Le pouvoir de l'image.

Je suis encore vivant. Le temps de me moquer un peu de notre président, qui a le moral aussi bas que ses sondages, et qui compte sur deux choses pour le remonter:

  • Son voyage aux Etats-Unis, où il dinera en tête à tête avec Barak Obama, qui d'habitude lui adresse un désintérêt et une indifférence qui blesse notre président
  • Le lancement en grande pompe de son nouveau site internet elysee.fr, lui l'artisan de l'Hadopi et de la LOPPSI 2, qui veut nous faire croire qu'il connaît bien les nouvelles technologies.


En première page sur elysee.fr, on peut donc voir, pour célébrer la visite aux USA, la photo suivante:




Il y a de quoi se faire du soucis pour notre Obama mondial. Qui se doutait qu'il possédait un bras droit difforme et anormalement long? Tout ça pour donner la main au petit Nicolas, dans un élan de franche camaraderie, d'estime et d'amitié. On ne voit même pas la douleur paraître sur son noble visage américain.

C'est étrange, tout de même, ce que peut faire l'angle de prise de vue pour nos pauvres perceptions humaines. Ainsi, sur cette photo, prise exactement au même instant, Obama ne tient pas dans sa main puissante la petite et délicate mimine, chaude et moite d'admiration, de notre président.



Cette seconde photo est certainement un faux, une calomnie Photoshoppée, pour faire croire au peuple que Nicolas et Barak ne se tiennent pas par la main en toute occasion, à tout instant! Quelqu'un, à l'aide d'un logiciel, a soigneusement retouché le bras d'Obama, déplaçant vicieusement les pixels avec une redoutable fourberie, pour donner l'illusion que l'américain poussait le français, au lieu de s'accrocher désespérément à ses petits doigts virils.

Heureusement que le site de l'Elysée rétablit ainsi la vérité, et que l'on se rassure, dans les chaumières françaises: Barak et Nicolas sont les meilleurs copains du monde.

Je suis une célébrité du Net.

MIS A JOUR, voir en bas.

Cette semaine, l'UMP a sorti son site communautaire, modestement appelé createursdepossibles.com. L'idée, c'est de créer un désirs d'avenir de droite, mais en parlant plus de l'exemple d'Obama qui fait plus sérieux. J'étais curieux, alors je suis allé voir. Evidemment, pour voir quelque chose, il faut s'inscrire, alors j'ai vite créé un compte Machin Machin, faisant là, je l'avoue, une faute d'imagination.

Le site en lui-même est assez pathétique. Bien sûr, le site est laid, fonctionne étrangement, ne met pas en valeur les contributions ni les commentaires, et permet difficilement de naviguer entre les différents idées. Surtout, pour l'instant, il n'y a personne. Après avoir fait grand bruit sur ce site, l'UMP, après de nombreux retards, l'a sorti en douce, apparemment sans prévenir ses propres adhérents. Je crois que le jour du lancement, pour chaque type de l'UMP, il devait y avoir une vingtaine d'autres types qui n'étaient là que pour rigoler un peu, le jeu était alors de trouver qui parlait au second degré et qui était sérieux. Je pense honnêtement en avoir été le membre le plus actif depuis sa création. Bah, pas grave, le site n'a coûté que 500 000€.

Le principe: chacun peut créer une "initiative" sur un sujet, et les autres internautes peuvent la rejoindre, ou la commenter. Le créateur peut même convoquer des réunions, organiser des diffusions de tracts, ou réaliser un "phoning", qui est, je suppose, la version politiquement correcte de "harcèlement téléphonique". Bref, un site pour amuser l'adhérent et lui faire croire que son opinion, plus que sa cotisation et son bulletin, compte pour le parti, pendant que les politiques, eux, s'occupent à diriger réellement le pays sans rien écouter. C'est de la poudre aux yeux dirigée vers ses propres adhérents, et on peut être rassuré à l'idée que chaque parti digne de ce nom a, ou aura bientôt son site équivalent. Cela motive les gens, apparemment, quand on leur fait croire qu'on les écoute.

Au début, forcément, il y avait du n'importe quoi, auquel, je l'avoue, j'ai bassement participé, en proposant par exemple que l'Education Nationale s'attaque au terrible problème de l'anatidaephobie. Pour les plus ignares, il s'agit de la phobie selon laquelle à tout instant, et en tous lieux, un canard vous observe. Initiative supprimée par les modérateurs, ce qui, bon, se comprend. Les initiatives du même ressort ont été éliminées elles aussi, quelques heures plus tard, y compris l'excellente idée de remplacer la Marseillaise par la Bamba Triste de Pierre Billon.

Quand par contre on crée des initiatives qui rentrent parfaitement dans la charte d'utilisation du site, la tâche devient plus compliquée pour censurer les idées, car au fond, même quand on a recours au second degré, un nombre surprenant ne voit que le premier et adhère avec enthousiasme.

J'ai donc créé successivement deux autres initiatives:


"Parce que c'est un homme de lettres, de convictions, élégant et raffiné, sûr de son verbe et d'une rhétorique sans faille. Déjà immortel dans nos coeurs, Frédéric Lefebvre doit l'être aux yeux de la nation."
"Jean Sarkozy a l'expérience et les compétences pour être enfin nommé à un ministère. Seuls les ringards pensent qu'il faut plus que le bac pour avoir des responsabilités. Et l'ascenseur social alors? Il faut que les jeunes des quartiers puissent rêver de pouvoir se hisser dans la société, même sans diplôme. Jean Sarkozy est le symbole idéal."


Mon alter ego, Machin Machin, connaît alors la gloire.

Par hasard, je tombe sur un article sur lepost.fr où un porte-parole du site createursdepossibles, Benoist Apparu (Secrétaire d'Etat chargé du Logement et de l'Urbanisme, tout de même), explique que contrairement à ce qui avait été annoncé, le site avait à son premier soir, non 60000 adhérents, mais 1500. L'auteur, dans l'introduction, commence à m'appeler un "petit malin" en pointant sur mon initiative (1), puis interpelle le sieur Apparu sur l'initiative (2). M. Apparu me traite alors de "plaisantin". Un autre article, toujours sur lepost.fr, immortalise entre autres les deux initiatives, au cas où les modérateurs, finalement, décideraient de les supprimer.

