ce qui mine de rien souligne des capacités cognitives certaines: pour se mettre à la place de l'autre, s'imaginer comment il voit le monde et le subit, il faut savoir faire le distingo entre Moi et l'Autre. C'est quelque chose que l'homme ne maîtrise pas à la naissance, mais qui se développe après quelques mois. Après des millénaires à voir la nature divisée en deux, d'un côté les animaux, pour faire joli, et de l'autre côté, l'Homme, créé à l'image de Dieu, on finit par se rendre compte que finalement la frontière est beaucoup plus fine que prévue.
Un des tests d'intelligence souvent utilisé est la reconnaissance de son reflet dans un miroir. Les chimpanzés, les éléphants, certaines corneilles peuvent le faire. Un bébé humain, non. Reconnaître son image c'est sous-tendre une compréhension du Moi en tant qu'individu unique et libre, c'est avoir conscience de soi. L'animal ne peut alors plus être rapporté à un mécanisme savant simplement guidé par son instinct de survie. Il est alors guidé par une réflexion. Une étude laisse même à penser que des mouches ont un certain libre arbitre.
Qu'est-ce qui rend l'Homme si spécial alors? Michel Drucker? Richard Virenque? Philippe Risoli? Même de si beaux spécimens ne sauraient nous arracher totalement du règne animal que l'on a voulu fuir depuis des millénaires.


Libre arbitre et parasites.

Attention, ce qui suit peut choquer les dijonnaises. Cela parle de bêtes. C'est assez dégoûtant. Non recommandé pour les dijonnaises, vraiment.

La Nature. La Nature est belle. La Nature est juste. Dame Nature, mère et protectrice de tous.
A d'autres.
La télévision puis Internet ont heureusement été là pour m'apprendre qu'elle est aussi le lieu d'indicibles horreurs, qui, si elles étaient ramenées à nos propres personnes, seraient si affreuses, que je ne les souhaiterais même pas à DeChavanne.

Enfant, encore innocent et naïf, j'ai pu voir un documentaire formidable, qui racontait sur un ton presque bienveillant l'histoire d'un escargot -- appelons-le Michel -- qui s'était levé du mauvais pied; puisque Michel n'en possède qu'un, sur lequel il bave continuellement, c'est dire s'il était condamné.
Michel a ce jour-là la mauvaise idée de manger avec son repas un minuscule parasite -- appelons-le Marcel. Or, Marcel a comme principe moral de ne se reproduire que dans des intestins d'oiseaux. Chacun ses goûts.
Voilà donc Marcel, dans le corps de Michel, qui aimerait bien que ledit Michel soit lui-même dans le corps de Philippe, le corbeau du coin. Marcel prend son mal en patience. Et il se nourrit au détriment de Michel. Il grandit, grandit, devient un gros ver, qui tourne en rond sous la peau de l'escargot. Marcel, maintenant d'un taille importante par rapport à celle de Michel, est constitué d'anneaux alternativement noirs et blancs. Une fois qu'il est prêt, il remonte dans la tête de Michel, en poussant, écrasant, ou dévorant ses organes au passage, et se retrouve sous ses cornes. Une fois là, il n'arrête pas de bouger.
Philippe n'a pas forcément une vue d'aigle, mais quand un truc noir et blanc bouge sans arrêt par terre, il le voit quand même. Alors Philippe mange Michel... et tout le monde est content: Philippe est repu, Marcel peut se reproduire, et Michel, avec un peu de chance, s'est réincarné en autre chose qu'un escargot.

Autre histoire distrayante: Adolf la tarentule se promène nonchalemment, en imaginant les actes maléfiques qu'il va perpétrer, comme toute araignée qui se respecte. Et puis paf, Patricia la guêpe arrive, et pique Adolf, qui est paralysé. Patrick emporte alors Adolf vers un trou dans le sol qu'elle a préalablement creusé; et Adolf se dit qu'il va finir comme Joe Pesci dans Casino. Il n'aura pas cette chance.
Patricia emporte Adolf dans le trou, en ressort et scelle l'entrée. Auparavant, elle aura pris le soin de pondre ses oeufs dans le corps d'Adolf. Ce dernier, qui, en bonne araignée, est increvable, et n'a pas besoin de trois repas par jour, se trouve enterré vivant, dans le noir, complètement paralysé.
Pendant quelques jours, rien en se passe.
Et puis les oeufs de Patricia éclosent. Dans Adolf. Des larves de guêpes en sortent. Des larves affamées.
Adolf, le garde-manger vivant.

