Résistance musicale.

Comme mentionné plus tôt, Radiohead a sorti un nouvel album la semaine dernière. Comment décrire ce groupe à ceux qui ne l'auraient jamais écouté? Si ils étaient une chanson énervante que l'on ne peut sortir de sa tête, ils seraient Le Petit Bonhomme en Mousse. S'ils étaient un cuisinier seul dans un bateau envahi par des terroristes, ils seraient Steven Segall. S'ils étaient gros et consensuellement gentils, ils seraient David Douillet.
Les voilà donc revenus avec cet album, qui d'après certaines sources, aurait été téléchargé 1,2 millions de fois le premier jour, secouant l'industrie de la musique de façon sensiblement plus notable que le retour de Francis Lalanne dans la chanson.
Cet après-midi, j'ai dû casser ma compulsive écoute en boucle de cet album pour mener diverses opérations dans les entrailles de mon ordinateur. Ne pouvant plus ainsi profiter de la musique choisie et aimée, résidant exclusivement, n'en déplaise à M. Nègre, sur mon PC, je me suis résolu à prêter l'oreille à la musique subie et qui pique les yeux, en zappant sur les différentes chaînes de musique proposées par Free.
Un flux constant de musique consensuelle ou consensuellement rebelle a alors déferlé sur mes oreilles. Je suppose que la musique, disons plutôt les produits commerciaux diffusés dans les média de masse sont un peu comme la grippe: quand on y est exposé de façon répétée, on se construit une sorte d'armure, d'immunité, et alors ils nous glissent dessus dans l'indifférence. Ayant passé les 15 dernières années à me protéger d'une telle affliction, le choc a été rude pour mes oreilles innocentes et non préparées à un tel assaut.
Toujours les mêmes clips, les mêmes femmes peu vêtues et dont le fessier protube devant la caméra, les mêmes interprètes, les mêmes mimiques, la même langage, le même style visuel, et très souvent, les mêmes samples misérables en fond. Mention spéciale pour le clip de Tony Parker, qui devrait se contenter de faire perdre l'équipe de France de basket, car il faut avoir que cet homme est aussi doué pour faire du rap que moi pour le breakdancing. Et j'aimerais préciser que je suis tellement peu souple que même mon coude ne plie pas. Attention, je ne blâme pas le genre musical, juste les médiocres qui s'y adonnent. Quiconque visite ma page last.fm verra le génial MF DOOM en bonne position dans mes écoutes.
Et ce n'est rien comparé à ce qui nous attend. D'après Voici, Garou et Lorie vont se marier. Combinant le pire des inintéressantes, lourdes, et commerciales comédies musicales, et le pire des produits préfabriqués pour adolescentes prépubères, ce mariage, d'où sortira peut-être des enfants, lesquels se sentiront obligés de faire de la musique, porte en lui les germes d'une chanson de variétés française toujours plus misérable, toujours plus plate, toujours plus lisse.
A côté de ces gens creux, qui, s'ils avaient été des légumes, auraient été des endives, loin des chaînes de télévision qui s'auto-proclament "de musique", loin des radios qui ne passent que ce que les maisons de disques leur disent de passer, il y a encore des gens qui se battent. Vendredi soir, accompagné d'un gros monsieur qui ne fait que des petits dessins et d'un autre, qui, si j'ai bien compris, est payé pour se faire offrir des saucissons par des corses, j'ai eu ainsi le plaisir d'assister au concert d'Ani DiFranco dans notre belle capitale. Hamail on Trial, en première partie, est un gros monsieur suant et racontant avec force et véhémence au-dessus de sa guitare acoustique comment, jeune, il a tout fait pour rencontrer son idole John Lennon, et qu'à cette occasion il a été poussé contre lui, et que les seuls mots que l'homme qu'il admirait par-dessus tout lui a adressés ont été "Fuck off", que l'on pourrait traduire par "passe ton chemin, laisse-moi en paix"; ou encore comment un ami, pêchant en plein mer une caisse remplie de sacs de poudre blanche, en avait sniffé une ou deux lignes avant de se rendre compte qu'il s'agissait d'une urne funéraire; ou encore sa relative dissatisfaction envers les dirigeants de son pays et de sa proposition de placer la tête de son Président sur un pique. Ani DiFranco, un peu plus calme, le sourire aux lèvres, chante ensuite les espoirs d'une classe populaire désespérée par une démocratie américaine qui ne fonctionne pas, les souffrances silencieuses de ceux dont on ne parle pas.
Autant dire que ces gens, aussi doués soient-ils, ne passent pas à la radio. Ni à la télé. De voir un tel décalage entre ces gens qui ont du talent, et des choses à dire, et le flot continu de niaiseries toutes similaires déversé dans les média me fait inévitablement penser, dans ma paranoïa orwellienne, au Ministère de l'Information de 1984, dont l'un des rôles est de maintenir les machines qui écrivent automatiquement les romans, composent automatiquement la musique, à destination de la plèbe. Le but étant de l'étouffer sous des produits culturels de qualité misérable, mais sans contenu, sans clé de réflexion. De l'art sans âme, sans artiste, dans le seul but de noyer les miséreux dans des préoccupations futiles.
Bon, j'arrête, c'est l'heure de Plus Belle la Vie. Il faut bien s'occuper entre les saisons de la Star Academy.