Décidément, parler de Lefèbvre est porteur, et je me retrouve cité sur le site de Metro (avec photo de (1), je croise les doigts pour l'édition papier de lundi), qui me traite aussi de plaisantin, ils ont dû se passer le mot.

... De leur côté, les opposants à l'UMP ne sont pas en reste. Sur le mode du sarcasme, ils sont à l'évidence quelques-uns a avoir investi les lieux.
"Parce que c'est un homme de lettres, de convictions, élégant et raffiné, sûr de son verbe et d'une rhétorique sans faille. Déjà immortel dans nos coeurs, Frédéric Lefebvre doit l'être aux yeux de la nation" explique ainsi Machin Machin qui préconise que "Frédéric Lefebre soit nommé à l'Académie française " tandis que l'une des personnes qui l'a rejoint dans cette initiative le verrait plutôt au Panthéon, et "au plus tôt".
Plus loin, le même plaisantin plaide "Pour que Jean Sarkozy ait enfin un ministère" et suscite des réactions étonnantes d'incompréhension, ainsi un internaute "espère que c'est ironique".

Au moins sur le site de France2 je suis un "facétieux", ce qui est plus seyant.

..."Pour que Frédéric Lefebvre soit nommé à l'Académie Française"
Bien vu : les facétieux s'en donnent à coeur joie depuis jeudi, rivalisant d'inventivité pour y multiplier les initiatives les plus ironiques, les plus provocantes ou les plus dénonciatrices.
Citons parmi d'autres : "pour que Frédéric Lefebvre soit nommé à l'Académie française", "élever des statues de notre bon président", "supprimer le bouclier fiscal", "vacciner les touristes contre la grippe A" et même "battre l'UMP aux élections régionales et Nicolas Sarkozy aux prochaines élections présidentielles"

Quoique ici dans une autre interview d'Apparu, toujours sur le site de France2, je redeviens plaisantin.
... Pour l'instant, au vu des blagues qui y circulent (pour que Frédéric Lefebvre soit nommé à l'Académie française etc.) le site semble plutôt visité par des plaisantins ou des opposants que par des sympathisants?
"On a voulu un site ouvert à tous, et non un site réservé aux militants. On assume le risque." Avec l'idée et l'espoir, visiblement, que les blagueurs se lasseront avant les sympathisants.

Aperçu de la page France sur MetroFrance.com,
cliquer pour apprécier l'image choisie pour représenter le site de l'UMP.


Le vrai drame évidemment, c'est que comme à peu près personne ne s'intéresse à ce site, ma publicité va à peu près s'arrêter là. Je mettrai cependant cet article à jour si d'autres choses remontent.

Bientôt, ce sera au PS de lancer son site communautaire, étrangement nommé lacoopol.fr. J'en glousse d'avance.

MISE A JOUR:
Depuis quelques jours, l'initiative relative à Lefebvre pointe son nez ici et . L'idée que Frédéric Lefèbvre aurait assez de talent pour faire quoi que ce soit semble frapper tout le monde comme une aberration, et c'est donc cette initiative qui est le plus souvent mise en avant pour parler du site. Quelque part, l'UMP peut me remercier, parce qu'à longueur d'article ce groupe est ressorti comme un exemple de leur modération toute pleine de bienveillance. Bien sûr, ils ont bloqué mon compte, ce qui fait que les Créateurs de Possibles me sont maintenant inaccessibles. Mais ils n'ont pas supprimé l'initiative, sans doute parce que maintenant qu'elle a été mentionnée sur Internet sur les sites d'informations, le censurer instantanément pourrait faire tache. On ne censure pas, mais on bâillonne. C'est plus propre parce que ça ne se voit pas.

Mais la consécration, cela reste tout de même une mention dans un article du site internet du Monde. J'en ai les larmes aux yeux: c'est ici.
... Entre les deux sites, le ton, les règles de modération sont assez différentes. L'équipe de modération de la Coopol est pour l'instant plus chatouilleuse que celle de l'UMP. Un groupe nommé "Changez le nom du PS parce qu'il n'est pas socialiste" a, par exemple, été supprimé de la Coopol; en revanche, un groupe parodique intitulé "Pour que Frédéric Lefebvre soit nommé à l'Académie française" est en ligne sur Créateurs de possible depuis une semaine.

MISE A JOUR 2: Comme d'habitude, les seules initiatives relevées dans cet article du figaro.fr sont celles sur Frédéric Lefèbvre et Jean Sarkozy. La classe.
... Le projet est pensé de manière à s'adresser à un public plus large, non limité aux simples sympathisants. Les initiatives qu'on peut soumettre ne sont d'ailleurs pas filtrées, comme l'ont constaté de facétieux internautes venus proposer «que Jean Sarkozy ait enfin un vrai ministère» ou «que Frédéric Lefebvre soit nommé à l'Académie française». Le nombre d'initiatives parodiques visibles lorsqu'on se promène dans les pages est relativement important, au point qu'on peut se demander s'il ne finit pas par être nuisible à l'image de marque de l'UMP.

MISE A JOUR 3: Les deux initiatives sont censurées, elles auront tenu 6 jours. Du coup, j'ai rappelé le texte descriptif de chacune, que l'on puisse mesurer à quel point elles méritaient la colère des modérateurs. Ces derniers ont omis de me préciser quel point de la charte d'utilisation du site n'était pas respecté, sans doute par inadvertance.

Réflexions postales.

Je pourrais être tenté de parler une fois encore des merveilleuses idées abyssales de l'UMP (comme le fameux "lipdub" des jeunes UMP, complet avec l'handicapé qui reste sur le quai et Montagné qui conduit une voiture. Attention lors du visionnage, nausées fréquentes possibles) ou encore la formidable avancée pour les libertés individuelles que serait de remanier notre internet à la sauce chinoise, comme le propose un député; c'est vrai que là-bas, avec la censure et le contrôle de l'information, on ne voit pas passer les blagues racistes des ministres. Un vrai paradis.

Non, aujourd'hui mon article sera axé sur les sciences cognitives, autant dire que Frédéric Lefebvre ne sera pas mentionné. Il existe dans ce domaine de recherche un concept assez étrange pour permettre d'étudier le phénomène de la conscience: celui nommé peut-être par dérision ou jeu du zombie. Un zombie au sens philosophique est une créature humaine qui n'est pas douée de conscience, mais d'aspect et de comportement indiscernable d'un être doué de conscience. La question (contestée d'ailleurs par l'excellent Daniel Dennett) serait alors: comment distinguer de l'extérieur un zombie d'une personne normale? Comment détecter la conscience, et alors, comment la définir?