Un jour que je me promenais dans les vignes autour d'Arbois, j'ai vu une telle guêpe déplacer une araignée inerte, qui commençait à dégager des cailloux pour creuser son trou. Il me semble que je suis intervenu. Pour que je fasse preuve de compassion avec une de ces saloperies d'araignées, faut le faire.

Revenons-en à nos parasites. Les scientifiques qui s'y intéressent (ça existe) sont en train de découvrir que certains ne font pas que manger au passage ce qui transite dans les intestins. Certains agissent directement sur le cerveau, et par là, sur le comportement de leur infortuné hôte.

Le sympathique Spinochordodes_tellinii, par exemple, se reproduit dans l'eau, mais grandit dans les sauterelles. Oui parce qu'apparemment c'est leur grand truc aux parasites, grandir et se reproduire dans des endroits totalement différents. Donc notre parasite, dans la sauterelle, va modifier son comportement. Il va la pousser à sauter dans l'eau, et donc à se noyer, la sauterelle étant incapable de nager. Dans les faits, ce parasite pousse son hôte au suicide.
Le tout aussi gentil Cordyceps infecte les insectes comme les fourmis, dévorant ses organes sauf ceux nécessaires. Il pousse son hôte à grimper en haut d'une branche, d'une herbe, et à s'y attacher fermement en la serrant entre ses mandibules. La fourmi meurt dans cette position quand le champignon consomme son cerveau et commence à pousser hors de la carapace de l'insecte. Il peut alors libérer ses spores dans l'air, qui seront bien disséminés puisque son hôte s'était élevé.

Encore mieux: le Toxoplasma_gondii, se reproduit dans les chats, mais il peut vivre dans tous les mammifères. Quand il grandit dans un rat, il va modifier son comportement pour qu'il n'ait plus peur de l'urine de chat. Tout rat, même n'ayant jamais vu de chat de sa vie, a instinctivement peur de l'odeur de l'urine de chat. Le parasite inhibe cette peur, et uniquement cette peur. Le rat est alors attiré par les mictions félines. Et devient plus sujet à être dévoré par un chat, au plus grand plaisir de notre petit toxoplasme.

Ces animaux ont donc vu leur comportement modifié par un parasite. Génial, des rats qui cherchent de l'urine, c'est incroyable ton histoire. Oui mais voilà, chez l'homme, le toxoplasme ne réveille aucun désir particulier concernant de l'urine de chat. Par contre, il augmente les comportements dangereux et réduit les temps de réactions, augmente les sentiments de doute de soi, accroît le risque de névrose, enfin augmente le risque de schizophrénie.
En France, nous sommes 88% à porter ce même parasite.

Plus incroyable: les taux d'infection varient parfois très fortement entre les pays. 33% aux USA, 4% en Corée. 88% chez nous. Ces taux varient au cours du temps, et aussi en fonction des traditions culinaires (les aliments crus ou peu cuits préservant plus ces adorables chenapans). D'où une théorie récente selon laquelle ce parasite, affectant un peu plus de la moitié de l'humanité, mais en des concentrations géographiques différentes, pourrait avoir eu un impact direct sur les cultures nationales. Si 88% d'entre nous se laissent influencer alors que 4% seulement s'y adonnent en Corée, au final, notre toxoplasme favori pourrait avoir une incidence globale sur les différences culturelles entre les deux pays (ce qui expliquerait pourquoi les Coréens, les misérables, n'ont ni de Johnny, ni de Pascal Obispo, ni de Jean-Pierre Foucault à eux).

Pour finir, une petite note sans rapport. D'après wikipedia, au cours de l'évolution de l'homme, des virus ont infectés nos ancêtres et se sont insérés dans notre patrimoine génétique, sans faire grand-chose vraiment, mais qui sont ainsi dupliqués quand des cellules se séparent et qui sont transmis de génération en génération. Ainsi, 8% de notre patrimoine génétique seraient squattés honteusement par ces rétrovirus.


Je croyais être un homme, un être à part dans la Création, une personne unique et spéciale créée à l'image de Dieu. En fait je suis un transporteur de gènes guidé par des parasites.
Ne rigole pas trop, toi aussi.



