L'APRIL, Picasso, du Klezmer et la Tour Eiffel

Dépêche-toi, visiteur imprudent, d'adhérer à l'APRIL, l'excellente association nationale qui essaie envers et contre tout d'asseoir la place des logiciels libres en France, et dont je suis moi-même un discret membre. Si tu ne sais pas de quoi il s'agit, renseigne-toi, car c'est un sujet qui passe presque inaperçu, mais qui est en train en douce de décider de pas mal de choses. Quelques questions, au hasard:

  • est-ce que l'école de la République doit apprendre comment utiliser des logiciels édités et contrôlés intégralement par une entreprise américaine?
  • est-ce qu'il faut absolument avoir acheté des licences Microsoft pour lire/éditer des fichiers venant de l'administration?
  • est-ce que c'est judicieux d'avoir des pans entiers de l'administration qui dépensent chaque années des millions et des millions pour des logiciels qui ont un équivalent gratuit et libre?
  • est-ce qu'acheter un ordinateur doit dans les faits vouloir dire donner des sous à Microsoft, même si on veut installer autre chose, par exemple Linux à la place?
  • est-ce que les logiciels, qui sont des idées, des algorithmes, sont brevetables, comme aux USA? Pour te montrer que c'est une chose abominable, c'est un peu comme si on brevetait des preuves mathématiques, qui sont aussi des idées et des algorithmes, et qu'il faudrait payer le détenteur du brevet pour pouvoir utiliser tel ou tel théorême.
Tu t'endors? Tu n'y comprends rien? Tu me déçois beaucoup. Passons.

Ce week-end, avec la bien-aimée, nous sommes allés visiter l'exposition 'Picasso et ses maîtres' au Grand Palais. C'était très intéressant, très varié, très fourni, plus complet que prévu, plein de monde. Notre audioguide à l'oreille, les sourcils froncés, nous avions tous l'air d'avoir de très longues conversations téléphoniques professionnelles, au milieu des toiles qui balancent entre recherche, rigueur, grotesque, provocation.

Hélas, l'exposition ne passait pas sous la grande verrière du Grand Palais, mais nous a fait circuler dans une déchirure du continuum espace-temps, où les salles et les escaliers se succédaient dans un volume apparemment beaucoup plus vaste que le bâtiment extérieur.

Dehors, sur les Champs-Elysées, il y avait le marché de Noël, deux longues rangées de cabanons blancs, dont un stand était, pour une raison obscure, entièrement dédié au magicien Majax. C'est, avec la grande roue derrière l'obélisque, le projet de Marcel Campion, qui est notre copain depuis qu'on l'a vu jouer à la guitare au Cabaret Manouche.

Et puis, dimanche, pour nous remettre de ces émotions, nous sommes allés écouter de la musique. C'était, au Café de la Danse, un concert de l'excellent groupe klezmer Oy Division, débordant d'enthousiasme, d'accordéons, de complaintes poignantes en yiddish, rythmé par une contrebasse et emporté par un violon et une clarinette. Le chanteur, aperçu en lévitation sur la photo qui suit, frêle sous sa tête alourdie d'une énorme barbe et de plus de cheveux que je n'aurai jamais eu de ma vie au crépuscule de celle-ci, criait d'une voix claire et saisissante, les douleurs, les joies, l'espoir et le désespoir, dans cette langue qui sent l'Est, les souffrances, mais aussi un grand besoin de joie.


La salle était pleine à craquer, chose assez surprenante pour nous après le désert gênant du Cabaret Manouche; tout le monde se connaissait, tout le monde s'interpellait, beaucoup parlaient en hébreu, ignorant totalement la présence d'une poignée de goy dans l'audience. Nous étions au premier rang, à côté d'un grand-père nommé Claude qui était très bien installé, mais que sa femme a implacablement replacé avec elle tout au fond de la salle, sous prétexte qu'il serait mieux, tu vas voir, c'est presque centré en plus. Il y avait tellement de monde que les organisateurs ont dû rajouter un premier rang devant le nôtre, ce qui nous a remplis d'une rage sourde, évidemment. Les jeunes qui se sont installés devant nous, tous flasques, n'ont pas bougé d'un poil pendant tout le concert, alors que ça pouet-pouetait drôlement, avec des rythmes qui s'accélèrent, des cris qui fusent, la clarinette qui s'emballe. La bien-aimée et moi étions peut-être les moins juifs, mais parmi les plus enthousiastes, et, à la fin du concert, quand le groupe est venu jouer au milieu des rangs, oui, nous avons dansé avec nos amis juifs.

Et hier soir, comme une âme en peine dont la bien-aimée a regagné ses contrées, j'ai erré dans Paris de nuit, mon fidèle appareil photo dans la main. Il faisait froid, les feux de Paris se réverbéraient sur les nuages bas, et depuis St-Michel j'ai marché pendant quelques heures, m'arrêtant entre autres dans ce lieu magique qu'est de nuit le carré du Louvre, derrière le Pavillon Sully, derrière la pyramide, remontant les Champs Elysées, me perdant dans les larges avenues bordées d'immenses hôtels particuliers dont les vieilles façades semblent craquer sous le poids de l'argent, pour arriver enfin devant la Tour Eiffel.



Elle est bleue.



Pour conclure, ayons une pensée pour Horst Tapper, qui est mort hier mais qui restera toujours l'éternel inspecteur Derrick

Congrès

Le congrès du PS a été tellement misérable que ce n'est même pas drôle. On attend bien sûr des socialistes qu'ils se détestent tous entre eux, qu'ils se lancent des phrases assassines, et qu'ils n'aient pour référence et point d'appui que le passé idéalisé, mais quand même.

A ce propos, Ségolène Royal a d'ailleurs lancé un "Ca vous dirait, un nouveau front populaire?" devant les militants, soulignant que la gauche, même dans son imaginaire, n'estime pas avoir fait grand-chose depuis 70 ans, à croire que tous ont oublié un certain Mitterand, il n'y a pas si longtemps. C'est étrange, surtout quand l'on pense que Delanoë a été remarqué par Tonton et que Royal et Aubry ont été ministres sous sa présidence. Mais passons.

Malgré toutes les dissentions, d'habitude quelqu'un, après avoir marché sur la tête des autres, sort vainqueur des débats, ou au moins parvient à obtenir un compromis mou qui ne fâche personne. Là, même pas. Delanoë a beau eu taper sur la table et crier, il a préférer se retirer dans la posture digne du type déçu mais intègre, pour qu'on pense à le rappeler plus tard, en 2012, quand les choses iront encore plus mal. Hamon, fort de ses 19%, devient tout à court le type le plus cool et le plus important du monde, si on l'écoute tout du moins. Aubry et Royal rivalisent de platitudes, faute d'idées. "Il faut un parti socialiste fort, il faut tous être unis!" entend-on partout. Tous unis derrière moi, est sous-entendu.

Pourtant il y a des différences. Royal ne cesse de répéter qu'elle veut incarner la nouvelle génération du PS, qui doit balayer les vieux. C'est vrai que Delanoë et Aubry ont quand même 3 ans de plus qu'elle, place aux jeunes les grabataires! Mais pas trop quand même, pas comme Hamon. Enfin, si j'ai bien compris, Royal veut être élue, mais délèguera la gestion quotidienne du parti à Peillon. Votez pour moi, pour que quelqu'un d'autre puisse faire mon travail. D'un côté ce n'est pas plus absurde que d'élire maire un ministre ou un député.

Derrière Royal, rigide, le front plissé, Manuel Valls se positionne pour la caméra. Depuis des mois, il martèle sans relâche le bon diagnostic: le PS va mal, il faut faire quelque chose, il faut le repenser et le guérir. Avec Moscovici, il semblait pouvoir arriver à faire un peu bouger les choses. Et puis voilà, voilà qu'à la Rochelle tous les bons amis de Mosco préfèrent manger dans l'assiette d'Aubry, et c'est la débandade, et Valls retourne se réfugier dans les jupons de Royal. C'est un homme intelligent, il doit savoir qu'elle est une partie du problème, et pourtant il n'ose pas se démarquer, avancer tout seul. C'est lui qui a annoncé la candidature de Royal au poste de secrétaire, il avait les sourcis froncés comme si ses propres paroles le mettaient en colère. C'est le plus décevant de tous parce que c'est un des seuls qui donnaient un peu d'espoir.

