Des séries à tire-larigot

Bien que j'éprouve, je dois bien l'avouer, une certaine forme de mépris pour les blogs (dont l'inutilité n'a d'égale que celle du présent blog) qui s'extasient niaisement sur le programme télé de la veille ("Wentworth Miller il est tro mignon!!!!1" ou "jkiff michel druker"), je vais me laisser aller à exprimer mon intérêt pour un certain nombre de sujets télévisuels. Certes, non pas de la télévision française -- Dieu m'en préserve -- notoirement connue pour sa pauvreté créatrice et son auto-fascination (combien de dizaines d'émissions centrées sur les meilleurs moments d'autres émissions ce mois-ci?). Non. Je parle des séries nous provenant tout droit du pays de la liberté, à condition qu'elles soient expurgées des publicités qui gangrènent le tiers de leur temps de diffusion.

Ceux qui me connaissent sont familiers avec, outre mon charme naturel et la fascination se dégageant de ma personne, mes connaissances avant-gardistes et exhaustives des susmentionnées séries américaines. Force est de constater que tout en semant le chaos diplomatique, militaire et politique à travers le monde, tout en participant plus que de raison aux efforts mondiaux de pollution de la planète, tout en oubliant qu'ils sont petit à petit tous en train de mourir de surnutrition, le tout, en se demandant pourquoi le reste du monde n'a pas pour seule ambition de les imiter de façon totale et absolue; force est de constater que les américains produisent pendant ce temps des séries rudement chouettes, et en cela ils se rachètent totalement à mes yeux.

Inutile de parler de Lost ou de Prison Break, ou des Experts, que le français tolère de regarder parfois entre deux émissions de DeChavanne ou de Patrick Sébastien. Laisse-moi, visiteur, t'entretenir des séries que l'année prochaine, tout le monde de ce côté de l'Atlantique trouvera formidable. Et tu sais bien que si tu es de l'avis général, il y a une petite chance qu'un tiers te méprenne pour quelqu'un de cool.

Je ne vais pas faire une liste complète, parce que c'est inutile, et que c'est comme ça, non mais dis. Je vais cependant évoquer dans ce premier volet des mensonges télévisuels deux séries nouvellement découvertes qui sont toutes deux, dans des styles différents, assez magistralement menées.

La première est Heroes, qui traite de gens qui se découvrent des superpouvoirs (avec la théorie de l'évolution pseudo-scientifique adéquate pour l'accompagner). Normalement, j'attribue ce genre de fantasme américain au revers de leur individualisme forcené, qui les accule à s'imaginer une présence bienveillante plus grande qu'eux, prête à protéger l'Amérique des dangers et des communistes, pour éviter de se souvenir qu'ils se sont tellement isolés les uns des autres que la plupart se sentent forcés d'avoir une arme chez eux pour éjecter le cerveau du voisin de sa cavité crânienne habituelle si celui-ci avait la mauvaise idée de grimper au-dessus de la barrière qui délimite si nettement leur jardin du sien.
Pourtant, dans le cas de cette série, pour l'instant, point de cette morale de bas étage sur comment il faut utiliser son pouvoir pour lutter contre le terrorisme. Tout gravite autour de ces personnes qui se rendent compte petit à petit qu'ils ont un don étrange, avec l'idée qu'une catastrophe va se passer dans quelques semaines et qu'ils peuvent l'empêcher. Un type peint le futur, un autre contrôle l'espace-temps, une est indesctructible, un autre vole, etc. L'approche est cependant nouvelle, et très bien menée. Mention spéciale pour le japonais qui peut se téléporter, et qui m'a fait découvrir le sens de YATTA! : "j'ai réussi".
Cette série, outre d'avoir mon sceau d'approbation, me permet à mon tour de peindre le futur: elle sera diffusée en France l'année prochaine. C'est tout simplement impossible autrement.

La seconde série est d'un autre ordre. Elle suit méticuleusement le quotidien d'un être froid, sans émotions, si incapable d'interactions sociales normales qu'il est obligé de tout feindre, un homme vide et sans but autre qu'assouvir ses pulsions. Les pulsions en question impliquent des criminels, du cellophane, et un couteau de cuisine électrique. Dexter, car c'est là le nom de cet individu, et celui de la série, depuis un évènement mystérieux de son enfance, a un besoin quasi existentiel de tuer; son père adoptif, policier, lui a appris à canaliser cette violence sur les criminels qui ont échappé à la justice.
Il en ressort une série très originale, et dérangeante; où l'on est confronté aux réflexions pleines d'incompréhension et même de naïveté quand Dexter est confronté à des situations normales impliquant une quelconque émotion, mêlées à celles relatant sa traque méthodique de criminels impunis et leur exécution soigneuse. Il faut dire qu'il se prépare bien, et après tout il sait comment s'y prendre puisqu'il est lui-même expert à la police scientifique de Miami. S'en découle une sorte de morale très particulière; le téléspectateur -c'est toi- ne sait pas toujours s'il doit la rejeter ou, même temporairement, la pardonner. D'autant plus qu'il semble faire des efforts, avec un simulacre de vie de famille, pour laquelle il ne ressent rien bien qu'il le souhaite intérieurement.

Bien. Je t'espère dorénavant prêt, pour que quand tout cela débarquera sur nos ondes l'année prochaine, tu puisses t'esclaffer: "Bien sûr, je connaissais déjà, un type formidable m'avait prévenu il y a bien longtemps déjà".