Bhoutan, mon ami

Le monde d'aujourd'hui est plus violent et impitoyable que jamais, ce malgré les efforts d'une poignée d'optimistes qui souhaitent établir des règles et des lois régissant les relations internationales. Comme la plupart des bonnes idées occidentales (mis à part le pancake aux éclats de chocolat enrobant une saucisse sur bâtonnet [site du fabricant] et, soit dit en passant, Dieu bénisse l'Amérique), cela remonte à Kant. Ce coloré personnage, ce facétieux philosophe, le penseur de la déconne comme on l'appelait alors, a eu dans l'idée que les relations entre Etats étaient encore régies par la loi du plus fort, alors que la société s'était évertuée à établir un état de droit entre individus. Pourquoi les nations seraient moins civilisées que les personnes les composant? D'où la proposition révolutionnaire du sieur Kant, toujours irréalisée à ce jour: établissons des lois régissant les relations internationales à l'image des lois nationales qui régissent les relations individuelles. Si un homme adulte se fait juger et punir par un tribunal national pour avoir violemment roué de coups un enfant infirme, de même une grande nation militairement développée se servant de sa force pour envahir un autre Etat malingre et chétif, doit être puni et soumis aux règles de la bienséance.
On voit bien là l'idée centrale: établir des lois supra-nationales qui considèrent les Etats comme des individus.

Ce présent article va maintenant s'attacher à présenter le fier pays du Bhoutan. L'introduction élaborée qui précède a pour but principal de préciser plus exactement ce qu'est le Bhoutan: si les pays étaient des individus, le Bhoutan serait un lointain cousin, petit, bossu, illettré, dont personne ne se souvient jamais et qui n'est jamais invité nulle part. Mais heureux.
Le Bhoutan est un minuscule pays coincé entre l'Inde et la Chine comme une noix entre les fesses de Jean-Claude Van Damne, sur un des recoins anguleux de l'Himalaya. Ce pays est une des preuves saisissante que d'être situé sur une poignée de pitons rocheux ne favorise pas le développement économique. Plus de 80% des habitants cultivent la terre, il n'y a pas de chemins de fer, peu de routes goudronnées. Le PNB annuel est de 2,9 milliards de dollars, comme Bill Gates, et les recettes s'élèvent à un peu plus de 100 millions de dollars, ce qui leur permettrait, s'ils savaient gérer correctement leur budget, de construire un peu moins de 500m d'autoroute par an. Officiellement, l'économie bhoutanaise est la 162e du monde, sur 178 (ou 179 si l'on compte la République du Saugeais).
La population est volatile. Suivant les années des recensements, elle fluctue de quelques centaines de milliers d'individus, dans les deux sens. Les derniers chiffres donnent 672 425 bhoutanais et à peu près 1,5 millions d'étrangers, réfugiés des alentours. Je laisse aux partisans lepénistes le plaisir de savourer l'idée d'un pays où les étrangers sont 3 fois plus nombreux que les citoyens, et qui malgré ce handicap flagrant, est d'après une étude d'une université anglaise le 8e pays le plus heureux au monde. L'augmentation du Bonheur National Brut est d'ailleurs un objectif officiel des autorités, lesquelles sont représentées par Jigme Singye Wangchuck, le seul roi boudhiste du monde. La télévision et internet sont autorisés par les autorités depuis 1999, afin d'augmenter le BNB.
En 2008, le pays entrera en mutation pour devenir une démocratie parlementaire, et le roi abdiquera en faveur du prince héritier, son fils aîné (un geste déjà démocratique en soi). Qu'importe, le Bhoutan portera au pouvoir le chef d'Etat au meilleur nom au monde: Dasho Jigme Khesar Namgyal Wangchuck.
En cela, il ajoutera à son bon goût en matière de noms, puisqu'il était déjà détenteur du meilleur nom dans la catégorie devises & monnaies, avec son Ngultrum national. Le Ngultrum vaut 1/57e d'euro, ce qui veut dire que l'on peut aller dans n'importe quel bureau de change porter une pièce de 1 euro et déclarer au guichetier: "Donnez-moi 57 Ngultrums vieille femme!" ou "Donnez-moi 57 Ngultrum mon brave", suivant le guichetier. Malgré cet avantage nominatif certain, il est peu probable de voir un jour le Ngultrum détrôner le dollar américain comme monnaie d'échange internationale.
Fait peu connu: le pays est divisé en quatre dzongdeys, eux-mêmes découpés en dzongkhags (les plus gros étant évidemment subdivisés en dungkhags).

Le Bhoutan est, cela va sans dire, pays d'honneur de la Tourbe Noire, avec le Kyrgyzstan.

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    # by Votre Dévouée - 30 novembre 2006 à 17:26:00 UTC+1

    Moi aussi je regarde le Daily Show, et je doute que l'Inde et la Chine apprécie diplomatiquement être comparées respectivement à la fesse gauche et droite de Jean-Claude Van Damne.