Petit message citoyen.

Les transports publics sont un monde à part, une petite France où l'on trouve toutes sortes de gens. Contrairement à la plupart des autres lieux de rencontres, les transports en commun sont le seul endroit où personne ne fait rien. Chacun, assis ou debout, suivant la chance, regarde dans le vide sa vie défiler pendant ces minutes irrémédiablement perdues.
Si l'on considère une personne dormant 8h par nuit, cela veut dire qu'elle aura dormi 33% de son existence. C'est une durée perdue certes, mais qui repose et est nécessaire. Perdre 2, 3h par jour dans les bus, métros, trains? C'est une perte sèche.

Mais voilà que d'aucuns prennent un malin plaisir à rendre encore plus insoutenable cette petite mort quotidienne: le crétin qui écoute de la musique sur le haut-parleur de son portable, et qui oblige de facto tout le bus/wagon à subir ses goûts musicaux, qui oscillent entre le RnB mielleux et dégoûlinant et un mélange indéfinissable de percussions et de rythmes pouvant venir d'Inde. C'est-à-dire qu'il est difficile d'être sûr, étant donné que ce qui sort effectivement du portable s'apparente plus à un grésillement aigu et informe qu'à de la musique; le morceau joué, déjà mauvais à la base, n'arrange rien.
La qualité sonore ne pouvant motiver ces individus, il faut chercher ailleurs la raison de cette incivilité. Ce n'est pas par amour de la musique, car vu la qualité sonore du portable, il est difficile de différencier Beethoven de Patrick Sébastien. Est-ce pour afficher ses goûts musicaux? Etant donné la sélection, il n'y a pas de quoi pavoiser.
Et pourquoi ne pas savourer leur musique à l'aide d'un casque? Puisqu'ils ont un portable dernier cri, sûrement peuvent-ils investir dans deux misérables oreillettes. Et bien non, ils préfèrent infliger leur musique nasillarde et métallique aux oreilles des usagers revenant d'une longue journée de travail dans un wagon déjà honteusement bruyant.
Cette grossièreté gratuite, ce mépris de l'autre, cet irrespect, a donc une autre explication: ceux qui s'y adonnent vivent dans l'illusion que les personnes alentour vont penser d'eux qu'ils sont des types plutôt cools, à écouter de la musique fort comme ça. Sans doute ces malfaisants pensent-ils aussi que la gent féminine, ainsi exposée à trois notes grésillantes, va nourrir aussitôt l'idée que leur apparat génital est proportionné à ce niveau de coolitude.
Peut-être ces gens, conscients en réalité que 97% du wagon pense à une mort lente et douloureuse pour eux, s'en vantent comme une preuve de rebéllion envers les autres 2% , leurs copains. Le 1% qui reste est le petit chien de Mme Bénichou, qui est sourd depuis longtemps.


Et comme ceux qui subissent devinent que ceux qui font subir sont assez crétins pour être du genre à s'énerver et à vouloir se battre si quelqu'un brisait leur aura de supériorité en leur faisant remarquer qu'ils ont un goût musical misérable ou qu'ils gênent tout le monde, chacun reste à sa place et compte les arrêts restants.

Le mieux aurait été que Sarkozy et Royal soient tous deux élus: comme ça non seulement les mélomanes auraient été arrêtés, mais en plus, avec chacun son policier raccompagnateur, leurs émules n'auraient pas osé sortir leur portable.

Jeanne, indémodable.

Cette élection présidentielle a été l'occasion d'une grande victoire pour une femme: Jeanne d'Arc. Auparavant uniquement brandie par l'extrême-droite, Le Pen en tête, elle a bénéficié ces derniers temps d'un joli regain de faveur chez les partis républicains.