Laurent Delahousse, le présentateur intermittent du JT de France2, nous plaît beaucoup, à la bien-aimée et à moi-même, depuis qu'il a eu le cran dans une interview avec Bachar El-Assad de lui demander pourquoi contrairement à ce qu'il avait annoncé, la démocratisation de la Syrie n'avait pas eu lieu. Sous ses airs de gendre lisse, avec sa mèche blonde et ses dents de pub de dentifrice, lorsqu'il veut poser une question, il le fait et il ne lâche pas. Il interrogeait Cambandélis depuis le congrès, et il lui a demandé pourquoi le PS avait attendu si longtemps pour en arriver là, pas plus avancé, et comment ça se faisait qu'il faudrait attendre, encore et encore. Bien sûr, Cambadélis n'a pas répondu, mais c'est la question que je me pose depuis le 22 avril 2001, depuis que Jospin, vexé, est sorti en boudant.

Cela fait 7 ans que le PS ne sait pas où aller, et attend juste que la roue tourne, surtout sans rien changer. Le malheur est que la gauche gagne parfois des élections mineures, et interprète ça immédiatement comme un signe que les grandes élections vont automatiquement tomber dans son escarcelle la prochaine fois. On se félicite, on s'auto-congratule. Et au lendemain des défaites aux présidentielles ou aux législatives, on annonce, grave, que le parti doit mieux répondre aux attentes des français, et puis on attend les échéances suivantes, surtout sans rien changer. Le PS appelle ça l'esprit de compromis, et loue François Hollande pour l'avoir tenu si haut tout au long de cette longue suite de défaites.

Alors, en face, la droite se marre, elle rigole tellement qu'elle ne se rend pas compte qu'elle est étouffée par Sarkozy tout autant que la gauche. Tous nos beaux ministres, aussi efficaces que des palourdes, se détournent quelques secondes de leur occupation principale, plaire à Sarkozy, pour railler la désunion du PS. Delahousse -- encore lui -- l'a très bien laissé paraître ce soir dans son journal, dont l'invitée était Christine Lagarde, concernant le sommet du G20. "Elle a tout vu, elle a tout entendu, elle va tout nous dire", a-t-il annoncé, pour bien montrer, tout en souriant de façon irréprochable, que Lagarde n'en a pas foutu une à Washington. Pour bien enfoncer le clou, toujours le sourire aux lèvres, il a d'ailleurs commencé par lui demander pourquoi elle prenait des photos des copains pendant le sommet, avec vidéo à l'appui.

C'est cela la politique en France ces temps-ci: pendant que la gauche se déchire au lieu de se rendre compte qu'elle n'a rien à dire, la droite ne pense qu'à rester dans le sillage du président, sur la photo. Mais tout espoir n'est pas perdu: peut-être que nos amis américains voudront bien nous prêter Barak, même quelques jours?


Choses aléatoires

C'est l'hiver encore une fois. Il fait nuit le matin, néon le jour au travail, et nuit le soir: le risque de surproduction de vitamine D est enfin écarté. La nuit est claire et la lune pleine: les petites bourrasques de vent froid, qui s'engouffrent dans les larges fentes de mes fenêtres antédiluviennes, font frémir mollement mes lourds rideaux, comme une invitation au rhume.

L'hiver arrive et il est décevant: c'est la crise, il pleut, et il n'y a plus rien d'intéressant à suivre dans l'actualité depuis qu'Obama a réussi l'impossible, et en attendant fin janvier qu'il commence sa besogne. Bush a passé plus d'un jour ouvré sur trois en vacances, pendant ses huit ans de présidence, et pourtant pour une fois, on aurait bien aimé qu'il parte encore un peu, et qu'il laisse les clés sous le paillasson.

Même le congrès de Rheims ne va pas être digne d'intérêt. Ce week-end, le PS s'apprête à se conforter sereinement dans les ornières de la défaite, qu'il refuse obstinément de quitter depuis que Jospin a jeté l'éponge. Pourquoi faudrait-il changer une équipe qui gagne si bien les élections cantonales, sous prétexte qu'elle perd les présidentielles, les législatives et les sénatoriales? La crise est oubliée par le premier parti d'opposition de France, qui préfère s'entre-déchirer pour se disputer les parts d'un délicieux gâteau qu'ils n'ont même pas.

Il pleut et il fait gris, alors dans le bus, dans le train, dans mon fauteuil ou sur le canapé, je lis. Après avoir compris avec Dawkins les mécanismes d'une théorie élégante de l'évolution centrée sur les gènes, après avoir appris de Dennett que la conscience n'est qu'une illusion qui habille une abstraction des traitements d'informations en série dans notre cerveau qui a une architecture massivement parallèle, après avoir suivi avec Conrad les déboires d'un pays d'Amérique centrale imaginaire, rongé par les avidités et les ambitions, et après un détour dans l'univers au croisement improbable de Ian Flemming, Neal Stephenson et H.P. Lovecraft concocté par Charles Stross, me voilà plongé dans les mines de charbon de Germinal. C'est qu'on a le temps de s'instruire et de voyager, quand on refuse de faire du sport et qu'on considère qu'une nuit de cinq heures est un grand maximum.

Ansi, je continue, 130 ans après tout le monde, à découvrir Zola. Dans son écriture faussement détachée, il couche crûment sur le papier la misère et le désespoir de ses personnages enlaidis par leurs propres travers et par la machine qui les écrase. Une femme est décrite comme "affreuse, les seins sur le ventre et le ventre sur les cuisses", ce qui est très cruel, et dont la progression me fait penser - tout à fait hors propos, mais je ne suis pas homme à m'offusquer de mes propres parenthèses - à Desproges qui disait, avec son sens acéré de la formule second degré, que les noirs ont "le rythme dans la peau, la peau sur les os et les os dans le nez".

Je concluerai cet article incohérent par une autre citation du susmentionné Desproges, parce que je suis le chef et que je fais ce que je veux:

L'ennemi est bête, il croit que c'est nous l'ennemi alors qu'en fait, c'est lui! J'en ris encore.


Intelligent Design, encore et toujours




Bueller? Bueller? Qui le sait?

Ben Stein, le professeur dans La Folle Journée de Ferris Bueller, est aussi, apparemment, un fervent défenseur de la théorie de l'Intelligent Design, dont j'ai déjà parlé. Pour rappel, l'ID soutient que la théorie de l'évolution ne marche pas, et que la nature est trop complexe pour ne pas avoir été créée par une certaine puissance supérieure. Historiquement, c'est une idée qui est née de la volonté d'imposer l'enseignement du créationisme dans les écoles américaines, sans mentionner explicitement Dieu pour des raisons judiciaires.

Ben Stein a donc fait un documentaire là dessus. Seulement, au lieu d'expliquer ce qu'est l'ID et pourquoi cette pseudo théorie serait juste, et pourquoi le darwinisme serait faux, c'est une heure et demie d'un fantasme du complot enrobée dans une mauvaise foi qui donne plutôt envie de vomir. Entre autres:

  • des scientifiques se font injustement persécuter parce qu'ils défendent l'ID,
  • ne pas mettre l'ID au même rang que l'évolution revient à violer la liberté sur laquelle est fondée les USA (Ben Stein se promène, grave, au milieu des tombes des soldats de la seconde guerre mondiale pour bien montrer qu'ils sont tous morts pour rien si on ne l'écoute pas),
  • les scientifiques ne comprennent rien à l'ID parce qu'ils croient que c'est de la religion cachée alors qu'il n'en est rien en réalité, c'est promis,
  • soit dit en passant tous ces scientifiques sont des sales athées, contaminés et corrompus par le darwinisme et qui veulent convertir les petits américains vers le paganisme le plus effrayant qui soit,
  • les darwinistes sont aussi bornés, violents, et intransigeants que des communistes. A cet effet, le film est entrecoupé toutes les 10s d'images d'archives du mur de Berlin, de chars qui défilent dans les rues, de combats urbains,
  • l'euthanasie et l'avortement sont des plans machiavéliques des darwinistes pour débarrasser la société de ses éléments faibles, et le planning familial est de l'eugénisme,
  • apparemment, c'est Darwin qui a soufflé à Hitler l'idée de l'Holocauste. Ben Stein, pour bien montrer cette idée, va à Dachau, va dans un asyle où des handicapés se faisaient gazer, montre des images d'archives de corps empilés. Ce subtil argument ad hitlerium final est le nauséabond point culminant du documentaire.

