La Science à l'assaut de la Morale

Pour continuer dans l'optique du précédent article, je suis tombé ce matin sur un article proposé par l'excellent Slashdot, qui indiquerait que les neurologues pourraient bientôt détruire des siècles de philosophie en prouvant que la morale et l'altruisme ne sont pas le fait d'une décision prise dans le cadre de son libre arbitre.
Ces scientifiques ont en effet identifié la partie du cerveau qui est activée lorsqu'un sujet commet un acte charitable, de pure bonté envers son prochain: il s'agit de la même région qui contrôle le plaisir évoqué par la nourriture et les relations sexuelles. Ce qui évoque les réflexions suivantes:
  • L'altruisme semble alors "gravé" dans le cerveau, dans le même mécanisme qui incite à la survie et à la reproduction. L'empathie devient alors un des facteurs de l'évolution humaine, sans doute conditionnant le succès de la vie en société.
  • Un être bon le serait malgré lui; pire, il le serait par pulsion, par besoin purement égoïste, celui de recevoir la récompense du plaisir apporté par l'action. Adieu le libre arbitre, la bonté quitte le domaine de l'âme pour celui du physique.
  • La méchanceté, la cruauté, l'absence d'empathie seraient alors a contrario explicables physiologiquement, ce qui ferait un joli bordel philosophico-éthico-judiciaire. A quand le test d'empathie, qui dès le plus jeune âge vous indiquera que votre charmant bambin va mépriser son prochain et sera donc plus apte à entamer une belle carrière de criminel?
Pour détruire encore plus l'unicité humaine et son beau piédestale, il s'avère que l'empathie ne lui est pas spécifique: l'article indique qu'un rat, à qui l'on électrocute le copain à chaque fois qu'il mange, finira par jeûner pour épargner son collègue.
Ce qui mine de rien souligne des capacités cognitives certaines: pour se mettre à la place de l'autre, s'imaginer comment il voit le monde et le subit, il faut savoir faire le distingo entre Moi et l'Autre. C'est quelque chose que l'homme ne maîtrise pas à la naissance, mais qui se développe après quelques mois. Après des millénaires à voir la nature divisée en deux, d'un côté les animaux, pour faire joli, et de l'autre côté, l'Homme, créé à l'image de Dieu, on finit par se rendre compte que finalement la frontière est beaucoup plus fine que prévue.
Un des tests d'intelligence souvent utilisé est la reconnaissance de son reflet dans un miroir. Les chimpanzés, les éléphants, certaines corneilles peuvent le faire. Un bébé humain, non. Reconnaître son image c'est sous-tendre une compréhension du Moi en tant qu'individu unique et libre, c'est avoir conscience de soi. L'animal ne peut alors plus être rapporté à un mécanisme savant simplement guidé par son instinct de survie. Il est alors guidé par une réflexion. Une étude laisse même à penser que des mouches ont un certain libre arbitre.
Qu'est-ce qui rend l'Homme si spécial alors? Michel Drucker? Richard Virenque? Philippe Risoli? Même de si beaux spécimens ne sauraient nous arracher totalement du règne animal que l'on a voulu fuir depuis des millénaires.