Jeanne d'Arc est le symbole même d'une femme qui se lève et se bat pour ses convictions. C'est le symbole de la nation française qui se défend quand menacée. C'est le symbole du caractère divin de la France, puisqu'elle a été canonisée pour avoir voulu sauver la fille de l'Eglise.
On oublie souvent que c'est surtout le symbole d'une des plus anciennes et belles (car pérenne) mystifications politiques, à des fins de propagande, de notre histoire. Voilà en effet notre royaume coincé entre les traîtres burguignons et l'envahisseur d'Albion, depuis bien trop longtemps. Le roi n'en mène pas large, recule, est affaibli. Voici que débarque une illuminée charismatique, qui se prête une dimension mystique. Dieu soit loué, car apparemment Il est dans le camp de la France! Alors on met la Jeanne sur les devants, en espérant que tel un Stakhanov moyen-âgeux, elle redonnera au peuple le goût de se faire transpercer par les lames et les flèches des Anglais. Suivant la logique jusqu'au bout, dans un bon esprit, Jeanne passe au bûcher, et de bonne opération publique, elle devient martyr de la Nation.
Elle trouve alors utilité par-delà sa date de péremption: si l'image a plu à l'époque, il pourrait être utile de la ressortir. On s'en donne à coeur-joie. On la cannonise même en 1920.

Dans la politique française moderne, c'est bien sûr l'extrême-droite qui s'empare du symbole. Une femme, pure car pucelle, indomptable, guerrière, animée d'une mission divine, allant jusqu'au sacrifice de soi: on reconnaît bien sûr là trait pour trait les caractéristiques qui nous séparent nous autres bons français de tous ces perfides étrangers qui, s'ils ne nous briment pas, veulent au moins nous voler quelque chose.
Drumont aura même à dire: « C'est une Celte, Jeanne d'Arc, qui sauva la patrie. Vous connaissez mes idées [...] et vous savez de quel nom nous appelons l'ennemi qui a remplacé chez nous l'Anglais envahisseur du XVe siècle… Cet ennemi s'appelle pour nous le Juif et le franc-maçon. »
Heureusement, le FN de nos jours n'a pas pris cette citation à la lettre, et s'est permis de l'interpréter dans un contexte moderne, afin d'agrandir la liste des susmentionnés ennemis. De "bouter les Anglois hors de France" à jeter les Arabes à la Seine, il n'y a qu'un pas que certains frontistes n'ont pas peur de franchir, avant de regagner le cortège du FN dédié à la sainte.

Et pourtant, ces derniers temps, on retrouve aussi Jeanne dans les discours politiques de Ségolène Royal et de Nicolas Sarkozy.
Pour Royal, c'est dans un ridicule exercice d'identification avec une femme debout, brisant les tabous de l'époque, se battant dans un monde d'hommes. On compare Sarkozy à Napoléon, qu'importe! Elle, elle prend Jeanne. Finies les métaphores animalières! La gazelle n'est plus, on sort la sainte.
Quand au nouveau président, il déclamait récemment à Rouen, le visage tendu (et pas encore bronzé sur le pont du yacht de la 13e fortune de France): "Comment être à Rouen et ne pas penser à Jeanne sur son bûcher, criant le nom de Jésus au milieu des flammes? " et de continuer sur l'importance que nous autres bons catholiques avons dans la France d'aujourd'hui, et son refus de plier devant les musulmans qui, c'est bien connu, égorgent tous, tous les jours, des animaux chez eux, et qui sont tous polygames.

Jeanne, la sainte, la mystique, la guerrière, qui fit sacrer un roi, appelée de toutes parts au nom de la République laïque et rationnelle issue de la Révolution. Dieu merci, la politique sait garder un sens de l'ironie.

Lionel: chut. S'il te plaît.

Je m'étais pour la fin de cette campagne limité du point de vue de mes interventions politiques. Ou disons plutôt que j'avais la flemme d'écrire. Oui, on va dire ça.

Qui peut donc me sortir de ma torpeur? Quel mage me fera réagir et prendre l'initiative d'élever ma voix?
Allez Lionel, on t'a reconnu.


Voici revenu le loser le plus célèbre de la scène politique francaise, Jospin Lionel (frère du regretté Mowgli Jospin, musicien et, selon les besoins, alter ego trotskyste de Lionel) qui refuse obstinément de se laisser oublier dans le paisible repos des perdants de l'histoire. Non content d'avoir misérablement échoué à rassembler autour de lui pendant la campagne interne du PS (et ce malgré le fait que le PS était tellement porteur de renouveau il y a quelques mois, que leur présidentiable favori était le même type qui les avait menés à une défaite historique en 2002), notre Lionel repointe ses bouclettes blanches pour, grand sage, nous donner à tous des leçons de politique.
Je suis injuste. On apprend beaucoup de ses échecs. Lionel a donc beaucoup à nous apprendre.