Le film est bien produit, a une belle photographie: il y a de l'argent derrière tout cela. Combien de jeunes américains vont devoir regarder cela, terrorisés, sans s'apercevoir que son discours est incohérent et dangereux?

L'Intelligent Design est une anti-théorie: elle n'apporte pas d'explication, mais postule une réponse toute préparée vers laquelle on doit retomber systématiquement, par défaut d'imagination. Je ne sais pas expliquer ceci, c'est trop difficile, alors forcément c'est parce qu'il y a un être magique qui est à son origine. L'Intelligent Design est improuvable car elle n'avance rien qui puisse être prouvé: c'est trop dur de chercher, alors on arrête tout, et on postule que si c'est si difficile, si on n'y arrive pas sur le moment, c'est qu'il n'y a pas d'explication, pas de mécanisme à trouver, puisque tout vient d'une toute-puissante et mystérieuse force extérieure. Etrangement, les tenants de l'ID ne cherchent jamais à expliquer cette force extérieure, car ce n'est qu'un déplacement de la difficulté: pour contourner un problème complexe, on lui substitue un autre encore plus mystérieux puisque totalement inconnu et indéfini. Ce qu'ils ne disent pas, c'est qu'ils ont une petite idée de qui est cette force: c'est Dieu, évidemment, mais il ne faut pas le dire tout haut pour pouvoir rentrer dans les programmes scolaires américains. C'est une bonne blague, parce que c'est un secret de Polichinelle, bien que certains esprits malins soutiennent avec les mêmes arguments que la force conceptrice du monde n'est pas Dieu, mais le Monstre de Spaghettis qui Vole (FSM).



Et certains états du Sud des USA intègrent déjà dans leur cursus l'enseignement de l'ID, à égalité avec la théorie de l'évolution. Ah, la belle génération qui nous est promise!

Ce qui se joue, c'est la défaite de l'intellectuel face à l'obscurantisme. C'est Sarah Palin, qui dans le même discours, soutient qu'il faut aider les enfants handicapés, et qui ensuite dit qu'il est scandaleux que l'état finance des recherches sur les drosophiles... qui ont précisément pour but de mieux comprendre le fonctionnement du système nerveux, ou de certains gènes, ce qui a pour conséquence au final de pouvoir aider ces enfants handicapés! Ce sont les télévangélistes qui crient qu'il ne faut pas chercher les raisons de l'ouragan Katrina dans la climatologie mais dans la dépravation de la Nouvelle-Orléans. Ce sont des groupes qui prient devant un veau d'or (!) à New York pour que Dieu reprenne le contrôle de Wall Street.

Ces gens sont au pouvoir.

Ces temps-ci je lis assidûment Richard Dawkins et Daniel Dennett, c'est passionnant, et à la lumière de tout ce que je viens de décrire, un peu de Raison, c'est extrèmement rassurant.

Benoît et John

Par curiosité, j'ai tenté de regarder le flux de CNN qui retransmettait la convention républicaine qui va adouber John McCain comme candidat à la présidence des Etats-Unis. Bien mal m'en a pris, car maintenant je suis en rogne.

En fait, une convention républicaine, c'est à la base rudement soporifique, ce qui, vu l'heure tardive, m'arrangeait. Plusieurs personnes font des discours pré-mâchés abordant chacun un aspect précis de la politique. On fait bien attention à inclure toutes les catégories qui ont du poids: de l'ancienne PDG de HP à la gérante d'une petite boutique (qui avait surtout l'avantage d'être "philipino-asiatique", dixit CNN, ce qui est chouette pour raccoler tous ces hispaniques que McCain veut jeter hors des frontières mais dont le vote peut, après tout, se révéler utile). John McCain est formidable, c'est un patriote, il comprend tout, c'est vraiment trop bien. On pique du nez et un premier ronflement pointe. L'intervenant regarde la caméra une minute, pivote de 45° pour regarder le prompteur à droite, pivote de 90° pour faire faire au prompteur de gauche, et revient au centre, en boucle, pendant 5min. Les yeux piquent.

Et puis on annonce en voix off le prochain intervenant: Msg Wenski, l'évêque d'Orlando, en Floride. Ca réveille. Pendant un moment, j'ai l'impression d'avoir mal compris. Un évêque catholique qui apporte publiquement son soutien pour un parti politique? Je flotte pendant un moment dans une consternation confuse. Un représentant de l'Eglise Catholique, qui vient faire un discours politique en soutane? Je suis bien placé pour connaître les gouffres culturels qui nous séparent parfois de nos amis outre-atlantiques, mais le républicain (à notre sens à nous, franchouillards) qui est en moi s'étrangle. Pendant que l'évêque se dirige vers l'estrade sous les applaudissements, je me demande brièvement à quand date le dernier soutien public pour un parti politique de l'Eglise en France, 100, 150 ans?

Et quand il commence à parler, je me rends compte que c'est encore pire: il n'est pas venu pour parler politique, il est venu pour dire une prière. Une prière aux accents politiques, évidemment: il glisse bien que l'avortement doit être interdit, mais, dans un oubli caractéristique des américains dans leur attachement à l'absolue sacralité de la Vie, ne mentionne évidemment pas la peine de mort, qui n'a aucun détracteur dans l'assemblée. Une prière donc, ce qui, ajouté à sa soutane, ne laisse plus de doute qu'il n'est pas là à caractère privé, mais bel et bien en tant que représentant de l'Eglise. Je n'essaie même plus de chercher à quand daterait la dernière intervention similaire de l'Eglise en France.

Bouquet final, l'évêque conclut sur un vibrant discours sur la grandeur de l'Amérique, nation tout spécialement bichonnée par Dieu, apparemment, finissant, la larme à l'oeil, par un "Amérique, Amérique, Dieu te bénisse!" qui consacre la fusion entre théologie chrétienne et mythologie de propagande sur la sacralité des USA. Bref, la séparation de l'Eglise et de l'Etat, officielle aux Etats-Unis et en France, n'est pas forcément interprétée de la même façon.

Heureusement, parfois, les républicains américains nous font rire: un peu comme Dick Cheney, opposé au mariage homosexuel, dont la fille est lesbienne, ou Bush qui explique aux Russes qu'envahir un pays souverain, ça ne se fait pas au XXIe siècle, ou encore ce sénateur républicain dans le nom m'échappe, qui a fait voter des lois très dures sur les attentats à la pudeur homosexuels, arrêté après avoir proposé certains services à un policier en civil dans des toilettes publiques... Là, le nouveau truc, c'est la niaise à lunettes Palin, que McCain est allé traquer en Alaska. Bien que totalement inexpérimentée, Mme McCain lui trouve une grande expérience en matière de politique étrangère, parce que l'Alaska est proche de la Russie. Fervente conservatrice, elle prône l'abstinence avant le mariage, et en tant que gouverneur de son Etat, elle a divisé par deux les fonds d'un programme de maisons d'accueil de mineures enceintes, pour que la peur de la rue leur fasse assez peur pour garder leur vertu. Espérons donc qu'elle ne chassera pas de son toit sa propre fille mineure enceinte Bristol, qui ne trouverait donc pas refuge dans ces maisons d'accueil.