Bien que Dennett montre que c'est un faux problème, dans des livres qui peut-être, un jour, seront traduits en français, le concept m'est revenu à l'esprit ce matin, en allant chercher un colis à la Poste. Déjà observé à plusieurs reprises, le guichetier en charge des colis présente à mes yeux un véritable défi philosophique. Il doit avoir une trentaine d'années, mais tout dans son être indique l'attente placide de la retraite: les grosses lunettes, les cheveux avec épis, le gros pull en laine de celui qui aurait préféré rester chez lui, le visage sans expression, l'oeil terne, le mouvement lent et qui demande une longue planification.

MOI, tendant mon reçu et ma carte d'identité. - C'est pour retirer un colis.

LUI, recueillant lentement les deux papiers, doucement, à deux mains, les yeux paniqués par mon geste vif. - Bon.

Silence.

LUI, scrutant toujours les papiers. - C'est un colis?

MOI. - Oui, un colis.

LUI, les yeux toujours rivés sur les papiers, après un long soupir. - Un gros colis ou un petit colis?

MOI. - Je ne sais pas, j'ai juste eu l'avis de passage du facteur.

LUI, plaçant lentement ses mains sur ses hanches, l'air consterné et d'une extrême lassitude à l'idée de la tâche exténuante qui l'attend. - Parce que les petits colis c'est ici, pour les gros je dois aller voir derrière.

MOI. - ...

LUI, reprenant les papiers dans ses deux mains. - Un colis...

Pour situer le cadre, il faut savoir que c'est un très petit bureau de poste, avec toujours beaucoup de monde. La queue sort de l'immeuble et se poursuit sur le trottoir, de l'extérieur on dirait une boulangerie en URSS en 1947.

LUI, toujours immobile. - Bon, un colis. (soupir, mains sur les hanches. Il pivote pour jeter un coup d'oeil sur les colis derrière lui). Bon. Je vais aller voir derrière.

Et, très lentement, avec des petits pas qui font penser qu'il marche en pantoufles, il disparaît derrière une cloison, bras tombants, dos voûté. Un jour, j'ai dû lui demander de regarder deux fois, car au bout de quelques secondes sans avoir trouvé le colis, il était revenu me dire qu'il devait être dans une autre poste. Finalement, il s'était avéré que ledit colis était posé par terre.

Est-il doué de conscience? Porte-t-il en lui la flamme de la vie, l'enthousiasme de l'existence, l'étincelle qui fait de lui un homme plus qu'un automate? Est-ce là l'homme victorieux, l'homme qui repousse les limites de son état pour comprendre la nature et le monde qui l'entoure? Il va au-delà du concept philosophique de zombie, car à vrai dire rien ne le distinguerait d'une machine, si ce n'est qu'une machine serait plus rapide. Rien dans son visage n'indique la compréhension, l'empathie pour le client qui vient de se taper une heure d'attente dans le froid, le désir d'être efficace pour se prouver au moins à soi-même qu'on peut l'être. Il semble incapable de passions, du curiosité, ou même d'intérêt pour quoi que ce soit. Rien ne brille dans ses yeux.

J'ai eu mon colis, mais à quel prix?

Morano et rhétorique.

J'aimerais prendre des vacances, mais on ne me laisse pas, et encore, mes listes de choses indignes que disent et font nos ministres sont loin d'être exhaustives. Pendant que Martine Aubry, toute seule dans son coin, crie déjà à la victoire totale aux régionales, même, pouffons un peu, en Alsace, alors que Ségolène Royale, en mal de lumières, la critique à chaque occasion, la droite continue son petit bonhomme de chemin à se ridiculiser en lançant des énormités.

Il y a d'abord Rachida Dati, qui adore les médias et que l'on parle d'elle, mais qui parfois, en oublie ses micros. Elle trouve très contraignant qu'à Strasbourg, un député soit obligé d'être présent, parce que dans le cas contraire cela se sait. Que ses électeurs se réjouissent qu'elle prenne tant à coeur le mandat législatif qu'ils lui ont remis entre les mains.

Ensuite, Nadine Morano, dans une soirée en hommage à Barrès, raconte que "le jeune musulman" doit mettre sa casquette et ses mots à l'endroit. Scandale dans les médias, on ne parle pas ainsi par clichés niais. Par contre, je n'ai vu personne être scandalisé qu'une ministre de la République assiste à une soirée rendant hommage à l'un des fondateurs de la pensée d'extrême-droite française, sous couvert de débat sur l'identité nationale. Mme le ministre de la Famille, quelles belles valeurs pour nos enfants. Aucun média n'a trouvé étrange que le lendemain de la déclaration d'Hortefeux de créer un préfet spécial pour lutter contre l'antisémitisme, Nadine Morano rende hommage à un homme qui était antidreyfusard jusqu'au bout ("Que Dreyfus ait trahi, je le conclus de sa race"). Même le FN n'ose pas ressortir ce type de personnages. Et pourtant, personne ne s'émeut. Il faut dire que Barrès a théorisé le Français avec un F majuscule comme l'UMP le verrait bien: génétiquement différent, à part, de tous les autres peuples, d'une essence unique, façonnée par les siècles. C'est vrai, c'est une bonne idée que remettre à la mode les théories nationalistes du début du XXie, à l'époque cela n'a fait de mal à personne.

Quant à sa harrangue du "jeune musulman", elle est révélatrice de l'état d'esprit de la ministre. Ce n'est pas tant le cliché du musulman qui parle en verlan ou qui met sa casquette à l'envers qui est important, bien qu'évidemment cela trahisse un communautarisme primaire: lui, le musulman, outre s'être trompé de Dieu, ne parle pas comme nous, ne s'habille pas comme nous. C'est un Autre. Bien sûr, le lien insolite entre casquette, verlan et religion émane de l'esprit confus de la ministre, mais le message sous-jacent est révélateur.