Voici donc que ce jour je tombe sur l'article que voici. Que nous enseigne Lionel?

"Il faut convaincre les Français d'écarter Nicolas Sarkozy et de porter à la présidence Ségolène Royal (...) le choix ultime doit se faire entre Nicolas Sarkozy et Ségolène Royal", a insisté Lionel Jospin en appelant les socialistes à "ne pas se prêter à la mystification" de ceux "qui voudraient réduire le choix entre deux candidats de droite".

Voilà l'homme qui est rentré dans l'Histoire pour avoir échoué à qualifier la gauche pour le second tour de l'élection la plus importante du calendrier politique français, qui a été, contre toute attente, éliminé en faveur d'un candidat de droite et un d'extrême-droite, qui nous explique qu'un second tour sans la gauche est une mystification.

"En 2002, la gauche s'est privée d'une victoire par l'inconséquence et la légèreté d'une partie de ses membres", a-t-il lancé à Avignon devant une salle bondée.

Ouf. Ni le PS ni Lionel ne sont responsables. Les membres en question sont bien sûr les affreux du genre belfortins et autres plus à gauche, laisse-t-il entendre ensuite. Moi qui avais pris sa démission immédiate et son "retrait de la vie politique" comme acceptation et gestion de la responsabilité de l"échec, je m'étais fourvoyé.

Lionel Jospin l'a donc décidé: le choix doit se faire entre Sarkozy et Royal. C'est à se demander pourquoi ils organisent un premier tour. Ah oui, c'est vrai Lionel: parfois ils ne sont pas écrit d'avance.
Une telle amnésie politique, de la part du perdant qui plus est, semble aberrante.

Pourquoi une telle angoisse du côté du PS? C'est qu'une des théories fondamentales du paysage politique français actuel, déjà mise à mal en 2002, pourrait s'effriter un peu plus dans quelques jours: la loi de l'alternance.

Chaque camp, droite ou gauche, oublie tour à tour, suivant les élections, que l'alternance n'est pas un principe républicain, aux lois connues et mécaniques, mais une conséquence directe du vote des citoyens. En 2002? Pas d'alternance, mais c'était à cause d'une aberration électorale, se rassure-t-on, non représentative des lois gouvernant de manière générale les suffrages.
En 2007? Le Pen est occulté de l'esprit, parce qu'on ne veut pas le voir. Mais voilà qu'un autre se pointe: Bayrou.
L'hypothèse d'un Bayrou fort au centre a de quoi déstabiliser: s'il n'y a plus d'opposition forte droite-gauche, et que le pouvoir est au centre, comment alterner? Tous ces gens ayant misé leur carrière dans l'ascension dans un appareil de parti, ne seraient plus assurés du pouvoir une fois que le susdit parti tirerait le bon ticket dans la fille d'attente. Surrané, le systématisme qui fait que le parti arrive tôt ou tard aux rènes de l'Etat.
L'UMP, après 12 ans de pouvoir, s'en fiche un peu. Mais se faire avoir deux fois de suite, pour le PS, ça ferait un peu trop. Cela forcerait finalement à se remettre un peu en cause, idée inadmissible. Alors on se raccroche au bon souvenir de Mitterrand, l'ombre qui plane de façon constante au-dessus du parti, que ce soit sur Royal, DSK, ou Fabius.

La droite regarde vers sa droite, la gauche vers le passé et le centre aimerait bien qu'on le regarde. Pour reprendre les superbes mots de Michel Drucker: Vivement Dimanche prochain.



Prendre le temps.

Certes, il est facile pour l'homme moderne de se laisser engloutir par le flot incessant d'images et d'informations vomi par le monde sur son existence misérable. Parfois cependant il faut se dresser et dire non! non, je ne veux plus passer moins de 5 secondes sur chaque image, idée, concept, ou information; non, je refuse la paresse et vais faire l'effort de me concentrer sur une chose et de prendre mon temps.
Au cas où tu ne l'aurais pas compris, ce temps est venu. Voici donc deux images fascinantes qu'il va falloir savourer.