C'est vrai qu'ils nous font rire parfois, mais bon après huit ans de Bush on a assez ri pour un bon moment, faut pas déconner non plus.

N'habite plus à l'adresse indiquée.

Soit avisé, visiteur, que pris d'une folie dépensière, j'ai acheté un nom de domaine. Il est redirigé automatiquement vers ce présent blog, donc rien ne devrait changer pour l'instant, à part dans la barre d'adresse qui arbore un magnifique malentendus.fr.

A l'avenir cependant, peut-être, des changements plus drastiques pourraient intervenir. Mieux vaut donc garder en tête que c'est malentendus.fr qui prime.

Ca fait mal à la langue.

J'ai déjà ici présent fait le vieux con, à me plaindre de l'état lamentable d'alphabétisation des jeunes de notre époque, leur orthographe au jugé, leur grammaire inexistante. BashFR, version française du vénérable Bash.org, est un site qui répertorie les bons mots et conneries débitées sur des forums de discussion; en cela c'est une démonstration cauchemardesque de l'incapacité de certains à écrire le moindre mot, au point que l'on se demande comment la pensée se forme, derrière.

Par exemple, citations tirées au hasard:

  1. Trauma : tu compren pa un sens normale de frase ? mon povr arete wow, va a lécole et surtou apren a parlé cio
  2. marion: je suis pose que je te dérange mais bonjour quand même
  3. nyouke : je compran pas pourquoi il écrives tous "sa" au lieut de "ça", ses grave comme même
Et ainsi de suite. Comment des gens comme ça, qui partent avec un handicap certain dans le monde, arrivent ensuite à décrocher un emploi où il faut au moins écrire un mot ou deux de temps en temps?

Et bien j'ai eu ma réponse ce matin dans mes emails de publicité, pour un site internet qui compte parmi les plus importants revendeurs d'informatique en France:


Donc ces gens font pareil au boulot, et pensent pouvoir cacher leurs lacunes avec un bon coup de correcteur dans Word. Après tout, rien ne sert de savoir calculer de tête, on prend une calculatrice; pourquoi ne pas faire la même chose avec le langage? Problème, "ils vous restent" est grammaticalement correct, comme dans la phrase: "Et bien Madame Michoux, ces radis, ils vous restent sur les bras", mais "il vous reste des radis Madame Michoux?" Oui: parce que pour qu'un ordinateur corrige la grammaire correctement à 100%, il faudrait qu'il puisse interpréter et comprendre le texte. Et le jour où une machine sait faire ça, on pourra commencer à s'inquiéter, parce qu'elle se révoltera bientôt, et commencera à manger nos enfants.

D'un autre côté, ça se tient, on accorde parce qu'il y en a plusieurs, des heures...

De Benjamin Constant à Jean Sarkozy, en passant par 1929

Je rattrape ces temps-ci, entre deux bouquins de science-fiction britannique, tout le retard que j'ai accumulé au fil des ans en termes de littérature française plus classique. J'ai toujours détesté les études de livres à l'école, car je n'aime pas que l'on me force à lire des choses qui ne me disent rien. On me disait de lire Zola, je disais que nenni, et me plongeais dans John Brunner, Frank Herbert, ou Robert Silverberg; on me parlait de Balzac, et j'allais me réfugier chez Arthur Conan Doyle ou Agatha Christie.
La dulcinée, m'ayant fait enfin lire du Zola, a fait voler en éclats cette barrière dressée par l'école de la République dans mon esprit. Je repasse donc tout: Zola, Balzac, Musset, et, dernièrement, Benjamin Constant. A part Zola qui parle du peuple et de la fange, les autres, tout comme Flaubert, dont je garde de mes lectures scolaires un glauque souvenir, rentrent à peu près tous dans le même cadre, la même perspective: des jeunes gens aisés, brisés par l'ennui et leurs passions, qui détruisent leur vie, soit activement, soit par sacrifice, soit un peu des deux. Tout un monde de rentiers qui, dans la débauche ou l'austérité, noie son mal-être dans un mélange d'ennui et de passions impossibles ou destructrices.
Soit c'est une jeune fille, bien sur elle, qui se laisse séduire par un gredin qui brise sa vie alors qu'elle accepte son sort, sacrifiant son bonheur, sa santé, sa vie pour l'ingrat; soit c'est un coquin qui, se dirigeant au hasard de ses passions, cherche l'amour mais ne réuissit qu'à le briser partout où il va. C'est encore plus frappant chez Benjamin Constant, en cela que ses écrits sont autobiographiques; analysant froidement, sans s'excuser ni se vanter, ses innombrables revirements de coeur, il retrace sa jeunesse torturée mais insouciante. Quand il a de l'argent, il ne compte pas; quand il en manque, il en demande à ses amis, ou à des banquiers de son père, souffrant de l'humiliation, mais n'ayant jamais l'idée saugrenue d'avoir à travailler pour subvenir lui-même à ses besoins.
Cette jeunesse qui s'ennuie et s'assoupit sur ses rentes et sur la fortune de ses parents était-elle la jet set du XIXe? Ces gens qu'à travers ces oeuvres littéraires on admire, dont on vit les émotions, étaient-ils les têtes à claques de l'époque? Que pensait le commun des mortels de ces oisifs qui, en plus d'avoir le luxe de s'ennuyer, osaient s'en plaindre? Le narrateur de Confession d'un enfant du siècle, de Musset, qui se vautre alors dans la débauche, côtoie des Anglais qui dépensent à qui mieux-mieux, raisonnant que s'ils dépensent, c'est qu'ils s'amusent; seulement c'est un artifice, une illusion. Est-ce que les gens qui ornent les pages people sont si différents? Cette bourgeoisie jeune et insouciante, oisive car se reposant entièrement sur ses parents, n'est-ce pas l'équivalent de Paris Hilton et de Jean Sarkozy? Bien sûr, les intellectuels, les littéraires, étaient d'une autre trempe et d'un autre talent, mais il y a fort à parier que pour chaque Benjamin Constant, dans son milieu, il y avait quand même tout un tas de petits merdeux.
Merci à Zola pour avoir brisé toute cette littérature enfermée sur elle-même, et avoir osé parlé d'autre chose que des états d'âme du fils à papa ou des malheurs de la niaise du bourg.

On peut crier ici à l'anachronisme, mais l'Histoire n'est pas si loin qu'on pourrait la croire. Pourquoi les gens, la société, seraient-ils si différents il y a cent, deux cents ans? Par exemple, l'écoute d'une compilation de chansons des années 30 autour du thème de l'argent m'a rappelé à quel point nos préoccupations économiques d'aujourd'hui, qui semblent nouvelles, par opposition au bon vieux temps où tout allait bien, n'ont rien d'exceptionnel. Quelques morceaux choisis:

Le paquet fiscal de Sarkozy?

(1930)
au lieu d'imposer l'travailleur qui enrichit l'gouvernement,
imposez plutôt les noceurs, et qu'ils paient pour les pauvres gens
oh oui la loi qu'il fallait faire, j'vous l'dis messieurs du parlement,
c'est pas l'impôt sur les salaires, mais c'est l'impôt sur les feignants!
ou

(1936)
en France, il est deux cent familles
qui accaparent la richesse.
en France, il est deux cent familles
qui provoquent votre détresse.

Fillon: les caisses sont vides!

(1926)
en France depuis quelques temps, ca va très mal évidemment,
et dans nos caisses il n'y a plus d'argent.

La spéculation sur les monnaies, la crise immobilière?

(1926)
des hommes d'affaires peu scrupuleux, profitant des grands malheureux,
spéculent sur le franc, c'est scandaleux,
ils achètent pour une bouchée de pain, tous nos immeubles tous nos terrains,
bientôt il ne nous restera plus rien.
Le dollar qui domine, qui rend fou, qui affame les perdants de la spéculation céréalière, qui broie le Tiers Monde alors que toujours plus de richesses sont créées?

