Le marathon de l'UMP.

En voilà un beau moment que ce modeste blog n'a pas été mis à jour. Je blâme tous les autres à ma place. Pourtant, quelle fête, ces dernières semaines! Quelles explosions médiatiques! Le monde politique semble décidé à rivaliser avec Hollywood et TF1 pour divertir les masses. Par monde politique bien sûr, je ne parle pas de la gauche, qui doit sûrement être en vacances. Mais la droite nous reste, et quelle droite! Une droite bien française, que l'on pourrait incorporer dans le concept vaporeux d'identité nationale (j'y reviens) tant elle nous est propre, et que personne d'autre au monde ne voudrait, sauf peut-être les italiens.
Je ne résiste pas à faire une petite liste récapitulative des dernières semaines:

  • Hadopi2 est voté, la Culture Française est sauvée! Mais ce n'est pas fini, le Ministère de la Culture travaille sur des dispositions pour favoriser positivement le téléchargement légal. Parce qu'Hadopi, c'est de la pédagogie, paraît-il, avec des amendes de 1500€ et des peines de prison pédagogiques. C'est les 30% de faux positifs garantis qui vont en apprendre des choses. Malheureusement, le budget de l'année prochaine ne prévoit que 5,3 millions d'euros pour l'Hadopi, alors que les transformations massives des réseaux impliqués par la loi auraient demandé 100millions du contribuable. Qu'à cela ne tienne, il faut penser au téléchargement légal, à promouvoir absolument. C'est le Luxembourg qui va être content, parce que c'est là que sont établies les plateformes légales pour des raisons fiscales, malgré les adresses finissant en 'fr'. Mais l'UMP a l'esprit européen.

  • Le ministre de la Culture pris dans la tourmente médiatique! On l'accuse d'être un touriste sexuel, lui explique qu'on lui en veut pour son homosexualité, que tout ce qu'il a fait c'est aller aux prostitués quadragénaires alors qu'il faisait du tourisme en Thaïlande. C'est différent. Télécharger une chanson de son groupe préféré que l'on va aller voir en concert, c'est punissable par la loi et condamnable moralement. Profiter de la misère des pays pauvres pour en soutirer des faveurs sexuelles, une erreur sans doute, un crime non, une faute même pas.

  • Hortefeux est filmé en train de faire une blague raciste. On a le droit de faire des blagues racistes. C'est drôle, quand on a bien convenu entre nous que c'est du second degré. Quand on est ministre de l'intérieur et qu'on se félicite régulièrement du nombre exponentiel d'expulsions d'étrangers, le second degré est largement moins évident que si c'était disons Stéphane Guillon qui avait fait la blague, et ça met l'homme en perspective. Alors, la machine à communication du gouvernement s'emballe, avec l'appui précieux du crétinissime Frédéric Lefebvre, et plusieurs explications bancales se suivent: Hortefeux ne parlait pas des arabes, mais de 'clichés', puis après on a dit que ce n'était pas les clichés, mais les 'auvergnats'. On a vite trouvé le véritable coupable, le responsable ultime de la confusion: Internet. Tout le monde monte au créneau: quoi, Internet n'est pas censurable! Une information, un film tourné en public pendant une manifestation officielle de l'UMP peut se retrouver à disposition de tous, sans possibilité de couper le robinet! Quel scandale honteux! vivement Hadopi, que l'on puisse déconnecter au moins les plus gênants. Le discours est alors unanime, de Lefebvre à Copé en passant bien sûr par Hortefeux: il faut pouvoir contrôler Internet, le censurer, frapper d'un sceau d'approbation gouvernemental tout ce qui y circule. Un espace de liberté et d'échanges, non bridé par la censure, est une menace à la démocratie et à la politique. Chacun apporte sa petite pierre à un discours charmant d'anachronisme et d'autoritarisme.

  • Internet, encore lui! Alors qu'on allait tranquillement refiler une bonne planque au fiston, voilà donc que les citoyens lambda ont fait mousser l'ascension étrangement rapide de Jean Sarkozy, au point que les médias nationaux se sont sentis obligés de ressortir eux aussi l'affaire. Comme si quand on a 23 ans et un diplôme Bac+0 on ne pouvait pas gérer le plus grand quartier d'affaire d'Europe! Quel espoir, pour les jeunes des banlieues, de voir que sans faire d'études, sans qualifications, sans avoir travaillé, on peut se retrouver comme ça, à la tête d'une machine aussi énorme. L'ascenseur social, en plein essor. Jeannot, pour l'occasion, avait coupé ses cheveux et avait mis des lunettes, pour faire moins tête à claques, mais, malheureusement, il donnait plutôt l'impression d'avoir 12 ans. Tout l'UMP, tout le gouvernement, comme un seul homme, se dresse pour sauver le dauphin: on le compare aux généraux de la Révolution, très jeunes, et c'est vrai que ce n'est pas de la faute de Jean si au lieu de remporter des batailles et de retourner l'Histoire il est juste le fils de son père. Ce dernier, sans pouffer, le jour même, fait un discours aux directeurs des lycées pour leur expliquer que seule la méritocratie compte depuis la Révolution, que le temps des privilèges est révolu. Je crois que c'est Luc Chatel qui a dénoncé le mauvais procès de 'sale nom', et a fait le parallèle avec la discrimination raciale. Je ne vais pas faire la liste complète de toutes les choses tout aussi indignes et honteuses qui ont été vomies dans les médias, ce serait trop long. Enfin, le sourire de mépris total toujours au coin de la bouche, Jean, sermonné par papa, a fini par reculer face à la colère des français, se contentant, comme un misérable, de n'être *que* administrateur de l'EPAD. Evidemment, en bonne tradition de l'UMP, face à l'indignation, Jean se pose en victime: s'il ne s'appelait pas Sarkozy, il aurait été pour lui beaucoup plus facile d'être président de l'EPAD.