Mais ce qui est le plus parlant, c'est l'utilisation du singulier, "le jeune musulman". Ce procédé qui nie aux musulmans le droit à la diversité de vues, d'opinions, d'attitudes, puisqu'ils sont tellement tous les mêmes qu'on peut parler d'eux comme un seul homme, montre toute l'estime que Mme Morano a de ses concitoyens mulsumans. C'est le procédé de base de tout rejet de l'autre: au lieu de parler d'êtres en tant qu'hommes et femmes, on les groupe dans une catégorie arbitraire (juif, arabe, musulman, jeune, patron, etc) que l'on considère comme uniforme, de telle façon à ce qu'avec un exemple caricatural on puisse déduire des lois générales de l'ignominie présumée de la catégorie choisie. C'est bien sûr un raisonnement logique erronné, et cela on le sait depuis la Grèce Antique, c'est le spectre du syllogisme abusif:
  • J'ai vu M. Grobeuge voler une pomme
  • M. Grobeuge a une moustache.
  • Tous les moustachus sont des voleurs.
Après, il devient inutile de considérer les moustachus comme des personnes à part entière, mais comme un archétype, le moustachu, qui recouvre parfaitement toute la population qui compose la catégorie.

La déclaration de Nadine Morano peut donc être vue comme de la malhonnêteté intellectuelle et/ou comme de la bêtise. Je ne me prononcerai pas sur le dosage des deux quantités.

Bon, sinon, pour rigoler encore, les jeunes de l'UMP ont récemment sorti une sorte de clip musical, sans avoir l'autorisation des auteurs. Cela, évidemment, s'appelle du piratage, ils n'ont pas dû bien lire la loi Hadopi. C'est de la récidive, car déjà l'UMP a dû verser 30000€ au groupe MGMT cette année pour la même chose. Ils avaient bien proposé un euro symbolique de réparation, mais le groupe a été intransigeant. Oui, ce sont les mêmes qui ont voté une amende de 1500€ (sans compter les éventuelles poursuites pénales avec peines de prison) pour les malfrats qui téléchargeraient une chanson de Garou.

Vivement, vivement les régionales, parce qu'après, Lefebvre est pressenti pour être ministre de la communication. Je devrai probablement faire plusieurs articles par jour.

Estrosi gagne un point Godwin.

Un point Godwin, dans la parlure Internet, c'est une récompense décernée à un des participants à un débat quelconque qui, à court d'arguments et en désespoir de cause, associe la position de son interlocuteur à l'idéologie nazie.


L'heureux élu se trouve alors l'heureux possesseur d'un point.

M. Estrosi a bien mérité son point. Dans cette truculente vidéo, le ministre nous parle du débat sur l'identité nationale. D'après lui, si l'Allemagne des années 30 avait eu un débat sur l'identité nationale, la Seconde Guerre mondiale aurait été évitée. On en déduit en cascade:
  • Il est erroné de considérer que ce débat n'existe qu'à des fins électoraliste pour rameuter sous la houlette UMP les anciens FN, car au contraire c'est un débat anti-nationaliste,
  • A la vérité ceux qui sont contre ce débat auraient aidé les nazis en une autre époque,
  • Sarkozy est peut-être en train de désamorcer à l'avance la Troisième Guerre mondiale.
On apprend entre autres que l'Allemagne des années 30 avait complètement oublié la question de la nation, qui leur est passé vraiment par-dessus la tête. Si seulement les Allemands avaient plus parlé de leur peuple, de leur histoire, de leurs frères derrière d'autres frontières, des éléments indésirables au sein de leur population... C'était un coup à ringardiser direct Hitler, foi d'Estrosi. Une occasion manquée. D'ailleurs si un scientifique français, bénéficiant des immenses investissements dans la recherche de la France, inventait une machine à remonter le temps, il serait inutile de l'utiliser pour chercher à assassiner Hitler: il suffirait qu'il retourne proposer à nos amis outre-Rhin de vraiment réfléchir à leur identité nationale.

Pendant qu'Estrosi nous démontre l'étendue de ses capacités mentales, de l'autre côté, les militants locaux PS votent à écrasante majorité pour que Georges Frêche, l'ami des Harkis, soit en tête de liste aux régionales.

Sois sans crainte, lecteur, maintenant que la petite-fille de Le Pen se lance en politique, dans les régionales en Yvelines, elle pourra peut-être tempérer un peu toutes ces choses dégoûtantes.

Le marathon de l'UMP.

En voilà un beau moment que ce modeste blog n'a pas été mis à jour. Je blâme tous les autres à ma place. Pourtant, quelle fête, ces dernières semaines! Quelles explosions médiatiques! Le monde politique semble décidé à rivaliser avec Hollywood et TF1 pour divertir les masses. Par monde politique bien sûr, je ne parle pas de la gauche, qui doit sûrement être en vacances. Mais la droite nous reste, et quelle droite! Une droite bien française, que l'on pourrait incorporer dans le concept vaporeux d'identité nationale (j'y reviens) tant elle nous est propre, et que personne d'autre au monde ne voudrait, sauf peut-être les italiens.
Je ne résiste pas à faire une petite liste récapitulative des dernières semaines:

  • Hadopi2 est voté, la Culture Française est sauvée! Mais ce n'est pas fini, le Ministère de la Culture travaille sur des dispositions pour favoriser positivement le téléchargement légal. Parce qu'Hadopi, c'est de la pédagogie, paraît-il, avec des amendes de 1500€ et des peines de prison pédagogiques. C'est les 30% de faux positifs garantis qui vont en apprendre des choses. Malheureusement, le budget de l'année prochaine ne prévoit que 5,3 millions d'euros pour l'Hadopi, alors que les transformations massives des réseaux impliqués par la loi auraient demandé 100millions du contribuable. Qu'à cela ne tienne, il faut penser au téléchargement légal, à promouvoir absolument. C'est le Luxembourg qui va être content, parce que c'est là que sont établies les plateformes légales pour des raisons fiscales, malgré les adresses finissant en 'fr'. Mais l'UMP a l'esprit européen.

  • Le ministre de la Culture pris dans la tourmente médiatique! On l'accuse d'être un touriste sexuel, lui explique qu'on lui en veut pour son homosexualité, que tout ce qu'il a fait c'est aller aux prostitués quadragénaires alors qu'il faisait du tourisme en Thaïlande. C'est différent. Télécharger une chanson de son groupe préféré que l'on va aller voir en concert, c'est punissable par la loi et condamnable moralement. Profiter de la misère des pays pauvres pour en soutirer des faveurs sexuelles, une erreur sans doute, un crime non, une faute même pas.