(1932)
on joue, on perd, on gagne, on triche,
pétrole, chaussettes, terrains en friche,
tout s'achète tout se vend on devient riche,
dollar...

mais sous un ciel de cendre,
vous verrez un soir,
le dieu Dollar descendre,
du haut d'son perchoir,
et devant ses machines,
sans comprendre encore,
l'homme crever de famine,
sous des montagnes d'or
L'argent et la justice?

(1929)
au-dessus des lois, au-dessus des hommes,
quel est le maitre inexorable et tyrannique,
le fric
c'est lui l'arbitre tout puissant
qui fait le coupable l'innocent
le juge aveugle et la justice paralytique,
le fric

Bref, en conclusion de cet article aberrant, sans queue ni tête et parsemé de parallèles honteux, nous vlà beaux.

Man, man!


Ils sont fortement moustachus et barbus, et s'habillent comme des clodos ringards: Man Man en concert, c'est à mi-chemin entre un groupe de rock, un numéro de cirque, un catalogue de la redoute des années 80s et une crise d'épilepsie.

Le chanteur, énorme moustache, vieux polo Lacoste et minuscule short en jean blanc, crie au-dessus de son clavier, en sautant partout et en rigolant avec les autres membres du groupe. Le bassiste, chauve et avec une barbe qui doit lui causer des retards dans les aéroports, chante en faisant les gros yeux; un autre clavier/saxophone crie et arbore son tee-shirt troué; le guitariste, sous son bonnet miteux, joue parfois de la trompette; et enfin le batteur tape sur tout un tas de choses -- y compris un lapin de bronze sur lequel ont été judicieusement scotchées des plumes fluo.

Quand on écoute un album de Man Man, on dirait une bande de types saouls qui chantent dans la rue: en concert, c'est pire. Ca se voyait déjà pendant qu'ils préparaient la scène, après la première partie: moins une disposition du matériel musical qu'un empilement massif de tout ce qui leur était tombé sous la main. Le chanteur avait une grosse boîte noire, dont il a sorti, pendant de longues minutes, une infinité d'objets totalement inutiles: des clefs, des cuillers, un mégaphone-jouet, des serpents en plastique, des plumes fluo, du tissu à paillettes, des cloches, un crachoir, des pièces d'or en plastique, etc. Il y avait même, dans un coin, un de ces énormes cendriers métalliques qu'on trouve devant les magasins, qui a servi de tambour improvisé. Ces objets ont ensuite, au gré des chansons, été jetés, joués, frappés, piétinés par un chanteur survolté mais qui a réussi l'exploit de ne pas se casser la figure, malgré ses efforts.

Quand ils commencent un morceau, tous chantent, tous jouent, tous crient, tous sautent, tous font des grimaces. C'est festif. Le groupe idéal pour les mariages, bar-mitsvah, ou enterrements. A la fin, ils sont sortis en criant dans la rue, et tout le monde a suivi; et dehors, sous la pluie, au milieu des passants effrayés, ils ont chanté une dernière chanson, le chanteur perché sur une boîte aux lettres jaune de la Poste.

Bref, ça vaut au moins une soirée de variétés sur la 2 avec Johnny, Pagny et Barbelivien.



Petit addendum: je suis célèbre, car vu sur l'excellent PitchFork, qui propose une vidéo de Man Man criant dans les rues de Paris, et chantant après le concert près de la susmentionnée boîte aux lettres de la Poste: ici.

Le monde? quel monde?

Hier, la Fondation Nationale des Indiens au Brésil a publié des photographies prises d'hélicoptère au-dessus de la forêt amazonienne, à la frontière du Pérou et du Brésil.

On y voit une tribu jusqu'alors inconnue, qui réagit à ce premier contact avec la modernité en envoyant des flèches sur l'hélicoptère.

Il est estimé qu'une centaine de tribus, au monde, n'ont encore jamais eu aucun contact avec le reste du monde. A l'heure de la globalisation, du "village internet"; à l'heure du voyage et de l'exploration spatiale, et du quadrillage de la planète par un dense réseau de satellites, il y a encore des hommes et des femmes qui mènent la même existence que nos ancêtres ont pu connaître il y a quelques milliers d'années.

Si l'on y pense quelque temps, on ne peut s'empêcher d'être pris d'un vertige angoissant. Quoi, des peuples ne connaissant ni Platon, St Augustin ou Kant? Qui ignorent l'existence de Descartes, Newton, Einstein? Qui ne savent pas que Dieu, mort sur la croix, est ressuscité, avant d'être déclaré à nouveau mort par Nietzsche? Qui ont vécu une existence champêtre pendant qu'Alexandre faisait sienne l'Asie, pendant que Rome soumettait la Méditerranée avant de succomber à son propre poids et à ses excès, pendant que les Vikings pillaient l'Europe, pendant que les Arabes faisaient tomber l'Afrique et l'Asie, pendant que le Moyen-Age étouffait l'Occident avant qu'il se libère par la Raison et la Révolution?

Des indiens, enfiin, qui ne connaissent ni d'Eve ni d'Adam: Jordy, Francis Lalanne, Lionel Jospin, Pascal Sevran, Jean Sarkozy; qui ne pourraient pas reconnaître le drapeau américain, la silhouette d'Indiana Jones, ni comprendre le principe du hamburger, de la mode tektonic; qui ne seraient même pas fichus de déchiffrer un SMS ou de prédire le cours du pétrole; qui n'ont jamais entendu les doux mots de "céleri remoulade", "cancoillotte", "StarAc", "bande d'arrêt d'urgence"?

Nus, le corps peint de rouge, un arc et des flèches à la main. Ont-il une âme? Christ est-il mort pour eux? Sont-ils contre les terroristes ou avec eux? Pensent-ils que le libéralisme est incompatible avec socialisme? Vont-ils boycotter les JO de Pékin? Avaient-ils voté pour la Russie à l'Eurovision? Sont-ils pour ou contre l'avortement ou la peine de mort? Pensent-ils que la surveillance étatique des citoyens est une nécessité pour la sécurité ou une érosion des libertés publiques?

On peut se demander si tenter un contact est réellement utile. Pourquoi les importuner de notre curiosité maladive, de nos vices, de nos maladies, de notre avidité, alors que de toute façon le monde sera prochainement détruit cet été, lorsque le Large Hadron Collider du CERN produira un trou noir qui dévorera la Terre?

La riposte graduée: comment restreindre les libertés au nom de ces pauvres artistes

