Tom Waits, l'homme le plus classe du monde

Tom Waits est un personnage, un monsieur de la musique. Tout d'abord pour son talent de compositeur et son sens de la mélodie; pour sa voix râpeuse et épaisse; pour son entêtement à faire exactement la musique qu'il veut, dans son coin, depuis 34 ans; artiste complet, il est également, à ses heures, acteur, comme dans le Dracula de Coppola, où il joue le rôle du fou mangeant ses araignées; enfin, et surtout, Tom Waits a un chapeau.
C'est le genre de musique que l'on imagine entendre dans un bar louche d'un port inconnu dans un film des années 40, chaleureuse et brute, chargée de la désinvolture et de l'ironie du pianiste oublié dans un coin et voyant toute l'humanité défiler devant lui au comptoir. Tom Waits a un univers bien à lui, dans son petit microcosme (maintenant il co-écrit ses chansons avec sa femme et joue avec son fils); c'est un des personnages indestructibles de la musique et qui ne se plie qu'à ses propres envies artistiques.
Cet homme a également l'intégrité morale -- et/ou suffisamment d'argent -- pour refuser systématiquement l'inclusion de ses chansons dans des spots publicitaires. Or, son empreinte vocale ainsi que son style font qu'un morceau de Tom Waits est instantanément reconnaissable - d'où l'intérêt des publicitaires -- et que par conséquent une contrefaçon l'est également.
Ainsi la carrière de Tom Waits est-elle émaillée de procès envers différentes entreprises souhaitant détourner cette identité à leur profit, sans l'accord de l'intéressé.
En 1988, Frito Lay (qui fait des chips et ce genre de choses) fait chanter à un imitateur une chanson ressemblant étrangement à celle que Tom Waits avait refusé de leur prêter; ce dernier les attaque en justice, gagne et récolte 2,6 millions de dollars. En 1993, Levis utilise une reprise d'une de ses chansons; elle est rétractée et Levi s'excuse officiellement. En 2005, Audi refait le même coup que Frito Lay, et est condamné à verser 79,000$ à Tom Waits. Aujourd'hui, il a été annoncé qu'Opel allait également payer, pour des raisons similaires.
"Je suis content de sortir du secteur automobile une bonne fois pour toutes", commente Waits, secrètement soupçonné de jubiler de ces affaires à répétition dans lesquelles la justice lui donne immanquablement raison.
Il ne reste plus qu'à suivre avec attention le parcours de l'artiste, qui maintenant sort ses albums par deux ou trois, comme son tout récent triple-album Orphans: Brawlers, Bawlers and Bastards.

A ce propos, je dois avouer avoir été déçu lorsque j'ai entendu "I Feel like a Child" de l'excellent Devendra Banhart dans une publicité automobile (ou pour les éléphants, je ne me souviens plus); lui que je pensais indépendant, hors du système, s'est plié au jeu. Devendra, Devendra, qu'as-tu donc fait? Comment quelqu'un écrivant cette musique libre et personnelle, et ressemblant à Jésus avec des cheveux longs, peut-il s'abaisser devant les tentations financières?

Le Tondeuse-Ball

En parcourant fiévreusement mes fichiers pour essayer de répertorier tout ce que j'ai perdu dans le grand Crash du Disque Dur de 2007, comme la postérité s'en souviendra, j'ai retrouvé ces vieilles règles du Tondeuse-Ball, jeu quelque peu tombé en désuétude mais qui a encore ses partisans.