  • Hortefeux est filmé en train de faire une blague raciste. On a le droit de faire des blagues racistes. C'est drôle, quand on a bien convenu entre nous que c'est du second degré. Quand on est ministre de l'intérieur et qu'on se félicite régulièrement du nombre exponentiel d'expulsions d'étrangers, le second degré est largement moins évident que si c'était disons Stéphane Guillon qui avait fait la blague, et ça met l'homme en perspective. Alors, la machine à communication du gouvernement s'emballe, avec l'appui précieux du crétinissime Frédéric Lefebvre, et plusieurs explications bancales se suivent: Hortefeux ne parlait pas des arabes, mais de 'clichés', puis après on a dit que ce n'était pas les clichés, mais les 'auvergnats'. On a vite trouvé le véritable coupable, le responsable ultime de la confusion: Internet. Tout le monde monte au créneau: quoi, Internet n'est pas censurable! Une information, un film tourné en public pendant une manifestation officielle de l'UMP peut se retrouver à disposition de tous, sans possibilité de couper le robinet! Quel scandale honteux! vivement Hadopi, que l'on puisse déconnecter au moins les plus gênants. Le discours est alors unanime, de Lefebvre à Copé en passant bien sûr par Hortefeux: il faut pouvoir contrôler Internet, le censurer, frapper d'un sceau d'approbation gouvernemental tout ce qui y circule. Un espace de liberté et d'échanges, non bridé par la censure, est une menace à la démocratie et à la politique. Chacun apporte sa petite pierre à un discours charmant d'anachronisme et d'autoritarisme.

  • Internet, encore lui! Alors qu'on allait tranquillement refiler une bonne planque au fiston, voilà donc que les citoyens lambda ont fait mousser l'ascension étrangement rapide de Jean Sarkozy, au point que les médias nationaux se sont sentis obligés de ressortir eux aussi l'affaire. Comme si quand on a 23 ans et un diplôme Bac+0 on ne pouvait pas gérer le plus grand quartier d'affaire d'Europe! Quel espoir, pour les jeunes des banlieues, de voir que sans faire d'études, sans qualifications, sans avoir travaillé, on peut se retrouver comme ça, à la tête d'une machine aussi énorme. L'ascenseur social, en plein essor. Jeannot, pour l'occasion, avait coupé ses cheveux et avait mis des lunettes, pour faire moins tête à claques, mais, malheureusement, il donnait plutôt l'impression d'avoir 12 ans. Tout l'UMP, tout le gouvernement, comme un seul homme, se dresse pour sauver le dauphin: on le compare aux généraux de la Révolution, très jeunes, et c'est vrai que ce n'est pas de la faute de Jean si au lieu de remporter des batailles et de retourner l'Histoire il est juste le fils de son père. Ce dernier, sans pouffer, le jour même, fait un discours aux directeurs des lycées pour leur expliquer que seule la méritocratie compte depuis la Révolution, que le temps des privilèges est révolu. Je crois que c'est Luc Chatel qui a dénoncé le mauvais procès de 'sale nom', et a fait le parallèle avec la discrimination raciale. Je ne vais pas faire la liste complète de toutes les choses tout aussi indignes et honteuses qui ont été vomies dans les médias, ce serait trop long. Enfin, le sourire de mépris total toujours au coin de la bouche, Jean, sermonné par papa, a fini par reculer face à la colère des français, se contentant, comme un misérable, de n'être *que* administrateur de l'EPAD. Evidemment, en bonne tradition de l'UMP, face à l'indignation, Jean se pose en victime: s'il ne s'appelait pas Sarkozy, il aurait été pour lui beaucoup plus facile d'être président de l'EPAD.

  • Le dimanche suivant, David Douillet est élu député. C'est vrai que lorsque l'on pense à la rédaction et la réflexion sur le droit, aux évolutions juridiques à apporter, à la complexité de la loi, la première chose que l'on se dit, c'est: il faut absolument qu'un sportif de haut niveau s'en occupe, le genre qui n'a fait pas d'études pour gagner des médailles en renversant des gens sur un tapis. Et quelqu'un de moderne avec cela: dans ses autobiographies, il explique qu'il trouve anormal et contre nature que les femmes travaillent, et qu'il est normal, par contre, d'être misogyne, sauf pour les 'tapettes', bien entendu. C'est des gens comme cela qu'il nous faut pour écrire la loi, pour donner un cadre sain à la société.

  • Après, un petit détail qui a fait somme toute peu de bruit, la révélation du coût de l'installation temporaire d'une douche grand luxe pour Sarkozy, au Grand Palais, à 100m de l'Elysée, pour une réunion de quelques heures: plus de 245 000€. De quoi faire rêver les smicards. C'est l'infatigable député Dosière, un des cinq députés à être transparent sur la gestion de ses dépenses professionnelles, qui révèle la chose. A l'UMP, on lui prête à cette occasion une 'malhonnêteté intellectuelle' ainsi qu'un 'antiparlementarisme primaire'. Non, moi non plus, je ne comprends pas.

  • Ensuite, il y a eu un petit creux, et Hortefeux s'est senti obligé de le combler en parlant d'instaurer un couvre-feu pour les mineurs. Bien sûr, un policier peut déjà ramener chez lui un mineur le soir, mais il fallait bien lancer une petite polémique gratuite et crétine pour rassembler l'électorat de droite qui commence malgré tout à s'y perdre.