La première vient du passé. Le 22 octobre 1895, gare Montparnasse. Il est 16h du soir. Le train provenant de Granville arrive à l'heure, à la grande joie des voyageurs; porté par son enthousiasme, il rechigne à s'arrêter, défonce les butées en bout de voie, racle le sol jusqu'au mur de la gare, le détruit, et tombe une dizaine de mètres plus bas.

L'article afférent de Wikipedia propose une version de plus haute résolution que celle ci-dessous, pour ton bonheur visuel.


La seconde vient de Mars. Depuis trois ans maintenant, la NASA y possède les deux voitures radiocommandées les plus chères de l'Histoire, et indubitablement les plus formidables. Alors qu'elles étaient supposées durer trois mois, elles refusent de mourrir et en attendant, la NASA se ballade et prend des photos. Ce sont donc les premières photographies du sol de Mars, prises à son niveau, à avoir une telle qualité.
En ce moment, c'est l'hiver sur Mars, et les rovers hibernent. Juste avant, Spirit a eu le temps de prendre un superbe panorama dont voici une infime partie:


Oui, ce sol, ce ciel, ces rochers épars, appartiennent à une autre planète. Une fois dépassée la déception de ne pas voir sur le cliché des choses comme ceci, à regarder dans le détail la version haute définition, on se perd dans un paysage si étranger et pourtant si familier, à quelques centaines de millions de kilomètres de distance. C'est à couper le souffle, sauf si l'on est blasé ou si on s'en fout complètement. Je préconise le souffle coupé.

Le pingouin et son bulletin

Le moment est important. La démocratisation de l'ordinateur et d'internet posent de nouveaux problèmes qui doivent être tranchés par des lois. D'aucuns pourraient croire que certains enjeux sont peu pertinents pour la vie de tous les jours, et pourtant ces choix sont cruciaux pour nos sociétés. Le problème est que pour l'instant, souvent, les entreprises ont fait pencher les législateurs, peu conscients des enjeux ou peu enclins à l'être, de leur côté.
Voici des choses éparses à ce sujet.

Vente liée

Tout remonte au traditionnel gros méchant de l'informatique. Microsoft fabrique de la soupe aux endives; ils ont réussi à convaincre le monde que le seul aliment équilibré était la soupe aux endives, que la soupe aux endives, c'est bon, et que d'ailleurs tout le monde adore la soupe aux endives, et de toute façon rien d'autre n'existe, alors à table. Le consommateur s'est habitué à se faire dicter ce qui est bon pour lui, n'y connaissant pas grand chose lui-même. Fort de ce fait, Microsoft déroule la machine. Son propre réseau informatique (le défunt MSN, avant qu'Internet ne voie le jour), ses applications que l'on prend bien le soin de rendre partie intégrante du système pour ne pouvoir les enlever (Internet Explorer, Windows Media Player...), ses formats de fichers (Word), et réussit à faire gober à ses clients que ordinateur et Windows ne font qu'un tout logique.
Un ordinateur dans un magasin, c'est une tour, un écran. Quand on l'achète, il y a plein de cds dans le carton, on l'allume et le logo de Windows apparaît. Microsoft a réussi à faire passer cela pour normal.
- Oui mais j'avais déjà Windows sur mon ancien ordinateur... dommage, tu viens de le racheter (~ 20-30% du prix du nouvel ordinateur). Dans le magasin, aucun moyen de connaître, comme selon la loi, la part du prix liée au matériel (la tour) et celle du logiciel (Windows et tous les logiciels misérables donnés avec, que tu n'utiliseras jamais mais que tu as bien payés).
- Oui mais je suis un type cool et je voulais installer Linux sur mon ordinateur... dommage, tu as quand même payé Windows, et bonne chance pour te faire rembourser.