Le principe est très simple. Pour jouer, il te faudra: de la famille, ou des amis, une tondeuse à gazon assez solide, et des boules de pétanques en acier.
Les joueurs se divisent en deux catégories: la première, celle du joueur proprement dit, celui qui devra marquer des points. La deuxième est celle bien entendu des cibles.
Le jeu se déroule en plusieurs temps: le premier est celui de la pétanque. On peut faire quelques parties, mais il va falloir surtout éparpiller les boules çà et là, au hasard, sans que le joueur de tondeuse-ball ne voie leur emplacement. Car ce premier temps la période de jeu des cibles. Celles-ci devront au terme de cette partie se positionner sur le terrain, lequel peut être de toute forme, de toute surface imaginables. Les cibles se placent comme bon leur semble, que ce soit de façon à être très écartées ou formant une masse compacte. Pour que le jeu soit passionnant cependant, il faudra respecter un certain nombre de cibles proportionnellement à la surface du terrain; on voit mal un jeu où une seule cible agrémenterait un terrain d'un hectare. Par tradition, on pose au minimum une personne pour 5 mètres carrés, et, bien qu'il n'y ait pas de maximum officiel, un excédent de cibles rendrait la partie trop facile pour le joueur et trop délicate pour les cibles. On ne dépasse donc pas généralement 4 personnes pour 5 mètres carrés.
Une fois les pétanques et les cibles humaines placées, c'est au joueur de prendre possession du terrain dans le second temps du jeu.
Armé de sa puissante tondeuse à essence et à une lame, il va devoir maintenant tondre le gazon pour retrouver les boules de pétanque. Les cibles, elles, sont immobiles.
Lorsque le joueur va finalement trouver une des boules avec sa tondeuse, la boule va être happée par la lame qui va la faire tourner à très grande vitesse sous la tondeuse. Le joueur, alerté par le bruit, a alors 5s pour aligner sa tondeuse avec l'une des cibles humaines et soulever le devant de sa machine, ce qui aura pour effet de projeter la boule de pétanque en acier avec force vers un des joueurs-cibles. Celui-ci n'aura pas le droit de bouger ses pieds du sol mais pourra tenter de se baisser ou d'esquiver la boule expulsée en sa direction. S'il l'esquive, le joueur aura perdu, et devra rechercher une autre boule de pétanque. Si la boule percute sa cible, le joueur marque un point et la cible est emmenée aux urgences. Chaque manche dure 10min, et la difficulté s’accroît au fur et à mesure que le nombre de cibles décroît, suivant le succès du joueur. A noter que si la cible est percutée au visage, le joueur remporte 2 points, et si la cible est de sexe masculin, et est percutée dans l'entrejambe, le joueur marque 3 points.
Au bout des 10 min, un autre joueur tente sa chance et c'est celui qui aura marqué le plus de points après six manches au total qui remportera la partie. En cas d’égalité, les deux joueurs devront tous deux se mesurer simultanément sur le terrain, le premier atteignant une cible devenant le gagnant de la partie entière.

Si tu veux rejoindre la Ligue des Joueurs de Tondeuse-Ball, rien de plus facile. C'est même tellement facile que je ne vois pas pourquoi je me donnerais la peine de le dire, ce serait même une insulte à ton intelligence.
Souhaitons en tous cas un bel avenir à ce sport qui rassemble la famille et qui stimulera l’esprit de compétition chez les tous petits.

Un bref compte-rendu des choses.

Beaucoup de choses se passent un peu partout. Il était temps que je me penche sur la question.

Premièrement, toute personne utilisant un ordinateur a déjà entendu un ami, ou à défaut, un installateur, ou un plombier, lui crier "Malheureux! Fais des sauvegardes!". Comme toute personne qui se respecte, à ces occasions je ricanais béatement. Et puis dimanche soir, alors que je voulais démarrer naïvement ma machine, cette dernière a émis un émouvant "CLINK CLINK CLINK" avant de précisément ne rien faire. Un joli disque dur de quelques mois et surtout de 320 Go. Adieu, veaux, vaches, cochons, musique et flims, et accessoirement des photos et des mails, et des tas de choses dont j'ai oublié depuis longtemps l'existence mais qui sommeillaient quelque part, car elles étaient primordiales. Et évidemment, ce n'était pas le disque dur avec Windows, celui qui prend la poussière et qui ne reste là que symboliquement; non, c'était le principal, avec Linux, ma configuration, et tous ces petits détails chaleureux qui me faisaient me sentir chez moi.
C'est aussi pourquoi les Mensonges Photographiques ne sont plus là. Ils ont disparu.

Je soupçonne le terrorisme international. A quand notre Jack Bauer français?

En ces temps de tensions, d'échéances et d'incertitudes, la lecture du Canard enchaîné apporte son lot hebdomadaire de délices, chargés des péripéties de notre merveilleuse classe politique. Il faut cependant rendre cet hommage à nos candidats qu'ils se débrouillent très bien même sans le Canard pour distraire la France en ces jours de torpeur hivernale.

D'un côté, Sarkozy dans son discours cite tout le monde, tant qu'à faire, de Blum à Jeanne d'Arc en passant par Jaurès mais en oubliant, on ne sait pourquoi, David Hasselhoff. Il découvre que l'humanité est une force et non une faiblesse, et tous les médias, écrasant leur larme, font l'hommage vibrant de l'homme rené.
De l'autre côté, Royal néologise sur la grande Muraille de Chine déguisée en bibendum Michelin et fait de ses splendides trouvailles linguistiques le coeur même de sa campagne (elle est maintenant passée à la France respirante). Comme elle veut faire campagne pour le PS, mais sans le PS, elle n'implique personne parmi ses copains ou ses moins copains, et casse systématiquement tout ce que son François dit sur la place publique. Mais quand c'est Montebourg qui plaisante à ce sujet, ça ne va plus. Au piquet un mois, le Montebourg. La maîtresse n'est pas contente, mais elle est juste.
A ce propos, Royal a dit qu'en faisant faire des lignes à copier à son porte-parole, elle faisait régner l'Ordre Juste; je croyais naïvement que cela sous-entendait quelque part une notion d'ordre et d'harmonie sociale, un pacte social renouvelé autour de la Justice et de la solidarité; mais apparemment l'Ordre Juste c'est donner des punitions quand on fait pleurer François. Quand c'est Frêche qui traite les harkis de sous-hommes ou dénonce la sur-représentation de noirs en foot, on laisse couler.