  • Le dimanche suivant, David Douillet est élu député. C'est vrai que lorsque l'on pense à la rédaction et la réflexion sur le droit, aux évolutions juridiques à apporter, à la complexité de la loi, la première chose que l'on se dit, c'est: il faut absolument qu'un sportif de haut niveau s'en occupe, le genre qui n'a fait pas d'études pour gagner des médailles en renversant des gens sur un tapis. Et quelqu'un de moderne avec cela: dans ses autobiographies, il explique qu'il trouve anormal et contre nature que les femmes travaillent, et qu'il est normal, par contre, d'être misogyne, sauf pour les 'tapettes', bien entendu. C'est des gens comme cela qu'il nous faut pour écrire la loi, pour donner un cadre sain à la société.

  • Après, un petit détail qui a fait somme toute peu de bruit, la révélation du coût de l'installation temporaire d'une douche grand luxe pour Sarkozy, au Grand Palais, à 100m de l'Elysée, pour une réunion de quelques heures: plus de 245 000€. De quoi faire rêver les smicards. C'est l'infatigable député Dosière, un des cinq députés à être transparent sur la gestion de ses dépenses professionnelles, qui révèle la chose. A l'UMP, on lui prête à cette occasion une 'malhonnêteté intellectuelle' ainsi qu'un 'antiparlementarisme primaire'. Non, moi non plus, je ne comprends pas.

  • Ensuite, il y a eu un petit creux, et Hortefeux s'est senti obligé de le combler en parlant d'instaurer un couvre-feu pour les mineurs. Bien sûr, un policier peut déjà ramener chez lui un mineur le soir, mais il fallait bien lancer une petite polémique gratuite et crétine pour rassembler l'électorat de droite qui commence malgré tout à s'y perdre.

  • Pour continuer dans la voie, et pour faire oublier que la France a expulsé des afghans pour les ramener dans un pays en guerre qu'ils avaient fui (et où la France a même des opérations militaires qui essuie des pertes) où les attentats, assassinats et rapts sont monnaie courante, Eric Besson a alors lancé le grand débat sur l'Identité Nationale. Qu'est-ce que l'identité nationale? Ces deux jolis mots, popularisés par Le Pen dans les années 80, ont l'avantage de ne rien vouloir dire de particulier. Ou plutôt tout: à entendre Lefebvre et les ministres, tout ce qui peut arranger la droite fait partie de l'identité nationale. S'agit-il de définir l'essence éternelle de la nation, ce qui fait qu'un français est dans l'absolu une créature distincte fondamentalement d'un allemand ou d'un anglais? Faut-il définir plutôt ce qui n'est pas français pour en déduire ce qu'est être français? S'agit-il de la culture, de l'organisation politique et sociale? Et quand bien même, qu'y a-t-il à débattre? On nous enjoint à faire un grand débat, mais il n'y a surtout ni cadre défini ni enjeux. Ca fait des belles unes de journaux, les journalistes ne parlent que de ça et oublient de rappeler des choses comme la situation économique et sociale, l'envolée des dépenses, les déficits et ce genre de choses désagréables. Il me tarde d'avoir les résultats du débat, pour savoir comment je dois changer pour accorder mon état de français à ce qu'aura défini le gouvernement. Mais ça fait plaisir à l'aile droite-droite du parti, qui a sans doute déjà eu chaud au coeur de voir de Villiers incorporé à la belle machine UMP. Il faut bien aller râcler la fange de l'extrème-droite, si ça peut aider pour les régionales.

  • C'est une tellement jolie opération, que les voix discordantes sont désagréables. Eric Raoult, député-maire UMP, trouve que les lauréats du prix Goncourt devraient avoir un 'devoir de réserve' concernant la personne du président. C'est le spectre du contrôle de l'information et des gens, déjà vu plus tôt avec Internet, mais aussi avec l'idée aberrante d'installer de plus en plus de caméras dans les villes (Hortefeux devrait aller voir en Angleterre la coûteuse inefficacité du dispositif, outre les aspects de vie privée); cette fois-ci, ce sont les écrivains qui sont visés. Le Ministre de la Culture, lui-même écrivain, va voler au secours des artistes et de leur liberté d'expression. Ah non, pardon, je l'ai confondu avec un homme de principes. Il a juste dit qu'il ne voulait pas intervenir. Beau défenseur des lettres!

  • Enfin, c'est tout neuf aussi, le débat sur l'homoparentalité fait ressortir la droite sur ses grands chevaux moralisateurs. Les parents, avant d'être des gens qui aiment leurs enfants, doivent surtout posséder des parties génitales différentes: sans cela, apparemment, la jeunesse perd tous ses repères, et va droit à l'égoût. Pour Xavier Bertrand, avoir un père et une mère, c'est un droit de l'enfant. Désolé, petit Paul, tu vas devoir rester seul à l'orphelinat, parce que le couple qui voulait t'accueillir et t'aimer a la particularité physique d'être du même sexe. Mieux vaut pas de parent, que deux qui se ressemblent trop. Mieux vaut pas d'amour, que de l'amour de gens qui ne correspondant pas au schéma propre à notre identité nationale. Tu nous remercieras plus tard.
Bon, maintenant il ne reste plus qu'à attendre que Pasqua balance tout sur l'ère Chirac/Balladur avec derrière Villepin/Sarkozy, pour avoir la suite du spectacle. Quoique, il commence à se faire vieux le Charles. Un accident est bien vite arrivé.

  1. gravatar

    # by Anonyme - 13 novembre 2009 à 21:47:00 UTC+1

    J'ai un peu envie de pleurer toutes les larmes de mon corps là...