Interopérabilité, DRM

L'impératif d'interopérabilité pour le consommateur, c'est le loisir de pouvoir jouir de l'oeuvre artistique qu'il a achetée contre monnaie sonnante et trébuchante de la façon qu'il entend. Une chanson téléchargée légalement sur internet doit pouvoir être lue sur son pc, son lecteur mp3 quel qu'il soit. Apple par exemple, ne propose sur sa plateforme que des chansons uniquement lisibles avec leur lecteur, l'Ipod. Un peu comme si tu achetais des oeufs, mais qui ne pourraient être cuisinés qu'avec la poêle du fermier.
Ces protections (appelées DRM) servent-elles le consommateur honnête? Celui-ci, contrairement aux vilains pirates qui font de leurs mp3s ce qu'ils veulent, est contraint dans sa liberté de jouir de son achat. Ne parlons pas des aberrations qui en découlent. Par exemple (oui en fait il faut bien en parler un peu), les licences donnant le droit à un pc de lire tel ou tel fichier multimedia protégé, dépendent du matériel du poste utilisé. Ce qui veut dire que de nombreuses personnes ayant par exemple rajouté un disque dur ou un lecteur, ou ayant dû réinstaller windows, ont perdu les droits pour lire leurs fichiers chèrement acquis.
Encore plus fort, utilisant Linux, je ne peux pas lire ces fichiers protégés, car Microsoft ou Apple se gardent bien de communiquer leurs petites recettes. Faut-il que pour écouter de la musique sur mon ordinateur j'investisse dans un Macbook ou que j'achète Windows? C'est encore plus drôle pour lire des DVDs: ceux-ci étant cryptés, il faut utiliser un logiciel pour les décrypter. Ah oui mais d'après notre jolie loi DADVSI, c'est un contournement de mesure technique de protection, passible de quelques centaines d'euros d'amende. D'ailleurs les députés, qui seront dans quelques mois tous équipés d'Ubuntu Linux, n'auront donc pas le droit de lire des DVDs en vertu de la loi qu'ils auront votée quelques mois plus tôt.
En tant que consommateur payant, a-t-on encore le droit de profiter de son achat?

Formats fermés et ouverts, logiciels libres

Voilà bien un sujet qui paraît cantonné à une poignée d'informaticiens barbus dans leur sous-sol: l'ouverture des formats des fichiers. L'idée que n'importe qui peut savoir comment lire et sauvegarder une donnée (comme une lettre ou un CV) dans un fichier. Le problème, c'est que par exemple, Microsoft change ses formats à chaque version de Word, en prenant particulièrement soin que l'ancienne version ne puisse pas lire les nouveaux fichiers. C'est là qu'il faut payer. Et quand c'est l'Etat qui veut pouvoir lire les nouveaux fichiers? A-t-on idée du coût faramineux des licences des mises à jour en jeu? Et un Etat souverain doit-il être tributaire d'une compagnie privée étrangère pour le bon fonctionnement de son appareil?
La France commence à comprendre que non. De nombreux ministères, ou des départements comme la Gendarmerie, sont passés à OpenOffice.org. Pour les ignares, c'est une suite d'applications logicielles comprenant traitement de texte, tableur, présentations, etc. Comme Microsoft Office, compatible avec celui-ci, mais totalement gratuit.
Oui, se dit le profane, mais j'ai vu à Carrefour le CD de Microsoft Office à 400€ ou plus, c'est que c'est sûrement plus fiable et performant que ton machin bidule donné. Pour répondre rapidement, non. Que Microsoft ose proposer ses logiciels à de tels prix démontre simplement l'emprise culturelle de l'entreprise sur les consommateurs, qui sont dans l'ignorance qu'il existe un choix, et encore mieux, un choix totalement gratuit.
Et pour en revenir aux formats des fichiers, ceux utilisés par Openoffice sont bien entendu ouverts. Cela veut dire que dans 20 ans, avec OpenOffice ou son descendant, il sera possible de relire tes fichiers. Tu ne garderas peut-être pas tes fichiers si longtemps, mais l'Etat, les entreprises, si. On n'y pense pas parce qu'il y a 20 ans, les fichiers, c'était un classeur de feuilles dans un placard; mais l'Etat, l'armée, la police, les banques, etc, en auront besoin.
Il existe pourtant une solution: les logiciels libres. Ils sont gratuits, librement téléchargeables, consultables, distribuables, modifiables. Ils sont souvent d'une qualité égale ou supérieure à leurs homologues propriétaires et fort coûteux. Linux, Ubuntu, Firefox, Amarok, K3B, Gimp, OpenOffice, et des milliers d'autres, proposent des alternatives gratuites, pérennes, libres de tout aléa commercial d'une maison mère. Le code source est disponible, ce qui veut dire qu'une administration peut les adapter précisément à son besoin.
Quelle doit être la politique de l'Etat vis-à-vis des logiciels libres en général? L'école doit-elle par exemple apprendre à effectuer un traitement de texte, ou à utiliser Microsoft Word? Doit-elle former les générations futures à l'informatique, ou à Microsoft Windows? L'école de la République doit-elle former et donner des compétences, ou bien pondre des futurs consommateurs pour une entreprise américaine?
Plus crucial à l'essence même de notre société, par rapport par exemple aux brevets logiciels que certains industriels essaient de faire passer en Europe comme ils les ont fait passer aux USA: le savoir a-t-il vocation à être la propriété commerciale d'une élite d'entreprises, ou à être libre et ouvert à tous?



