Morano et rhétorique.

J'aimerais prendre des vacances, mais on ne me laisse pas, et encore, mes listes de choses indignes que disent et font nos ministres sont loin d'être exhaustives. Pendant que Martine Aubry, toute seule dans son coin, crie déjà à la victoire totale aux régionales, même, pouffons un peu, en Alsace, alors que Ségolène Royale, en mal de lumières, la critique à chaque occasion, la droite continue son petit bonhomme de chemin à se ridiculiser en lançant des énormités.

Il y a d'abord Rachida Dati, qui adore les médias et que l'on parle d'elle, mais qui parfois, en oublie ses micros. Elle trouve très contraignant qu'à Strasbourg, un député soit obligé d'être présent, parce que dans le cas contraire cela se sait. Que ses électeurs se réjouissent qu'elle prenne tant à coeur le mandat législatif qu'ils lui ont remis entre les mains.

Ensuite, Nadine Morano, dans une soirée en hommage à Barrès, raconte que "le jeune musulman" doit mettre sa casquette et ses mots à l'endroit. Scandale dans les médias, on ne parle pas ainsi par clichés niais. Par contre, je n'ai vu personne être scandalisé qu'une ministre de la République assiste à une soirée rendant hommage à l'un des fondateurs de la pensée d'extrême-droite française, sous couvert de débat sur l'identité nationale. Mme le ministre de la Famille, quelles belles valeurs pour nos enfants. Aucun média n'a trouvé étrange que le lendemain de la déclaration d'Hortefeux de créer un préfet spécial pour lutter contre l'antisémitisme, Nadine Morano rende hommage à un homme qui était antidreyfusard jusqu'au bout ("Que Dreyfus ait trahi, je le conclus de sa race"). Même le FN n'ose pas ressortir ce type de personnages. Et pourtant, personne ne s'émeut. Il faut dire que Barrès a théorisé le Français avec un F majuscule comme l'UMP le verrait bien: génétiquement différent, à part, de tous les autres peuples, d'une essence unique, façonnée par les siècles. C'est vrai, c'est une bonne idée que remettre à la mode les théories nationalistes du début du XXie, à l'époque cela n'a fait de mal à personne.

Quant à sa harrangue du "jeune musulman", elle est révélatrice de l'état d'esprit de la ministre. Ce n'est pas tant le cliché du musulman qui parle en verlan ou qui met sa casquette à l'envers qui est important, bien qu'évidemment cela trahisse un communautarisme primaire: lui, le musulman, outre s'être trompé de Dieu, ne parle pas comme nous, ne s'habille pas comme nous. C'est un Autre. Bien sûr, le lien insolite entre casquette, verlan et religion émane de l'esprit confus de la ministre, mais le message sous-jacent est révélateur.

Mais ce qui est le plus parlant, c'est l'utilisation du singulier, "le jeune musulman". Ce procédé qui nie aux musulmans le droit à la diversité de vues, d'opinions, d'attitudes, puisqu'ils sont tellement tous les mêmes qu'on peut parler d'eux comme un seul homme, montre toute l'estime que Mme Morano a de ses concitoyens mulsumans. C'est le procédé de base de tout rejet de l'autre: au lieu de parler d'êtres en tant qu'hommes et femmes, on les groupe dans une catégorie arbitraire (juif, arabe, musulman, jeune, patron, etc) que l'on considère comme uniforme, de telle façon à ce qu'avec un exemple caricatural on puisse déduire des lois générales de l'ignominie présumée de la catégorie choisie. C'est bien sûr un raisonnement logique erronné, et cela on le sait depuis la Grèce Antique, c'est le spectre du syllogisme abusif:
  • J'ai vu M. Grobeuge voler une pomme
  • M. Grobeuge a une moustache.
  • Tous les moustachus sont des voleurs.
Après, il devient inutile de considérer les moustachus comme des personnes à part entière, mais comme un archétype, le moustachu, qui recouvre parfaitement toute la population qui compose la catégorie.

La déclaration de Nadine Morano peut donc être vue comme de la malhonnêteté intellectuelle et/ou comme de la bêtise. Je ne me prononcerai pas sur le dosage des deux quantités.

Bon, sinon, pour rigoler encore, les jeunes de l'UMP ont récemment sorti une sorte de clip musical, sans avoir l'autorisation des auteurs. Cela, évidemment, s'appelle du piratage, ils n'ont pas dû bien lire la loi Hadopi. C'est de la récidive, car déjà l'UMP a dû verser 30000€ au groupe MGMT cette année pour la même chose. Ils avaient bien proposé un euro symbolique de réparation, mais le groupe a été intransigeant. Oui, ce sont les mêmes qui ont voté une amende de 1500€ (sans compter les éventuelles poursuites pénales avec peines de prison) pour les malfrats qui téléchargeraient une chanson de Garou.

Vivement, vivement les régionales, parce qu'après, Lefebvre est pressenti pour être ministre de la communication. Je devrai probablement faire plusieurs articles par jour.