Le gouvernement, après avoir demandé à un marchand comment il pourrait gagner plus de gros sous, veut absolument faire voter une loi sur la ripose graduée. J'en ai déjà parlé, il s'agit de surveiller les internautes, et, en cas d'infraction supposément constatée, les ayant-droits pourraient, sans aucun juge, remonter jusqu'à la personne propriétaire de la machine, pour le bannir d'internet. Le gouvernement, qui d'un côté veut bannir des gens, parle d'un autre d'un droit d'accès à internet pour les européens, faisant là encore preuve d'une cohérence sans faille.
Le parlement européen a, je le rappelle, voté contre ces dispositions.
Mais la bataille s'annonce acharnée. Ainsi, d'après Pascal Rogard, patron de la SACD, « la protection de la vie privée porte atteinte à d'autres libertés ». Les propositions de ces organismes reviennent à ceci: installer sur les ordinateurs des internautes des programmes ("spyware") qui les avertirait en cas d'infraction supposée.
Un autre article fait sourire, tristement; il s'agit d'un entretien avec Marc Guez, patron de la SCPP (Société civile des producteurs de phonogrammes).
Marc Guez. Ce ne sont pas les gens qui sont surveillés, ce sont leurs machines à partir du moment où elles sont connectées à un réseau peer-to-peer. Par exemple, quelqu'un qui allume son micro, qui met des fichiers en partage et qui part de chez lui pendant trois mois. Et bien, il sera susceptible d'être détecté parce qu'il est connecté au réseau. Par contre, qu'il soit là ou pas, qu'il surfe ou qu'il ne surfe pas, on ne le sait pas. On ne surveille pas du tout l'activité de flux, c'est-à-dire où les citoyens se connectent. Le fait déclencheur c'est qu'une machine, quelle qu'elle soit, mette des contenus à disposition. Et bien c'est comme si des gens sortent des meubles de jardin devant leur maison. Et bien tous les gens qui passent devant leur maison peuvent les voir. A contrario, si vous les laissez à l'intérieur, personne ne va les voir. Et on ne rentre pas chez vous.
Si j'ai bien compris, le raisonnement est que mettre passivement à disposition des contenus supposément protégés par des droits d'auteur est aussi répréhensible -- et punissable pénalement -- que de laisser ses meubles de jardin dehors.
D'autre part, s'ils ne surveillent pas les flux, donc les échanges de données, il n'y a même pas de preuve de piratage, sauf si mes lacunes en droit me font défaut. La détention de musique serait-elle proscrite? Mettre sa musique dûment payée sur son ordinateur est-il interdit? Que veut dire mettre en partage? Est-ce mettre les fichiers en question sur un réseau du type Emule? Bittorent? Est-ce les mettre sur un ftp privé pour pouvoir se transférer personnellement de la musique d'un endroit à un autre? Est-ce les mettre sur son disque dur, accessibles par ce programme pirate par excellence, ssh?
Pour reprendre l'image jardinière du monsieur, si je copie un album légalement acheté, selon mon droit théorique à la copie privée, et que je laisse cette même copie sur ma table de jardin, suis-je coupable de mise à disposition de musique, pour le quidam qui regarderait chez moi et qui pourrait me prendre ma copie?
En fait on interroge les réseaux de peer-to-peer pour savoir quels sont les fichiers mis en partage. Et ce sont eux qui vont nous dire quels sont les internautes connectés qui les mettent à disposition. C'est un échantillon qui est relevé à un instant donné. Nous collectons les informations de base : à partir de quelle connexion Internet ont été mis à disposition des fichiers sans autorisation.
Cela ouvre un autre volet fascinant: comment reconnaître un fichier mis à disposition sans autorisation. Bien sûr, seuls les artistes à gros volume seront recherchés: plutôt Johnny Halliday que Anna Terhneim. Comment alors trier les fichiers à disposition, comment retrouver un titre illicitement partagé? Peut-être le nom du fichier. Si je m'enregistre en train de chanter la marseillaise, et que je mets à disposition le fichier sous le nom de "Johnny Halliday - Elle est terrible.mp3", suis-je un pirate? Est-ce que, sans décision d'aucun juge, cela suffit-il à me faire condamner d'internet?
Faut-il que les ayant-droit téléchargent le fichier incriminé, pour s'assurer qu'ils en détiennent les droits? Mais alors, en téléchargeant illégalement un fichier protégé par le droit d'auteur, ne seraient-ils pas alors tout aussi coupables?

On s'étonnera que parmi toutes ces propositions faites par ces puissants lobbys, au nom des artistes, pas une ne concerne la hausse de la part de la rémunération de ceux-ci sur le prix d'un CD. On pourrait penser que, si moins de CDs se vendent, on pourrait ainsi mécaniquement compenser le manque à gagner des artistes, dont ils ont tant à coeur le bien-être.

Pendant qu'une industrie cherche à conserver ses marges honteuses, préférant sacrifier les libertés individuelles plutôt que leurs profits, tout cela avec l'approbation bienveillante et active du gouvernement, il reste quand même quelques personnes à aimer la musique, et à se souvenir que ce sont les artistes qu'il faut soutenir, et non tous ceux qui prétendent parler en leur nom. Personnellement, voilà mon programme des deux semaines qui viennent. Petit test: tu reconnaîtra certains artistes, mais tous? Non? Comment est-ce possible? Ne passeraient-ils pas à la radio? Comment alors découvrir ces talentueux groupes dont les maisons de disques ne jugent pas bon de faire la promotion?

Monsieur Tourè

J'aime, j'adore avoir ma boîte aux lettres pleines de prospectus, malgré le signe les refusant adorablement scotché par ma moitié. Mes préférées sont les grandes surfaces, surfant sur la vague bien-pensante écologique, qui réagissent en faisant la promotion de produits respecteux de l'environnement, à grand coup de catalogues de 50 pages de papier plastifié distribués massivement.

Mais qui n'a jamais eu ces formidables petits cartons qui, sous une confortable couverture de fautes d'orthographe, nous vantent les mérites de puissants sorciers? Ils sont formidables, ces marabouts: il n'existe aucun problème humain qu'ils ne peuvent résoudre en un claquement de doigt, résultat garanti, paiement après succès.

J'en ai reçu un cette semaine qui me proposait des choses pourtant inédites. Je te laisse, visiteur, apprécier.

Le racket de l'ignorance

Parfois, confortablement installé devant mon ordinateur tournant sous Linux, je regarde, pour me distraire, les prix des logiciels propriétaires qui offrent des fonctionnalités similaires -- ou inférieures, pour voir à quel point ces éditeurs de logiciels profitent honteusement de l'ignorance du public d'alternatives gratuites.
Bien sûr, le champion toutes catégories est Microsoft, qui propose son dernier système d'exploitation, Vista, en version "familiale premium" à 340€, et son pack bureautique Office 2007 Standard à 350€. Chacun de ces produits est plus cher que mon portable Asus EEE complet, avec sa distribution Linux. Par distribution on entend système d'exploitation et de nombreux logiciels, dont une suite bureautique comparable à Office. Pour rappel, toute distribution Linux est téléchargeable gratuitement sur internet.
Mais contrairement à Linux, qui vient avec de nombreux utilitaires, Windows, en plus d'être cher, est incomplet. Pour simplement pouvoir utiliser Windows sur internet, il est nécessaire d'avoir un antivirus, car la sécurité est tellement mauvaise que la machine est susceptible d'être infectée de programmes potentiellement destructeurs, ou, pire, de servir sans le savoir de base arrière à des activités illégales. Un antivirus? L'ami Norton rajoute 42€ à la facture (à noter que ces 42€ sont valables pour une durée limitée, au bout d'un an il faudra racheter le droit d'être protégé des derniers virus). Tu veux graver un CD? Il fait acheter Nero, pour quelque 60€. Compresser des fichiers ou lire un fichier zip? Seulement 35€ pour WinZip!
Il serait facile de continuer, mais je suis un être raisonnable, et je pointerai que Linux n'a pas besoin d'antivirus, qu'il sait graver CD et DVDs, lire et écrire les fichiers compressés, dès le départ.
Pourquoi alors ces logiciels susmentionnés coûtent-ils si cher, s'il existe des alternatives gratuites? L'esprit méfiant se dira que gratuit, c'est trop beau pour être vrai, qu'il doit s'agir de produits inférieurs, difficilement utilisables. L'esprit méfiant a tort. Ces logiciels coûtent cher parce qu'ils profitent du fait que leur public ne connait pas les alternatives gratuites, qui sont souvent très supérieures aux versions payantes.
Il est d'ailleurs plaisant de voir que notre administration commence à s'en rendre compte: petit à petit les logiciels libres, gratuits, sont intégrés. Pourquoi l'Etat, donc le contribuable, paierait-il des licences Word alors qu'OpenOffice est gratuit?
Connais-tu à ce propos, profane visiteur, le monde merveilleux des licences?
Quand tu débourses 350€ pour acheter Vista, tu n'achètes pas Vista. Tu achètes le droit d'installer Vista sur une seule machine. Il est strictement illégal, d'après les termes d'exploitation de Windows (le jargon juridique où tout le monde clique OK sans lire), d'installer Windows sur autant d'ordinateurs que l'on veut. Parfois, comme pour Norton, les licences doivent être renouvelées (ie payées à nouveau) après un certain laps de temps.
Par opposition, si l'on prend l'exemple d'Ubuntu, une distribution Linux, il est possible de télécharger gratuitement le CD, ou, si l'on est paresseux, de se faire gratuitement envoyer par la poste autant de CDs d'installation que l'on veut. Une fois le CD en main, il est possible, et fortement recommandé, de l'installer partout, et de donner les CDs à d'autres, sans aucune restriction d'emploi.
Pour un particulier, de nos jours, acheter un logiciel, en plus d'être une aberration, est un tort. Mais tant qu'il ne s'en rend pas compte, Microsoft & co ne sont pas prêts de changer de politique, même si elle est, à long terme, intenable.