La campagne électorale en ce moment élude totalement ces thèmes, qui sont aussi pertinents maintenant qu'ils seront lourds de conséquences dans le futur. Pour que ceux qui s'en inquiètent puissent tout de même voter en connaissance de cause, l'APRIL a monté l'excellent site www.candidats.fr, qui a envoyé à chaque candidat un questionnaire et qui en publiera les réponses. Pour donner plus de poids, il y a également une déclaration d'utilisation de logiciels libres, qui n'engage à rien, mais qui permet de montrer que l'enjeu a aussi un impact économique, social, culturel, et plus largement touche aux valeurs de la République.
Signe donc, et surveille les réponses qui devraient normalement arriver bientôt.

Tom Waits, l'homme le plus classe du monde

Tom Waits est un personnage, un monsieur de la musique. Tout d'abord pour son talent de compositeur et son sens de la mélodie; pour sa voix râpeuse et épaisse; pour son entêtement à faire exactement la musique qu'il veut, dans son coin, depuis 34 ans; artiste complet, il est également, à ses heures, acteur, comme dans le Dracula de Coppola, où il joue le rôle du fou mangeant ses araignées; enfin, et surtout, Tom Waits a un chapeau.
C'est le genre de musique que l'on imagine entendre dans un bar louche d'un port inconnu dans un film des années 40, chaleureuse et brute, chargée de la désinvolture et de l'ironie du pianiste oublié dans un coin et voyant toute l'humanité défiler devant lui au comptoir. Tom Waits a un univers bien à lui, dans son petit microcosme (maintenant il co-écrit ses chansons avec sa femme et joue avec son fils); c'est un des personnages indestructibles de la musique et qui ne se plie qu'à ses propres envies artistiques.
Cet homme a également l'intégrité morale -- et/ou suffisamment d'argent -- pour refuser systématiquement l'inclusion de ses chansons dans des spots publicitaires. Or, son empreinte vocale ainsi que son style font qu'un morceau de Tom Waits est instantanément reconnaissable - d'où l'intérêt des publicitaires -- et que par conséquent une contrefaçon l'est également.
Ainsi la carrière de Tom Waits est-elle émaillée de procès envers différentes entreprises souhaitant détourner cette identité à leur profit, sans l'accord de l'intéressé.
En 1988, Frito Lay (qui fait des chips et ce genre de choses) fait chanter à un imitateur une chanson ressemblant étrangement à celle que Tom Waits avait refusé de leur prêter; ce dernier les attaque en justice, gagne et récolte 2,6 millions de dollars. En 1993, Levis utilise une reprise d'une de ses chansons; elle est rétractée et Levi s'excuse officiellement. En 2005, Audi refait le même coup que Frito Lay, et est condamné à verser 79,000$ à Tom Waits. Aujourd'hui, il a été annoncé qu'Opel allait également payer, pour des raisons similaires.
"Je suis content de sortir du secteur automobile une bonne fois pour toutes", commente Waits, secrètement soupçonné de jubiler de ces affaires à répétition dans lesquelles la justice lui donne immanquablement raison.
Il ne reste plus qu'à suivre avec attention le parcours de l'artiste, qui maintenant sort ses albums par deux ou trois, comme son tout récent triple-album Orphans: Brawlers, Bawlers and Bastards.

A ce propos, je dois avouer avoir été déçu lorsque j'ai entendu "I Feel like a Child" de l'excellent Devendra Banhart dans une publicité automobile (ou pour les éléphants, je ne me souviens plus); lui que je pensais indépendant, hors du système, s'est plié au jeu. Devendra, Devendra, qu'as-tu donc fait? Comment quelqu'un écrivant cette musique libre et personnelle, et ressemblant à Jésus avec des cheveux longs, peut-il s'abaisser devant les tentations financières?