Un peu de littérature que diable VI.

C'est reparti.

29. The Prestige, Christopher Priest
Comme la couverture le rappelle subtilement, c'est le livre qui est à l'origine du flim du même nom, que j'avais aimé pour plusieurs raisons. Il s'agit de la rivalité viscérale entre deux magiciens qui s'ingénient à détruire mutuellement leurs numéros, jusqu'à ce que l'un d'eux mette au point un numéro que personne n'explique. La rivalité prend alors des dimensions steampunkesques avec l'intervention de Tesla, et l'obsession de destruction mutuelle prend alors des proportions maladives. La fin est chouette aussi. Le livre est cependant en dessous du flim parce que Christian Bale ne peut pas jouer dans le livre.


30. Spin, Robert Charles Wilson
Revoilà de la bonne SF, mal desservie par son résumé: un jour, soudainement, la Terre est englobée dans une sorte de membrane opaque qui l'isole totalement du reste de l'univers. Si la couverture n'avait pas mentionné le gain d'un Hugo Award, comme le chef d'oeuvre Tous à Zanzibar de John Brunner, j'aurais passé mon chemin car l'idée de départ fait un peu ringard. Pourtant, la force du roman est dans les relations compliquées entre le narrateur et deux jumeaux qui sont comme le reste du monde obnubilés par ce qui arrive à la planète, et qui réagissent à l'opposé. Vers la fin du livre, le côté SF ressort par-dessus l'aspect psychologique qui domine l'histoire, avec entre autres la biologie évolutive d'entités froides vivant sur d'immenses distances dans l'espace.


31. La Confession d'un enfant du siècle, Alfred de Musset
Je crois que j'ai toujours cru avoir déjà lu Musset, alors que manifestement non. Ce roman témoigne, comme les oeuvres romanesques de Benjamin Constant (voir plus bas), que certaines époques se prêtent plus à des sentiments violents et compliqués, ou plus à les glorifier ou du moins à les exposer viscéralement. L'histoire, la passion (avec un P majuscule et un accent circonflexe sur le a) se bousculent en se mélangeant avec une certaine indifférence paradoxale. On ressort de ce déchaînement un peu vidé, comme si on venait de perdre quelque chose.

32. As I lay dying, William Faulkner
Si j'avais compté sur Faulkner pour me remonter le moral, je me fourrais le doigt dans l'oeil. C'est un plongeon noir dans le calvaire cru d'une famille de paysans américains qui transportent le corps de la mère décédée dans une ville qui leur semble lointaine. Les rouages violents et rouillés des relations entre les personnages ressortent dans les non-dits, dans les postures, et cassent parfois. Les dernières pages donnent envie de donner des coups de poings à Faulkner et à son personnage du père.


33. Adolphe, Benjamin Constant
Benjamin Constant est un personnage que l'on retrouve un peu partout à son époque. Il arpente les salons, se mêle de politique. Et puis, aussi, il écrit, mais toujours de manière autobiographique. Il est très facile de l'imaginer, droit, dans les salons à la mode, déclamant ces lignes d'un air faussement modeste et ingénu à un parterre de femmes captivées. Rongé par l'ennui d'une vie bourgeoise et oisive, Constant se lance à l'aventure, parcourant l'Europe poussé uniquement par sa soif de conquêtes. Son existence n'est qu'une succession de passions violentes et obsessionnelles qui retombent instantanément une fois sa cible vaincue. C'est un éternel insatisfait, capable des emportements les plus passionnés et de la froideur la plus cruelle une fois ses objectifs atteints. Il n'y a pas forcément méchanceté, ni planification, on sent juste quelqu'un qui a le luxe de faire selon son bon vouloir, et qui le fait sans considération pour autrui. Ce narcissisme qui pointe à travers le livre est décrit avec une sincérité qui semble totale, presque dérangeante. On aimerait le détester, mais ce n'est pas si facile.