Heureusement pour nous rassurer, il y a nos amis américains, qui ont beaucoup plus de divertissement avec leur classe politique, bien que souvent moins drôle (sauf à faire un tour sur le plateau de l'excellent John Stewart). Condoleeza Rice a fait une grande tournée au Moyen-Orient, soutenant à tout le monde qu'elle n'avait aucun plan, aucune annonce, qu'elle était là pour écouter; ce qui en dit long sur sa notion de la politique extérieure et la quantité d'idées nouvelles qui affluent à Washington. Bush poursuit sa stratégie tout en répétant partout que c'est une toute nouvelle stratégie puisqu'il a permuté quelques personnes à des postes clés; contre lui, les fraîchement élus démocrates accusent le gouvernement d'avoir précipité l'Amérique dans cette guerre en Irak qu'ils ont eux-mêmes majoritairement votée. Et pendant ce temps, la machine à broyer les libertés individuelles au nom de la lutte contre le terrorisme continue tranquillement son oeuvre.

En bruit de fond, quasi inaperçus, 94 irakiens sont morts chaque jour de violences l'année dernière.
Contrairement à Lionel Jospin qui lui passe tout à fait inaperçu.

De l'adoption de la théorie de l'évolution en 1900 en France, ou maintenant aux USA

C'est un point mal connu de notre côté de l'Atlantique (sauf peut-être si l'on regarde vers l'Est), mais la théorie de l'évolution est encore très controversée dans le pays de la Liberté. Certes, tout le monde ou presque a un vague souvenir d'avoir entendu parler du procès d'un professeur, un dénommé Scopes, condamné en 1925 pour avoir osé enseigner les lois de l'évolution, chose alors interdite par la loi de l'Etat. Moins connu est le fait que le débat fait toujours rage aux Etats-Unis.

J'en veux pour preuve, par exemple, cette étude de National Geographic, pour laquelle a été demandé à des habitants de différents pays occidentaux s'ils pensaient que l'homme descendait d'espèces primitives. En France, près de 80% pensent que oui. Aux Etats-Unis, c'est 40%, avec 40% qui pensent que c'est résolument faux.

Les fanatiques religieux qui sévissent là-bas, pour se cacher, ne parlent plus de créationnisme, dénomination ringarde et qui laisse trop vite percevoir leurs motivations et l'absence totale de preuve, outre leur foi. Non, maintenant c'est plutôt de l'Intelligent Design, sorte de créationnisme caché, enveloppé dans une rhétorique pseudo-scientifique apte selon eux à duper l'ignare. Ils citent Darwin comme ils ont l'habitude de citer la Bible et confondent, ou font mine de confondre, une théorie scientifique, qui elle-même évolue et est nuancée au fil du temps, avec une parole absolue et inaltérable. Ils sont ainsi dans l'impression que s'ils arrivent à discréditer le maître, cela jettera le discrédit sur ses disciples. Cela témoigne soit d'une ignorance totale des méthodes scientifiques, soit, plus insidueux et plus probable, d'une volonté de ramener rhétoriquement la théorie de l'évolution sur le champ du religieux, où en tant qu'extrémistes eux-mêmes, ils auraient un certain avantage. Niant les preuves scientifiques innombrables et éprouvées, ils veulent ramener l'adhésion à la théorie de l'évolution non à un acte raisonné et réfléchi, mais à un acte de foi qui aurait pu tout aussi bien tomber sur le créationnisme.

Acte absolu d'imposture intellectuelle, s'ouvrira bientôt en Ohio le musée du créationnisme, où le crétin du coin pourra venir montrer à ses enfants, sous un couvert de vérité établie, que les dinosaures ont bien existé, mais évidemment pas il y a des millions d'années, mais il y a quelques temps seulement, lâchés dans la nature en rétribution du péché originel (voir sur le plan du musée, cliquer sur le numéro 19).