  • Pour continuer dans la voie, et pour faire oublier que la France a expulsé des afghans pour les ramener dans un pays en guerre qu'ils avaient fui (et où la France a même des opérations militaires qui essuie des pertes) où les attentats, assassinats et rapts sont monnaie courante, Eric Besson a alors lancé le grand débat sur l'Identité Nationale. Qu'est-ce que l'identité nationale? Ces deux jolis mots, popularisés par Le Pen dans les années 80, ont l'avantage de ne rien vouloir dire de particulier. Ou plutôt tout: à entendre Lefebvre et les ministres, tout ce qui peut arranger la droite fait partie de l'identité nationale. S'agit-il de définir l'essence éternelle de la nation, ce qui fait qu'un français est dans l'absolu une créature distincte fondamentalement d'un allemand ou d'un anglais? Faut-il définir plutôt ce qui n'est pas français pour en déduire ce qu'est être français? S'agit-il de la culture, de l'organisation politique et sociale? Et quand bien même, qu'y a-t-il à débattre? On nous enjoint à faire un grand débat, mais il n'y a surtout ni cadre défini ni enjeux. Ca fait des belles unes de journaux, les journalistes ne parlent que de ça et oublient de rappeler des choses comme la situation économique et sociale, l'envolée des dépenses, les déficits et ce genre de choses désagréables. Il me tarde d'avoir les résultats du débat, pour savoir comment je dois changer pour accorder mon état de français à ce qu'aura défini le gouvernement. Mais ça fait plaisir à l'aile droite-droite du parti, qui a sans doute déjà eu chaud au coeur de voir de Villiers incorporé à la belle machine UMP. Il faut bien aller râcler la fange de l'extrème-droite, si ça peut aider pour les régionales.

  • C'est une tellement jolie opération, que les voix discordantes sont désagréables. Eric Raoult, député-maire UMP, trouve que les lauréats du prix Goncourt devraient avoir un 'devoir de réserve' concernant la personne du président. C'est le spectre du contrôle de l'information et des gens, déjà vu plus tôt avec Internet, mais aussi avec l'idée aberrante d'installer de plus en plus de caméras dans les villes (Hortefeux devrait aller voir en Angleterre la coûteuse inefficacité du dispositif, outre les aspects de vie privée); cette fois-ci, ce sont les écrivains qui sont visés. Le Ministre de la Culture, lui-même écrivain, va voler au secours des artistes et de leur liberté d'expression. Ah non, pardon, je l'ai confondu avec un homme de principes. Il a juste dit qu'il ne voulait pas intervenir. Beau défenseur des lettres!

  • Enfin, c'est tout neuf aussi, le débat sur l'homoparentalité fait ressortir la droite sur ses grands chevaux moralisateurs. Les parents, avant d'être des gens qui aiment leurs enfants, doivent surtout posséder des parties génitales différentes: sans cela, apparemment, la jeunesse perd tous ses repères, et va droit à l'égoût. Pour Xavier Bertrand, avoir un père et une mère, c'est un droit de l'enfant. Désolé, petit Paul, tu vas devoir rester seul à l'orphelinat, parce que le couple qui voulait t'accueillir et t'aimer a la particularité physique d'être du même sexe. Mieux vaut pas de parent, que deux qui se ressemblent trop. Mieux vaut pas d'amour, que de l'amour de gens qui ne correspondant pas au schéma propre à notre identité nationale. Tu nous remercieras plus tard.
Bon, maintenant il ne reste plus qu'à attendre que Pasqua balance tout sur l'ère Chirac/Balladur avec derrière Villepin/Sarkozy, pour avoir la suite du spectacle. Quoique, il commence à se faire vieux le Charles. Un accident est bien vite arrivé.

Des gens raisonnables.

Voilà un moment que je n'avais pas parlé d'Hadopi, dont la seconde mouture va être votée le 15 septembre. La solution à tous les maux? Non, ça ne fait pas encore assez plaisir à l'industrie (on ne demande pas l'avis des artistes de toute façon), alors ensuite, on va repartir sur un Hadopi 3: le ministère de la culture a déja lancé une commission pour une autre loi, présidée par le patron de la maison de disques de Carla Bruni. Les copains, toujours les copains.
L'industrie de la musique, donc, n'est pas contente. Les ventes de CDs sont en chute libre, ce qui paraît évident vu que tout le monde écoute de la musique sous format numérique. La cause officielle? Ces sales pirates, bien entendu. Soit dit en passant, ces pirates sont apparemment exclusivement mélomanes vu que la fréquentation des salles de cinéma, par exemple, a bondi de 56% cet été, sans Hadopi.
Alors, chez les majors, on fulmine, les marges ne sont plus aussi énormes que dans les années précédentes, malgré l'envolée des ventes de mp3 qui ne coûtent rien (pour eux) mais si cher (pour nous). Déjà, il y a quelques moins, Maxime Le Forestier avait traité les anti-Hadopi de pétainistes. (Du coup, Maxime joue à la Fête de l'Huma ce week-end, où il ne risque pas de rencontrer des gens qui sont pour le partage de la culture, ces fachos.) Alors, il fallait filer la métaphore. Christophe Lameignère, patron de Sony France et président du Syndicat National de l'Edition Phonographique, a vaillamment déclaré que « ces gens-là, ils auraient vendu du beurre aux Allemands pendant la guerre ». Et quand certains citoyens veulent savoir quels députés vont voter pour la loi, en tant que représentants de la nation , « ils proposent de faire le outing des députés qui vont voter cette loi, vous vous rendez compte ? Ils dénoncent ! Ce sont des gens qui sont dans le principe de la dénonciation. Et je pense qu'il faut le dire, il faut le dire qu'on ne peut pas avoir confiance dans des gens qui dénoncent. » C'est tellement beau, je ne savais même pas que le concept d'assimiler désir de transparence démocratique et délation par des collabos pouvait exister. Cependant, en prenant un sens plus raisonnable de "dénoncer", on ne peut dénoncer que ce qui est honteux ou scandaleux, en cela il n'a pas tout à fait tort.
En termes geek, cela s'appelle gagner un point Godwin: dans un débat, le premier qui compare son adversaire aux nazis (ou assimilables) perd. La loi de Godwin stipule qu'un débat sur internet qui s'éternise voit la probabilité de la distribution d'un point Godwin tendre vers 1. Un autre petit nom est celui de l'argument fallacieux ad Hitlerium.
En tous cas, si son discours ne donne pas envie aux Français de se ruer pour acheter des disques, pour lui faire plaisir, je ne sais pas ce qu'il faut, la cause est perdue. Le monsieur n'a pas du bien lire toutes les études qui montrent que les gens qui piratent le plus sont ceux qui dépensent le plus en produits culturels...

