La grande famille de la politique

Quel amusement que ces périodes pré-électorales, quand chaque parti est occupé à s'entre-déchirer dans son coin, tranquillement.

Chez les socialistes, il y a de l'amour, mais que du côté de Jack Lang, qui aime tout le monde, et le prouve en distordant toutes ses rides pour sourire aux caméras. J'en veux pour preuve la récente histoire de la vidéo de Ségolène Royale confiant à guichet fermé son intention de faire travailler 35h les enseignants. Grand courage politique, de cacher des idées avant d'être investie; où l'on voit que les 15% des adhérents du PS qui viennent de l'Education Nationale peuvent aisément faire confiance à Royale, laquelle, dans un grand respect pour la démocratie, préfère dire les choses qui fâchent a posteriori.
Forcément, Fabius, qui a découvert le mot "gauche" il y a quelques mois et qui le trouve joli, l'accuse de dire que les enseignants sont des feignants, sous prétexte qu'ils ont les vacances scolaires et quelques heures de cours par semaine.
Les copains à Royale s'écrient que c'est Strauss-Kahn qui a tout manigancé; comme quoi publier des projets politiques d'une candidate relève de l'attaque: l'insolent auteur anonyme de la vidéo a osé se servir de la vérité, quel coup bas. Merveilleuse réplique du camp DSK: Ségolène Royale avait bien condamné les propos du premier ministre hongrois sur un enregistrement pirate sans au préalable se demander d'où venait celui-ci.

A droite, le débat n'est pas politique, mais judiciaire. Villepin, Alliot-Marie, Sarkozy, tournent tous autour de l'affaire Clearstream, chacun essayant d'instrumentaliser la justice et de la retourner contre les autres. MAM joue la carte Jospin, essayant de se faire désirer à l'UMP, oubliant que Lionel est retourné à l'Ile de Ré et que plus personne ne lui parle, sauf son facteur, pour lui dire qu'il n'a pas de lettres pour lui aujourd'hui. Villepin lutte pour survivre et, de temps en temps, essaie d'entraver la marche de son ministre de l'Intérieur.
Celui-ci modère ses coups médiatiques ces temps-ci, sans doute pour laisser l'horizon libre à Ségolène Royale, assurément le candidat PS qu'il souhaite voir s'imposer. Il suffit d'avoir vu la piètre performance d'oratrice de Royale dans des débats avec des copains, très strictement encadrés et sur des sujets préparés à l'avance depuis des semaines, pour se rendre compte avec quelle facilité Sarkozy, qui excelle à cet exercice, pourrait l'anéantir. Et à partir d'un moment, l'argument de campagne "je suis une femme" finira par apparaître comme un projet de société un peu limité.

A l'extrême-gauche, toute cette frange anachronique du paysage politique a du mal à se mettre d'accord; les Verts, apparemment peu conscients du manque total d'intérêt qu'ils soulèvent parmi la population, se déchirent comme à leur habitude. Une idée: et si notre candidate c'était Dominique Voynet, l'ancienne ministre de l'Environnement qui, pendant la marée noire de l'Erika, avait préféré rester en vacances?

A l'extrême-droite, où un pourcentage dangereusement élevé de la population se réfugie, par haine, par bêtise, par volonté de projeter sa propre médiocrité sur autrui (autrui a de préférence la peau suspicieusement foncée), par ignorance politique, par fascination pour le personnage de LePen, se posant en chef viril victimisé, messie pour le peuple; là, de Villiers réclame sa part du gâteau, copiant mot pour mot le programme effrayant du gros et glissant le mot "Turquie" aussi souvent que Jack Lang rappelle qu'il est l'ami des jeunes et que ces derniers l'adorent. Le Pen père et fille, pendant ce temps, récupèrent de façon inquiétante et odieuse tous les symboles de la république; le drapeau, la révolution, etc. Quelle triste preuve de leur efficacité que de s'apercevoir que l'on ose plus arborer notre drapeau sans passer pour un facho.
Les deux partis ont du mal à rassembler les 500 signatures, et bien que le respect de la démocratie impose à la raison que les 15-17% de français votant FN ont le droit de s'exprimer par les urnes pour un candidat représentant leurs idées, le coeur et l'esprit espèrent secrètement qu'ils échoueront, pour pouvoir échapper à la réalisation aberrante qu'une personne sur six ou sur cinq croisées dans la rue donne son approbation et son soutien en tant que citoyen à un parti se plaçant historiquement et idéologiquement dans la lignée du régime de Vichy et de tristes personnages comme Maurras ou Drumont.

Cette poussée de l'extrême-droite a déjà montré en 2002 l'importance cruciale d'avoir un candidat de gauche fort et crédible, pour éviter l'ancien scénario. Pour avoir suivi le dernier débat "télévisé" du PS, courageusement diffusé sur une chaîne que virtuellement personne n'a, la médiocrité de la performance de Royale face à des gens de son propre camp me fait douter de sa résistance lors de confrontations avec des candidats aguerris d'autres partis. Avec Fabius qui se ridiculise en feignant de se radicaliser à gauche, il reste DSK, qui monte progressivement dans les sondages. Soyez gentils les adhérents du PS, au nom de nous tous, évitez-nous une nouvelle jospinade en 2007.

De toute façon, cette fois-ci j'en suis sûr, en 2007 le gagnant sera Nicolas Miguet.