Sinon sur internet, l'illuminé s'estime plus compétent que tous les scientifiques du monde au cours des derniers 150 ans, et donne des leçons de sciences. Prétextant que la science n'a pas réponse à tout, ce dont ladite science n'a même pas l'ambition depuis plus de 100 ans, l'illuminé prétexte que les zones d'ombre sont la preuve irréfutable de la validité du tout. C'est un joli procédé (je te laisse le retrouver dans la liste des arguments fallacieux), totalement non scientifique. Par exemple, la science actuelle ne peut expliquer de façon unifiée la gravité à l'échelle de l'univers et à l'échelle de l'atome. C'est une preuve manifeste que la gravité n'existe pas.
Parfois, l'illuminé dit complètement n'importe quoi. Par exemple, le délicieux Evolution is Impossible est un site qui tente de prouver par une approche pseudo-scientifique le caractère infondé de l'évolution. Après quelques tours de passe-passe et opinions déguisées en preuves, vient la page des Questions auxquelles la Science ne peut répondre.

La première est assez splendide: pourquoi la Terre et ses espèces sont-elles belles? Car il est bien connu que le concept de beauté est une vérité scientifique absolue et immuable. Il est alors argumenté que la beauté ne peut être le fruit du hasard de l'évolution et qu'elle est par conséquent la création d'un être omnipotent et esthète; plus précisément il est dit que les animaux colorés ne devraient pas avoir survécu. L'auteur associe donc les couleurs vives à la beauté, et pense pour une raison obscure que tout le monde animal devrait ressembler à de la terre.

Une autre question revient souvent chez les tenants de l'intelligent design: pourquoi ne sommes nous pas témoins de l'évolution? Car manifestement, pour eux, l'évolution consiste à se coucher un soir pour découvrir le lendemain matin que le chien possède maintenant un genou sur le dos. J'avais vu l'interview d'un scientifique sur l'excellent Colbert Report rétorquer à cette question que ceux qui la posent ne se demandent pas pourquoi chaque année, ils doivent se faire vacciner à nouveau pour la grippe, alors que c'est parce que le virus a évolué et que par conséquent l'ancien vaccin n'est plus efficace.

Bref, il existe de nombreux sites et lobbies aux Etats-Unis, généreusement financés par la même clique de personnes qui ont fait élire Bush et compagnie, très divertissants de mauvaise foi et de manipulation pseudo-scientifique. Les mêmes personnes ayant le pouvoir dans les Etats du Sud, il est maintenant stipulé dans les livres d'école que l'évolution n'est qu'une théorie, au même titre que l'intelligent design. Les médias financés par les mêmes se font un plaisir d'être l'écho de masse d'une telle manipulation idéologique.

Et que nous autres, en France, l'on se rassure. Une grande partie des américains croit fermement que la science se fourvoie et que seule la Genèse propose la vérité littérale des origines; et Dieu merci ce sont eux qui contrôlent la plus puissante armée du monde et jouent aux petits soldats avec les autres pays. L'élite éclairée.

La nouvelle année, musique et folie.

Tout d'abord force est de constater que l'année 2006 appartient désormais à l'Histoire. L'année où la démocratie s'est finalement et fermement implantée au Moyen-Orient, où la paix s'est installée définitivement dans le monde, où les disparités économiques se sont résorbées, où la dégradation du climat est devenu une gageure mondiale pour tous les pays, où toutes les religions du monde se sont enfin souvenues de la clause de fraternité écrite en gros dans leurs livres respectifs; oui cette belle année est terminée.

Mais maintenant tout va mieux aller. Pour preuve j'en veux les voeux de Nicolas Sarkozy et de Ségolène Royal. Tout va être formidable apparemment cette année, que l'un ou l'autre soit élu.

Et comment mieux débuter cette année qu'en musique? A part nu dans une fabrique de chocolat noir déserte? C'est pourquoi, en accord avec ma chère et tendre, nous avons décidé d'encourager ce formidable outil du mélomane qu'est last.fm en nous abonnant l'espace de quelques mois. Certes, pour un usage courant, tout est gratuit, mais pour la misérable somme de 2,50€ (outre l'encouragement général au site qu'elle représente), sont également disponibles d'autres radios personnalisées, et divers avantages comme la garantie de vitesse en cas de congestion du site et la possibilité -- cruciale -- de pouvoir connaître les téméraires s'aventurant sur sa page personnelle.

Sachant de plus que depuis quelques jours le site est intégralement disponible en français, ce qui réduit à néant les médiocres prétextes des récalcitrants anglophobes pour ne pas essayer ce site.

Enfin, pour être à la hauteur de mon titre ambitieux, voici un petit jeu flash rencontré par hasard, qui peut, à la longue, produire chez le joueur une certaine perte de conscience de la réalité.