Le sens du sacrifice.

En France, nos siècles de Gloire passés, nous n'avons plus le sens de la Grandeur et de l'Abnégation. Heureusement, il existe dans le monde des gens, oserai-je dire des Héros, qui, méprisant leur propre confort et sécurité, se sacrifient pour une idée, un concept, des camarades, un pays.

Il suffit de prendre comme exemple le champion de la Liberté, le dirigeant du Monde Libre, le fer-de-lance de l'Axe du Bien: George. Ces dernières années, pour le compte de profits privés, de délires personnels, et de fantasmes messianiques, il a envoyé les jeunes de son pays mourir sous les bombes, se faire estropier dans des explosions, et finir leur existence hantés par les innombrables massacres auquels ils ont activement pris part, le tout financé par le travail de leurs petits-enfants. Aussi, lui, Monsieur le Président, a décidé de faire un geste grand, un geste beau, un geste fort, pour montrer à tous ces morts, ces handicapés, ces détruits qu'il fabrique à tour de bras que leur effort est partagé, que tous les américains, y compris le premier d'entre eux, participent à l'effort collectif de guerre.
C'est pourquoi, depuis ce fatal jour du 19 Aout 2003, qui restera dans l'Histoire, George W. Bush, par égard aux victimes de sa guerre et à leurs familles, ne joue plus au golf.
On mesure l'importance du sacrifice lorsque l'on sait que George avait passé en ses sept ans de présidence 879 jours de vacances en mai 2008, ce qui représente 30% de son temps de travail. Un jour sur trois, George décide de ne pas travailler, finalement; son sacrifice sportif doit lui peser d'autant plus lourd lors de ces longues journées d'oisiveté.
Malheureusement, ce bienveillant leader du monde s'apprête à prendre sa retraite. Enfin, il pourra prendre du repos.

Primaires démocrates et symbolisme équestre.

La bataille pour la candidature chez les démocrates américains fait rage entre Hillary Clinton et Barak Obama. Ce dernier, depuis de longs mois, fait course en tête, et Hillary Clinton a énormément de mal, et dépense une énergie considérable rien que pour s'accrocher.
Si Obama rechigne, malgré l'insistance maladive des médias américains, à se présenter comme le candidat des noirs, Clinton n'a aucun état d'âme à s'afficher comme la candidate des femmes.
A ce titre, pour montrer sa différence, et qu'être femme est sa force, Hillary Clinton a exorté ses supporters de parier pour la seule jument d'une prestigieuse course de chevaux, le Kentucky Derby. On verrait bien, d'après elle, que pour gagner une course, il n'est pas nécessaire d'être mâle. Elle a même envoyé sa fille pour la représenter.

Malheureusement, sa jument est arrivée deuxième, s'est fracturé ses deux jambes antérieures, et a du être euthanasiée sur la piste.

Une bonne cause

Tout le monde parle de l'économie, du pouvoir d'achat, des problèmes environnementaux et de faim dans le monde. Mais force est de constater que personne ne sait de quoi il parle. Les médias nous aggressent de prévisions absurdes et sans fondements, nous tourmentant de mille déclarations alarmistes, sans doute pour amplifier le mécontentement grandissant envers le gouvernement, dans des perspectives cryptomarxistes.
Heureusement, je suis là.
Le monde tourne autour des planches à billets des américains. Quand ils n'ont plus d'argent, ils en impriment. Comme le monde reste encore fasciné par le billet vert, il le prend comme argent comptant, alors que le dollar ne vaut plus la valeur de l'objet qui le représente. La dette nationale des USA s'approche gentiment des 10 000 milliards de dollars, mais que l'on se rassure: comme le dollar se dévalue, la dette, mécaniquement, diminue aussi.
L'avantage de produire autant de dollars que l'on veut, c'est que c'est avec cette monnaie de singe que l'on achète du pétrole. Le problème, c'est que ça commence à se voir. Il faut de plus en plus de billets verts pour avoir un baril: les coûts de production, les aléas de l'acheminement du pétrole, et toutes les marges qui sont prélevés ça et là, restent les mêmes. Le dollar tombe, le baril monte: bientôt l'on va se rendre compte que le dollar n'a même plus de valeur symbolique, et la chute de la monnaie sera totale. Tous les échanges internationaux, qui se basent sur le dollar, seront impactés: l'inflation de toutes les matières premières, et des ressources céréalières et agricoles en général frappera de plein fouet les Etats-Unis, provoquant des émeutes, du chaos social, et une grande agitation politique. Les pays pauvres le seront encore plus, et sentiront encore plus la faim les tenailler; mais ils seront oubliés pendant que le monde assistera médusé aux soubresauts de l'unique puissance mondiale, empêtrée dans son propre piège. Que les pauvres meurent, qu'ils se battent pour trois grains de riz, même avec plus de conviction et d'explosions que d'habitue, ne touchera pas le monde occidental qui voit ses richesses fondre au rythme du dollar.
L'euro, préservé pendant quelques temps, suivra brusquement le dollar dans une chute vertigineuse; car l'euro n'a de sens que par opposition au dollar, et que sans celui-ci, il n'a pas plus de signification. L'inflation sera mondiale, les émeutes aussi. La Chine, l'Inde, qui se voyaient déjà dominer le monde, s'écroulent plus rapidement qu'ils étaient montés; attentats, émeutes, et bientôt épidémies viennent secouer les zones les plus densément peuplées, qui sont aussi les plus misérables.
Pour faire marcher artificiellement leur économie, et pour détourner l'attention de ses citoyens, comme d'habitude, les USA se lanceront dans de coûteuses guerres, déversant ainsi sa production d'armes sur un ou des quelconques pays pauvres et/ou sous-développés. Ces derniers résisteront car ils auront la faim au ventre, la rage aux lèvres et la kalashnikov au poing. Pour oublier qu'il a tout perdu, alors qu'il croyait tout avoir, le monde se réfugiera dans la guerre, exutoire absolu dans l'Histoire: le meilleur moyen qu'a un pays de se reconstruire face à une crise est en détruisant un autre.
On voit donc facilement la pente glissante que suit le monde à l'heure actuelle, et le sort funeste qui attend sans conteste la monnaie américaine. C'est pourquoi, afin de préserver quelques exemplaires de ces billets pour la postérité, pour les arracher à l'Histoire qui ne veut que leur destruction, et les placer sur l'autel bienveillant de la Mémoire humaine, je collecte dès maintenant tous vos dollars. Me contacter pour avoir l'adresse à laquelle adresser vos colis.


Un peu de sérieux que diable.

Cela faisait longtemps que je n'avais pas posté de message: heureusement de nouvelles découvertes joyeuses m'ont sorti de ma torpeur. Des scientifiques ont eu la bonne idée de prendre des types, de mettre des électrodes sur la tête de ces types, et de les poser devant deux boutons. Un à gauche, l'autre à droite. Les types avaient alors tout le loisir de choisir sur quel bouton appuyer. Les scientifiques, avec leurs machines du diable, en scrutant le cerveau des types, savaient sept secondes avant les types sur quel bouton ils allaient appuyer. La décision, apparemment, se fait dans le subconscient bien avant que le conscient n'y pense. C'est un peu comme quand Lucky Luke dit une idée à Joe, et que celui-ci, quelques minutes plus tard, déclare avoir eu une idée géniale, la même.
Heureusement que l'on a des milliers d'années d'Histoire, dont deux de théologie chrétienne, pour nous rappeler que l'on possède le précieux bien du Libre Arbitre. Soit dit en passant, un gène a été trouvé qui détermine largement notre degré d'altruisme. Sa présence encourage la production de protéines associées dans le cerveau aux comportements sociaux. Même les dictateurs peuvent trouver des excuses dans leurs gènes maintenant.
Bonne nuit.

