Hadopi, les débats

L'assemblée nationale diffuse en direct, en streaming, les débats sur la loi dite Hadopi.

C'est le spectacle le plus désolant que j'aie vu depuis longtemps. Il semble que les rares députés de la droite (hormis le courageux Tardy), ainsi que le rapporter Riester et la ministre Albanel, vivent dans une réalité alternative, où Internet est contrôlable à volonté, où les mesures techniques sont toutes réalisables, et où le bon sens est une théorie qui fait pouffer, et où la culture, ce n'est pas les artistes, mais les épiciers qui vendent leurs oeuvres.

Pépite vue toute à l'heure, pendant la discussion d'un amendement (évidemment rejeté) de la gauche qui visait à forcer l'Hadopi, avant de banir d'Internet un quidam, de vérifier auprès des auteurs de l'oeuvre piratée qu'ils ne l'ont pas distribuée libre de droit. Albanel: "Mais vous n'y pensez pas? Vous réalisez à quel point ça serait compliqué si pour chaque décision il fallait vérifier que les ayants-droits n'ont pas cédé leurs droits?"

Donc on peut se faire jeter d'Internet, parce que vraiment c'est trop compliqué de regarder s'il y a réellement matière à se faire jeter d'Internet. Le téléchargement est illégal du moment où il ne vient pas de fnac.com. Tant pis pour les artistes qui proposent leur musique gratuitement sur leur site...

Déjà, hier soir, c'était rigolo. L'assemblée et le gouvernement ont rejeté des amendements visant à assurer la représentation des internautes dans la comission Hadopi, et même rejeté qu'un membre de la CNIL soit nommé. Ils ont ensuite ignoré toutes les remarques de la gauche et de Tardy sur les impossibilités techniques des écoutes électroniques prévues par la loi et sur la nécessité d'avoir un juge dans la boucle.

Mais bon, la loi va passer. Nous allons pouvoir bientôt nous faire jeter d'Internet, sans décision de la justice, et sans même savoir exactement ce qui nous est reproché. Le délit? Défaut de sécurisation de ligne Internet. Quand on pense que même les ministères abandonnent le WiFi car leurs services techniques n'arrivent pas à le sécuriser totalement, bonne chance M. et Mme Toutlemonde!

Ce qui ressort de plus frappant dans ces débats qui n'en sont pas --- la gauche essaie d'expliquer l'impossibilité et les dangers de la proposition de loi, et la droite ne répond pas --- c'est d'après les réflexions de la ministre son inconcevable incompétence technique. Sa solution contre le cryptage des réseaux pirates? Un "contre-logiciel"! C'est si simple, il suffisait d'y penser, contrairement à ces blaireaux de la lutte anti-terroriste qui mettent des semaines à casser un cryptage, s'ils y arrivent!

En tous cas, merci messieurs Bloche et Paul pour vous être penchés sur la question et être au moins au courant de ce qui est possible ou non techniquement.

Allez, une dernière blague: les députés viennent d'adopter un amendement pour instaurer une discrimination positive de certains sites dits de téléchargement légal dans les moteurs de recherche! Allô Google, en Californie? Montez la FNAC dans vos recherches, brisez la neutralité d'Internet parce que le gouvernement français sait mieux que le peuple ce qu'il doit savoir et quel site il doit visiter! Allez Microsoft, Yahoo, Excite, Baidu, même chose! Ils sont désagréables, tous ces gens, d'être à l'étranger.

C'est incroyable de voir quels principes sont cassés pour le seul compte d'une industrie des médias qui refuse de se moderniser, qu'est-ce qu'on va prendre quand il s'agira de voter sur une loi sur la sécurité ou le terrorisme!

Les débats reprennent à 21h30. Je ne sais pas si j'aurai le courage de regarder autant de mauvaise foi, d'ignorance inexcusable, et de volonté incompréhensible de contourner l'état de droit.

  1. gravatar

    # by Votre Dévouée - 3 avril 2009 à 17:28:00 UTC+1

    Pour la préservation de mon état mental, j'aimerais bien qu'ils arrêtent tous, TOUS! de droite comme de gauche, de voter tous les jours des lois tordues et / ou inapplicables.
    Concernant la loi HADOPI, si le conseil constitutionnel valide ça, je fais Lourdes-St tropez à cloche pied.