Libre arbitre et parasites.

Attention, ce qui suit peut choquer les dijonnaises. Cela parle de bêtes. C'est assez dégoûtant. Non recommandé pour les dijonnaises, vraiment.

La Nature. La Nature est belle. La Nature est juste. Dame Nature, mère et protectrice de tous.
A d'autres.
La télévision puis Internet ont heureusement été là pour m'apprendre qu'elle est aussi le lieu d'indicibles horreurs, qui, si elles étaient ramenées à nos propres personnes, seraient si affreuses, que je ne les souhaiterais même pas à DeChavanne.

Enfant, encore innocent et naïf, j'ai pu voir un documentaire formidable, qui racontait sur un ton presque bienveillant l'histoire d'un escargot -- appelons-le Michel -- qui s'était levé du mauvais pied; puisque Michel n'en possède qu'un, sur lequel il bave continuellement, c'est dire s'il était condamné.
Michel a ce jour-là la mauvaise idée de manger avec son repas un minuscule parasite -- appelons-le Marcel. Or, Marcel a comme principe moral de ne se reproduire que dans des intestins d'oiseaux. Chacun ses goûts.
Voilà donc Marcel, dans le corps de Michel, qui aimerait bien que ledit Michel soit lui-même dans le corps de Philippe, le corbeau du coin. Marcel prend son mal en patience. Et il se nourrit au détriment de Michel. Il grandit, grandit, devient un gros ver, qui tourne en rond sous la peau de l'escargot. Marcel, maintenant d'un taille importante par rapport à celle de Michel, est constitué d'anneaux alternativement noirs et blancs. Une fois qu'il est prêt, il remonte dans la tête de Michel, en poussant, écrasant, ou dévorant ses organes au passage, et se retrouve sous ses cornes. Une fois là, il n'arrête pas de bouger.
Philippe n'a pas forcément une vue d'aigle, mais quand un truc noir et blanc bouge sans arrêt par terre, il le voit quand même. Alors Philippe mange Michel... et tout le monde est content: Philippe est repu, Marcel peut se reproduire, et Michel, avec un peu de chance, s'est réincarné en autre chose qu'un escargot.

Autre histoire distrayante: Adolf la tarentule se promène nonchalemment, en imaginant les actes maléfiques qu'il va perpétrer, comme toute araignée qui se respecte. Et puis paf, Patricia la guêpe arrive, et pique Adolf, qui est paralysé. Patrick emporte alors Adolf vers un trou dans le sol qu'elle a préalablement creusé; et Adolf se dit qu'il va finir comme Joe Pesci dans Casino. Il n'aura pas cette chance.
Patricia emporte Adolf dans le trou, en ressort et scelle l'entrée. Auparavant, elle aura pris le soin de pondre ses oeufs dans le corps d'Adolf. Ce dernier, qui, en bonne araignée, est increvable, et n'a pas besoin de trois repas par jour, se trouve enterré vivant, dans le noir, complètement paralysé.
Pendant quelques jours, rien en se passe.
Et puis les oeufs de Patricia éclosent. Dans Adolf. Des larves de guêpes en sortent. Des larves affamées.
Adolf, le garde-manger vivant.

Un jour que je me promenais dans les vignes autour d'Arbois, j'ai vu une telle guêpe déplacer une araignée inerte, qui commençait à dégager des cailloux pour creuser son trou. Il me semble que je suis intervenu. Pour que je fasse preuve de compassion avec une de ces saloperies d'araignées, faut le faire.

Revenons-en à nos parasites. Les scientifiques qui s'y intéressent (ça existe) sont en train de découvrir que certains ne font pas que manger au passage ce qui transite dans les intestins. Certains agissent directement sur le cerveau, et par là, sur le comportement de leur infortuné hôte.

Le sympathique Spinochordodes_tellinii, par exemple, se reproduit dans l'eau, mais grandit dans les sauterelles. Oui parce qu'apparemment c'est leur grand truc aux parasites, grandir et se reproduire dans des endroits totalement différents. Donc notre parasite, dans la sauterelle, va modifier son comportement. Il va la pousser à sauter dans l'eau, et donc à se noyer, la sauterelle étant incapable de nager. Dans les faits, ce parasite pousse son hôte au suicide.
Le tout aussi gentil Cordyceps infecte les insectes comme les fourmis, dévorant ses organes sauf ceux nécessaires. Il pousse son hôte à grimper en haut d'une branche, d'une herbe, et à s'y attacher fermement en la serrant entre ses mandibules. La fourmi meurt dans cette position quand le champignon consomme son cerveau et commence à pousser hors de la carapace de l'insecte. Il peut alors libérer ses spores dans l'air, qui seront bien disséminés puisque son hôte s'était élevé.

Encore mieux: le Toxoplasma_gondii, se reproduit dans les chats, mais il peut vivre dans tous les mammifères. Quand il grandit dans un rat, il va modifier son comportement pour qu'il n'ait plus peur de l'urine de chat. Tout rat, même n'ayant jamais vu de chat de sa vie, a instinctivement peur de l'odeur de l'urine de chat. Le parasite inhibe cette peur, et uniquement cette peur. Le rat est alors attiré par les mictions félines. Et devient plus sujet à être dévoré par un chat, au plus grand plaisir de notre petit toxoplasme.

Ces animaux ont donc vu leur comportement modifié par un parasite. Génial, des rats qui cherchent de l'urine, c'est incroyable ton histoire. Oui mais voilà, chez l'homme, le toxoplasme ne réveille aucun désir particulier concernant de l'urine de chat. Par contre, il augmente les comportements dangereux et réduit les temps de réactions, augmente les sentiments de doute de soi, accroît le risque de névrose, enfin augmente le risque de schizophrénie.
En France, nous sommes 88% à porter ce même parasite.

Plus incroyable: les taux d'infection varient parfois très fortement entre les pays. 33% aux USA, 4% en Corée. 88% chez nous. Ces taux varient au cours du temps, et aussi en fonction des traditions culinaires (les aliments crus ou peu cuits préservant plus ces adorables chenapans). D'où une théorie récente selon laquelle ce parasite, affectant un peu plus de la moitié de l'humanité, mais en des concentrations géographiques différentes, pourrait avoir eu un impact direct sur les cultures nationales. Si 88% d'entre nous se laissent influencer alors que 4% seulement s'y adonnent en Corée, au final, notre toxoplasme favori pourrait avoir une incidence globale sur les différences culturelles entre les deux pays (ce qui expliquerait pourquoi les Coréens, les misérables, n'ont ni de Johnny, ni de Pascal Obispo, ni de Jean-Pierre Foucault à eux).

Pour finir, une petite note sans rapport. D'après wikipedia, au cours de l'évolution de l'homme, des virus ont infectés nos ancêtres et se sont insérés dans notre patrimoine génétique, sans faire grand-chose vraiment, mais qui sont ainsi dupliqués quand des cellules se séparent et qui sont transmis de génération en génération. Ainsi, 8% de notre patrimoine génétique seraient squattés honteusement par ces rétrovirus.


Je croyais être un homme, un être à part dans la Création, une personne unique et spéciale créée à l'image de Dieu. En fait je suis un transporteur de gènes guidé par des parasites.
Ne rigole pas trop, toi aussi.



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    # by Anonyme - 14 octobre 2007 à 02:26:00 UTC+1

    Très bon article, merci!

    Polo.