Pensez donc aux artistes!

Nouvel épisode dans ma longue série des coups de gueule contre les convulsions malsaines de l'industrie musicale qui préfère se condamner plutôt que d'évoluer. Avec, cette fois, un peu d'ironie dans les coins.
D'abord en France: il y a quelques semaines, un rapport a été remis à notre cher Président concernant la lutte contre le piratage musical sur internet. Rapport rédigé par le charmant M. Olivennes, patron de la FNAC de son état. Un observateur innocent pourrait se demander pourquoi M. Sarkozy a demandé précisément à cet homme de s'accomplir de cette tâche, sans doute le moins bien placé pour rendre compte impartialement des choses, et qui aurait probablement aimé intituler ce rapport "Les mesures que la France doit prendre pour que je continue à m'en mettre plein les fouilles".
L'idée maîtresse est ceci: des intérêts particuliers vont avoir le droit d'espionner les téléchargements de monsieur tout le monde, avoir accès à leurs coordonnées personnelles, et porter tout cela chez monsieur le juge en cas d'infraction constatée. Le tout forcément, sans supervision ni même implication de la police, ou d'un juge. Ce sont là des pouvoirs qui ne sont pour l'instant apparemment réservés qu'aux brigades anti-terroristes. Mais passons. Une fois le malfrat identifié, lui seront envoyées des lettres d'avertissement, avant une coupure de l'accès internet d'un an. Avec inscription sur une liste noire de l'intéressé.
Le plus beau est qu'Olivennes insiste sur le fait que cette surveillance et les poursuites soient initiées par les ayant-droit. Ce qui veut dire dans les faits que pour les artistes indépendants, les petits labels, qui n'auront pas les moyens de procéder à ces atteintes à la vie privée, rien ne changera. Mais par contre, quand une gamine de 11 ans voudra télécharger le dernier tube de la Star Ac, elle se fera bannir d'internet pendant 1 an, et les énormes labels et leurs revendeurs (par exemple, la FNAC) conserveront leur précieux flux d'argent.
Dans une interview (qu'évidemment je ne retrouve pas), Olivennes dit trouver normal de vouloir partager avec d'autres, entre autres, des chansons introuvables dans le marché actuellement (comme des albums des années 70 non réédités, par exemple). Il y a donc apparement, un bon piratage (celui qui touche seulement l'artiste) et un mauvais (qui touche aussi l'industrie et le distributeur comme, par exemple, au hasard, la FNAC).
Heureusement que l'on a en France, des gens comme M. Olivennes, droits, fervents défenseurs des artistes, pourfendant les hordes de pirates qui voudraient déruire la musique! Face à tout cela, cette semaine est sortie par le Canard la délicieuse information selon laquelle la FNAC vendrait dans ses rayons de magasin des DVDs pirates. Douce, douce ironie. Leur défense est l'incompétence: comment en effet vérifier tout ce qu'ils vendent? Ah, l'incompétence: si elle n'existait pas, il faudrait inventer la malhonnêteté.
Parallèlement, aux USA, la RIAA, puissant lobby regroupant les plus important labels de musique, continue sa politique de procès plus ou moins ciblés, attaquant systèmatiquement sans forcément avoir de preuves. C'est efficace: ils gagnent des millions. Ils gagnent tellement, que les artistes qu'ils sont censés représenter commencent à se demander comment il se fait qu'eux ne voient aucune entrée d'argent. Une action en justice d'artistes contre la RIAA serait en préparation. Cela serait d'autant plus mérité que la RIAA milite en ce moment pour abaisser le pourcentage de royalties que les artistes touchent sur les ventes numériques. Apparemment, payer 3 ou 4 cents sur une chanson vendue $1 à l'artiste qui l'a créée étouffe l'industrie du disque.
De nombreux labels indépendants se tournent au contraire vers les réseaux P2P pour assurer leur promotion et leur distribution. Par exemple The Flashbulb, qui a abandonné les réseaux traditionnels. En effet, il est en procès contre iTunes, le géant d'Apple de la vente de musique en ligne, qui non seulement propose son travail sans autorisation, mais en plus ne lui reverse rien. Du coup, il a lui-même proposé sa musique sur des sites dit pirates, accompagnée d'un lien où ceux qui le désireraient pourraient faire une donation pour son travail.
C'est exactement ce genre de comportement qui fait le plus peur à M. Olivennes: la distribution est alors totalement contrôlée par l'artiste, et sa rétribution également. Plus d'intermédiaire. L'industrie du disque, inutile. Les artistes, plus proches de leur public que jamais.
Il y a fort à parier que l'on va devoir se taper un bon paquet de lois liberticides avant que tout cela se mette en place.

Jimi et SF made in UK.

Quel plaisir de replonger dans les vieux disques du grand Jimi Hendrix! Régulièrement, je le ressors de ma collection musicale, toujours avec autant de plaisir. Le grand homme, qui, en seulement 3 albums et 4 ans de carrière, a secoué dans tous les sens le bon vieux rock gentillet pour en faire un manifeste, une bouffée de liberté, des riffs de rebéllion sur une guitare qui marque encore. Ensuite, il s'est étouffé dans son propre vômi, à 27 ans, rejoignant ainsi la longue liste des artistes de talent qui ont eu la bêtise criminelle de mourir, alors qu'ils venaient juste de se mettre à table: Nick Drake, Jeff Buckley, Ellioth Smith, etc. Injustice absolue lorsque l'on constate que Francis Lalanne, Florent Pagny, Obispo, et M. Pokora se portent très bien, merci. Même les Musclés ont sorti un nouvel album.

Jimi me sert donc de luxueux fond musical alors que, désemparé par la grève des scénaristes hollywoodiens qui me prive de ma dose quotidienne de séries TV, je retrouve mes racines en me replongeant dans des lectures frénétiques, plus précisément dans de la Science-Fiction, genre injustement méprisé et sous-estimé. Je blâme Isaac Asimov et sa SF ringarde, naïve et mal écrite.
Nos voisins outre-Manche, ceux-là même que nous n'aimons pas, tant à un niveau personnel que national, et qui nous le rendent bien, écrivent ces temps-ci des choses très intéressantes.

Tout d'abord China Miéville, qui, après Perdido Street Station et The Scar, a sorti Iron Council, troisième volet stupéfiant de son univers très particulier, ayant en son centre la ville grouillante, complexe, fascinante de New Crobuzon. De la fantasy à l'heure de la révolution industrielle, qui se laisse corrompre par l'argent, la guerre, les machines; monde qui perd de sa magie et qui inexorablement se rapprochera du nôtre.

Vient ensuite Charles Stross qui dans Glasshouse décrit son personnage qui s'est volontairement fait effacer la mémoire pour échapper à menaces dont il ne se souvient même pas.

Richard Morgan et son Altered Carbon est un excellent mélange de polar et de science-fiction pure et dure; de l'action non-stop qui laisse en toile de fond deviner tout un monde complexe où la mort n'existe plus, pour peu que l'on ait les moyens de s'acheter un nouveau corps.

Enfin, Peter F. Hamilton est un petit homme qui, comme tu peux le constater sur l'image ci-contre, ne paie pas de mine. Et pourtant, il est complètement fou. Pas une folie aussi poussée et raffinée dans le style et le détail que Neil Stephenson, mais tout autant dans l'ambition et l'envergure. Après avoir sa trilogie de Night's Dawn il y a quelques années, le voilà revenu avec Pandora's Star, et sa suite Judas Unchained. Comme d'habitude, il ne sait pas raconter une histoire sans une vingtaine de personnages, une centaines de mondes très bien définis, des idées très claires sur le quotidien du futur lointain et ses implications sociales et culturelles, et surtout sans plusieurs tomes de 1200 pages. Le brave homme.


Alors je sais que ça peut paraître étrange de lire de la SF en écoutant Jimi Hendrix, mais une fois qu'on a lu les légendes arthuriennes de Chrétien de Troyes avec Autechre dans les oreilles, tout devient relatif.