Choses aléatoires

C'est l'hiver encore une fois. Il fait nuit le matin, néon le jour au travail, et nuit le soir: le risque de surproduction de vitamine D est enfin écarté. La nuit est claire et la lune pleine: les petites bourrasques de vent froid, qui s'engouffrent dans les larges fentes de mes fenêtres antédiluviennes, font frémir mollement mes lourds rideaux, comme une invitation au rhume.

L'hiver arrive et il est décevant: c'est la crise, il pleut, et il n'y a plus rien d'intéressant à suivre dans l'actualité depuis qu'Obama a réussi l'impossible, et en attendant fin janvier qu'il commence sa besogne. Bush a passé plus d'un jour ouvré sur trois en vacances, pendant ses huit ans de présidence, et pourtant pour une fois, on aurait bien aimé qu'il parte encore un peu, et qu'il laisse les clés sous le paillasson.

Même le congrès de Rheims ne va pas être digne d'intérêt. Ce week-end, le PS s'apprête à se conforter sereinement dans les ornières de la défaite, qu'il refuse obstinément de quitter depuis que Jospin a jeté l'éponge. Pourquoi faudrait-il changer une équipe qui gagne si bien les élections cantonales, sous prétexte qu'elle perd les présidentielles, les législatives et les sénatoriales? La crise est oubliée par le premier parti d'opposition de France, qui préfère s'entre-déchirer pour se disputer les parts d'un délicieux gâteau qu'ils n'ont même pas.

Il pleut et il fait gris, alors dans le bus, dans le train, dans mon fauteuil ou sur le canapé, je lis. Après avoir compris avec Dawkins les mécanismes d'une théorie élégante de l'évolution centrée sur les gènes, après avoir appris de Dennett que la conscience n'est qu'une illusion qui habille une abstraction des traitements d'informations en série dans notre cerveau qui a une architecture massivement parallèle, après avoir suivi avec Conrad les déboires d'un pays d'Amérique centrale imaginaire, rongé par les avidités et les ambitions, et après un détour dans l'univers au croisement improbable de Ian Flemming, Neal Stephenson et H.P. Lovecraft concocté par Charles Stross, me voilà plongé dans les mines de charbon de Germinal. C'est qu'on a le temps de s'instruire et de voyager, quand on refuse de faire du sport et qu'on considère qu'une nuit de cinq heures est un grand maximum.

Ansi, je continue, 130 ans après tout le monde, à découvrir Zola. Dans son écriture faussement détachée, il couche crûment sur le papier la misère et le désespoir de ses personnages enlaidis par leurs propres travers et par la machine qui les écrase. Une femme est décrite comme "affreuse, les seins sur le ventre et le ventre sur les cuisses", ce qui est très cruel, et dont la progression me fait penser - tout à fait hors propos, mais je ne suis pas homme à m'offusquer de mes propres parenthèses - à Desproges qui disait, avec son sens acéré de la formule second degré, que les noirs ont "le rythme dans la peau, la peau sur les os et les os dans le nez".

Je concluerai cet article incohérent par une autre citation du susmentionné Desproges, parce que je suis le chef et que je fais ce que je veux:

L'ennemi est bête, il croit que c'est nous l'ennemi alors qu'en fait, c'est lui! J'en ris encore.


  1. gravatar

    # by O M - 13 novembre 2008 à 10:43:00 UTC+1

    Il n'est pas incohérent du tout ton article mon aimé! Mais tu me parais un peu shreshre, c'est surement parce que je ne suis pas là, je ne vois que cette hypothèse.
    Par contre, tu as oublié de dire que c'était grâce à la fille la plus formidable du monde (moi bien sur) que tu t'étais mis à la lecture de Zola! :D