Respirons. Pendant que l'industrie du disque meurt interminablement, et avec si peu de grâce, d'autres gens essaient de trouver des pistes, des solutions possibles. Mardi dernier, a été fondée la SARD, Société d'Acceptation et de Répartition des Dons. Le principe est simple: c'est un organisme indépendant qui peut accepter des dons destinés à des artistes. Cela peut permettre à des particuliers de donner quelques euros par ci par là à des artistes distribuant gratuitement leurs oeuvres sous licence Creative Commons, par exemple, mais aussi à tout artiste (même signé sur un label) qui voudra bien s'inscrire. Après tout, donner à l'artiste 3€ directement lui remplit plus les poches qui si l'on achète son CD 20€.

RMS, qui sait très bien rester flou ou fermer les yeux quand je le prends en photo.

Le concept de SARD met partiellement en oeuvre le concept de Mécénat Global, qui permet à tout un chacun d'encourager les créateurs et de spécifier vers qui se dirigent ses dons. Au lieu d'une loi de répression, de présumé coupable, de surveillance généralisée des réseaux, Richard Stallman,alias RMS, qui tenait une conférence après la création de la SARD, propose des contributions volontaires, constructives, justes. En plus, avec son air sympathique de hamster jovial, et son français enthousiaste, il est difficile de ne pas se laisser entraîner par le propos.
Certains se diront, mais pour faire de la musique, il faut de l'argent, une grosse industrie qui prend en charge les coûts énormes de production, fabrication, promotion, etc. C'est ce qu'on disait des logiciels il y a quelques années, et pourtant Stallman a réussi à lancer le mouvement des logiciels libres. Contre une logique de licences propriétaires coûteuses de logiciels que l'on nous cède temporairement le droit d'utiliser, sans savoir comment le produit marche, ce qu'il fait réellement et n'ayant pas le droit de le partager (Microsoft & Apple), le logiciel libre replace l'utilisateur et le développeur au centre, appelant à la contribution de chacun, dans une clarté totale de principe, dans une liberté totale de partager, modifier, copier, et d'utiliser comme bon nous semble. Le succès le plus flagrant est le noyau Linux, qui fait tourner la machine qui héberge ce blog, qui fait tourner mon ordinateur, qui fait tourner ma Freebox qui me connecte à Internet, et qui fait même fonctionner mon téléphone.
Il est donc possible de construire quelque chose de solide en ne se basant que sur la bonne volonté des gens. Bien sûr, ensuite, les entreprises se rendent compte qu'elles y trouvent leur compte. Des gens comme Radiohead ou Nine Inch Nails ont montré que non seulement c'était faisable pour la musique, mais que ça peut également être très rentable. Au lieu d'assister à tout prix une industrie du disque mourante à juste titre, le gouvernement serait plus avisé de trouver des pistes permettant de généraliser ce type de processus qui, contrairement à la loi Hadopi, bénéficie réellement aux artistes.

Un peu de littérature que diable VI.

C'est reparti.

29. The Prestige, Christopher Priest
Comme la couverture le rappelle subtilement, c'est le livre qui est à l'origine du flim du même nom, que j'avais aimé pour plusieurs raisons. Il s'agit de la rivalité viscérale entre deux magiciens qui s'ingénient à détruire mutuellement leurs numéros, jusqu'à ce que l'un d'eux mette au point un numéro que personne n'explique. La rivalité prend alors des dimensions steampunkesques avec l'intervention de Tesla, et l'obsession de destruction mutuelle prend alors des proportions maladives. La fin est chouette aussi. Le livre est cependant en dessous du flim parce que Christian Bale ne peut pas jouer dans le livre.


30. Spin, Robert Charles Wilson
Revoilà de la bonne SF, mal desservie par son résumé: un jour, soudainement, la Terre est englobée dans une sorte de membrane opaque qui l'isole totalement du reste de l'univers. Si la couverture n'avait pas mentionné le gain d'un Hugo Award, comme le chef d'oeuvre Tous à Zanzibar de John Brunner, j'aurais passé mon chemin car l'idée de départ fait un peu ringard. Pourtant, la force du roman est dans les relations compliquées entre le narrateur et deux jumeaux qui sont comme le reste du monde obnubilés par ce qui arrive à la planète, et qui réagissent à l'opposé. Vers la fin du livre, le côté SF ressort par-dessus l'aspect psychologique qui domine l'histoire, avec entre autres la biologie évolutive d'entités froides vivant sur d'immenses distances dans l'espace.


31. La Confession d'un enfant du siècle, Alfred de Musset
Je crois que j'ai toujours cru avoir déjà lu Musset, alors que manifestement non. Ce roman témoigne, comme les oeuvres romanesques de Benjamin Constant (voir plus bas), que certaines époques se prêtent plus à des sentiments violents et compliqués, ou plus à les glorifier ou du moins à les exposer viscéralement. L'histoire, la passion (avec un P majuscule et un accent circonflexe sur le a) se bousculent en se mélangeant avec une certaine indifférence paradoxale. On ressort de ce déchaînement un peu vidé, comme si on venait de perdre quelque chose.

32. As I lay dying, William Faulkner
Si j'avais compté sur Faulkner pour me remonter le moral, je me fourrais le doigt dans l'oeil. C'est un plongeon noir dans le calvaire cru d'une famille de paysans américains qui transportent le corps de la mère décédée dans une ville qui leur semble lointaine. Les rouages violents et rouillés des relations entre les personnages ressortent dans les non-dits, dans les postures, et cassent parfois. Les dernières pages donnent envie de donner des coups de poings à Faulkner et à son personnage du père.


33. Adolphe, Benjamin Constant
Benjamin Constant est un personnage que l'on retrouve un peu partout à son époque. Il arpente les salons, se mêle de politique. Et puis, aussi, il écrit, mais toujours de manière autobiographique. Il est très facile de l'imaginer, droit, dans les salons à la mode, déclamant ces lignes d'un air faussement modeste et ingénu à un parterre de femmes captivées. Rongé par l'ennui d'une vie bourgeoise et oisive, Constant se lance à l'aventure, parcourant l'Europe poussé uniquement par sa soif de conquêtes. Son existence n'est qu'une succession de passions violentes et obsessionnelles qui retombent instantanément une fois sa cible vaincue. C'est un éternel insatisfait, capable des emportements les plus passionnés et de la froideur la plus cruelle une fois ses objectifs atteints. Il n'y a pas forcément méchanceté, ni planification, on sent juste quelqu'un qui a le luxe de faire selon son bon vouloir, et qui le fait sans considération pour autrui. Ce narcissisme qui pointe à travers le livre est décrit avec une sincérité qui semble totale, presque dérangeante. On aimerait le détester, mais ce n'est pas si facile.

Nos maitres Google.

Je suis un assez vieux con pour avoir connu Internet avant que Google n'existe. A l'époque, j'avais une connexion du feu de Dieu qui prenait le téléphone pour uploader mais le cable pour downloader, les CDs d'AOL submergeaient la planète, et la production de Duke Nukem Forever allait bientôt commencer. J'écoutais Blur et Oasis, et j'étais assez naïf pour croire que c'était Oasis qui allait gagner. Exilé, je commençais, timidement, à utiliser Napster pour pouvoir écouter de la chanson française. J'encodais mes disques en mp3 à 128kbps, en ayant des sueurs froides à l'idée de la place qu'ils prenaient sur mon disque dur de 700Mo.

Les poids lourds d'Internet s'appelaient AOL et Microsoft. La télévision regorgeaient de publicité pour Lycos ou Yahoo. Les blogs n'existaient pas, mais les pages personnelles Geocities, avec leurs couleurs vives et leurs gifs animés ringards, débordaient de tout leur mauvais goût sur les nouvelles voies de l'information. Les sites étaient conçus par des pionniers qui n'avaient aucun sens de l'esthétique et qui codaient comme des chaussettes. Internet, à cette époque, était gras, surchargé, aggressif, brouillon.

Et puis une des innombrables nouvelles entreprises est venue dans ce fouillis, avec comme interface principale une page blanche, avec un unique champ de recherche au milieu. Net, dépouillé. Au-dessus, un nom tout rond qui ressemble à un mot d'enfant. Google était sobre et faisait des recherches pertinentes. Les gens ont commencé à l'utiliser.

Maintenant, ce sont nos maîtres. "Google" est devenu un verbe en américain. Petit à petit, service par service, ils ont rongé les marchés des concurrents, avec toujours la même efficacité, et la même sobriété. Ils détiennent probablement plus d'informations personnelles que la plupart des gouvernements. A intégrer tous leurs services, ils peuvent reconstituer des vies entières. Ils hébergent au même endroit courriels, flux rss, documents, blogs, historiques de recherche, etc, jusqu'à la position des personnes par GPS. Ils peuvent savoir ce que disent les gens, ce qui les intéresse, ce qu'ils cherchent, ce qu'ils veulent, ce qu'ils pensent, où ils sont.

Pourtant, contrairement à Microsoft, qui s'est répandu par la force, et Apple, qui a trouvé sa niche par une alliance originale d'innovation, de marketing et de fermeture totale de ses produits, Google a par comparaison toujours joué l'ouverture et la clarté, avec toujours plus de services gratuits et réutilisables à loisir. Alors, naturellement, ils se répandent toujours plus dans tous les recoins d'Internet, en inventant de nouveaux quand le besoin se fait sentir. On fait confiance à Google, nos bienveillants dictateurs, là où pour toute autre entreprise ou gouvernement, on aurait crié au scandale.

Aussi, pour compléter mon statut d'homme googlifié, j'ai troqué mon téléphone pour un splendide HTC Magic incorporant la plateforme Android. Android, c'est du Linux, avec tout plein de Google scotché dessus. Le résultat est un petit ordinateur portable, tacticle, qui tient dans la main, constamment connecté à Internet, et qui accessoirement permet d'émettre et de recevoir des appels. C'est une fenêtre qui donne spécialement le regard sur tout l'univers Google, mais aussi sur le reste. Google Mail/Talk/Reader/Maps/Agenda/Docs/Blogger/Picasa toujours sous le pouce. L'appareil photo se tranforme en lecteur de code barre pour chercher si un produit n'est pas moins cher sur internet. Le GPS lié à Google Maps et Street View fait que se perdre quelque part relève de la mauvaise volonté. Le téléphone, vu directement comme une clé USB sous Linux. Des bureaux virtuels sur le téléphone. La connectivité Wi-Fi à toutes les box SFR et Free (et appels vers les fixes en France illimités en profitant du serveur SIP de Free, d'ailleurs). Un client SSH pour me connecter à mon serveur, un client pour vérifier ce que fait mon serveur rtorrent, ou pour donner un fichier nzb à manger à Sabnzb+. Une application pour changer automatiquement la sonnerie, par exemple, suivant la zone géographique où l'on se trouve. La télé sur le téléphone pour regarder le Tour de France même aux toilettes. Un répertoire d'applications qui ne cesse d'agrandir, et même, joie suprême, la possibilité d'écrire ses propres scripts Python pour contrôler le téléphone.

Moi, homo googlius, suis maintenant en permanence connecté, libre de faire ce que je veux et pourtant remettant mes données aux mains de tiers. Allez, encore quelques décennies et on arrivera enfin aux implants neuronaux à la Peter F. Hamilton, avec du Google Ads dedans.

Hadopi, suite et espérons fin.

Ca y est, le conseil constitutionnel a rejeté le principe de sanction administrative conduisant à la coupure d'internet, au nom de la liberté d'information et du respect de la présomption d'innocence. Qui eut cru que la volonté de Sarkozy de faire plaisir à ses amis pouvait se heurter à quelque chose d'aussi banal que la constitution?

Hadopi n'aura donc pour seul pouvoir et utilité que d'envoyer des mails.

Albanel, qui a oublié qu'elle avait promis sa démission si la loi ne passait pas, s'acharne à vouloir faire passer sa créature, même si elle est déjà morte. Quitte, ensuite, à l'amender pour que la coupure d'accès à internet soit prononcée par un juge.

Sachant qu'elle a promis 1000 déconnexions par jour, les juges, qui s'ennuient, vont applaudir l'idée. Surtout que dès le premier procès tout avocat digne de ce nom n'aura qu'à soulever que l'adresse IP est falsifiable, et après tout le monde pourra rentrer chez soi.

En attendant un gouvernement qui saura enfin pondre une loi qui fait entrer l'accès à la culture dans le XXIe siècle, au lieu d'essayer péniblement de faire durer les habitudes révolues du XXe, chacun peut déjà ajouter un filtre envoyer directement tout mail reçu de *@hadopi.fr à la poubelle.